Après tout, il n’y a d’autre règle que le ressenti. Ce qu’on éprouve à l’écoute d’une œuvre, qui a été conçue comme une entité en gestation, parfois pendant de longues années…Et le Black n’échappe pas à la règle, surtout pas lui. Cette musique si viscérale, qui s’adresse au plus petit dénominateur commun, et qui fait appel à des sentiments comme le rejet, l’adhésion de masse, la fascination, le dégoût, la peur, et autres réactions épidermiques qui déterminent si oui ou non, un simple disque peut se transformer en sensation tangible, et ainsi, passer à la postérité de la noirceur absolue. Pourtant, tout jugement est soumis à une subjectivité totale. Ainsi, certains ne se retrouvent qu’autour d’un nombre très réduit de chapitres, tandis que d’autres célèbrent le style dans sa globalité, sans faire de tri. Je me range de moi-même dans la première catégorie, ayant déjà érigé mon panthéon personnel depuis longtemps…
Mais revenons au plus important, le ressenti. Ce premier album du projet cosmopolite OCULUS ne manquera pas de diviser, et de rassembler. Diviser ceux qui n’y verront qu’une tentative de grandiloquence dans la brutalité, et qui réclameront plus d’efforts pour proposer des approches moins statiques. Rassembler ceux qui se laisseront envoûter par cette atmosphère morbide et confinée, qui empeste la solitude d’un corps enfermé dans une douleur sourde.
En fonctionnant en pure claustrophobie, The Apostate of Light choisit donc de tourner autour d’une poignée de thèmes porteurs, et de digresser dessus jusqu’à l’overdose de ténèbres. C’est ce qui fait sa force aux oreilles des plus perméables à la linéarité occulte, mais aussi sa faiblesse auprès de ceux qui attendent plus qu’un simple tableau oppressant qui ne tire de sa palette que les teintes les plus noires. Le noir, la nuit, c’est ce qui se dégage d’un premier LP très mature, élaboré depuis 2014, et qui voit enfin le jour aujourd’hui, par pure ironie, mais qui tamise cette lumière d’une discrétion fort peu à propos.
Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, valables. D’une, par son côté pluriel, rassemblement de musiciens de nationalités différentes (suisse, américain, serbe), et au pedigree impressionnant pour qui connaît l’underground (THE STONE, BORGNE, DEATHROW, ENOID, ou OPHIDIAN COIL, et bien d’autres encore…). Kozeljnik (chant, guitare additionnelle), Nero (guitare) et Ormenos (batterie, basse, claviers) se sont donc virtuellement joué des frontières pour oser le travail en commun, et nous offrir une très longue litanie découpée en six segments cohérents, qui une fois assemblés forment une symphonie de l’outrance, qui dramatise le Black le plus pur et monolithique, pour le transformer en pièce cloisonnée pour âmes torturés, et ainsi, se placer dans la plus droite lignée de groupes comme DEATHSPELL OMEGA, sans revendiquer trop d’originalité. Ici, pas de construction à tiroir, pas de break incongru, pas de baiser sur les lèvres sanglantes de l’avant-garde exigeante, juste l’essentiel, des thématiques simples, basées sur des riffs constants et directement inspirés par la légende norvégienne, des arrangements a minima, mais surtout, une voix blindée d’écho, grave, rauque, incantatoire, qui nous mène là où elle veut, du moment que les enfers ne soient pas trop loin. Et c’est donc ce second point qui rend The Apostate of Light si étrange et hypnotique, malgré les maladresses qui lui sont objectivement imputables.
Reposant la plupart du temps sur un tempo funèbre et martial, cet album n’est qu’un cercle concentrique sans fin, comme une chute vertigineuse dans les abysses de l’humanité, pour constater qu’elle n’en est plus que de nom. Et si les accélérations sont patentes, elles semblent raisonnables et modérées, comme si la violence se devait de rester insidieuse et non ouvertement déclarée. L’ensemble fonctionne comme une somme de répétitions, qui sembleront redondantes pour beaucoup, mais qui constituent les fondements même d’une musique qui refuse les déviances, la fantaisie de pirouettes techniques et stylistiques quelconques, et l’ouverture sur d’autres inspirations que la sienne. La vôtre s’en trouvera sans doute haletante, ou difficile, selon votre acceptation des règles et vos inclinaisons personnelles, mais personne ne pourra rester de marbre face à une réalisation dantesque, qui ose provoquer l’ennui, pour susciter le dégoût. Car sur The Apostate of Light, rien n’est beau, ni neuf, ni innovant. On retrouve les effluves nordiques de la décennie maudite des nineties, qui empestent encore plus le nihilisme et le manque d’empathie, la froideur rigide d’un BM inamovible aux muscles tétanisés par le froid, et la marche processionnelle et glauque qui caractérisait les premiers efforts d’HELLHAMMER, et qui préfigurait le déferlement à venir. Des racines donc, qui servent de base aux extensions proposées ici, qui se cristallisent toutes autour du titre d’ouverture, ce « The Sour Water Of Life » de plus de dix minutes, qui pourrait se vouloir épilogue et prologue, tant il raconte tout, de l’origine à la conclusion, sans chercher à dissimuler quoi que ce soit.
Ainsi - et c’est certainement l’écueil que cet album devra affronter dans le cœur des évolutionnistes, ou des plus pointilleux – aucune surprise ne vous attend par la suite, même mineure. La guitare suit le même processus de stabilité acide pendant près d’une heure, les patterns de batterie sont agencés de façon presque symétrique, et le chant très SHINING de Kozeljnik ne varie pas d’un iota de son emphase shakespearienne occulte. De fait, et au fur et à mesure de l’avancée, le surplace menace, au point de s’imposer, ce qui créé une dichotomie assez intéressante, quoique certainement fatale au bout du compte. Car ce premier album d’OCULUS ne peut fonctionner stricto sensu qu’en refusant toute modulation, alors même que cette absence de variations le rendra mortellement ennuyeux pour la plupart d’entre vous. Mais c’était le risque à prendre pour une telle démarche artistique absolue, et un pari difficile à relever, qui finalement, ne réussit qu’à moitié. Si la première partie de l’album vous pénètre les chairs, la seconde retire les aiguilles petit à petit, sans douleur, pour vous laisser intact, et pas forcément certain d’avoir ressenti quelque chose. Un peu comme si les meilleurs idées du MAYHEM de 1993 avaient été condensées en une ou deux tonalités, sans chercher à les agrémenter d’éléments extérieurs. D’où la difficulté de parler d’un disque qui finalement monte comme un soufflé, puis retombe comme il avait gonflé, sans pour autant manquer d’esthétique ou d’allure…
L’obstination comme moteur, l’entêtement comme valeur, et comme je le disais, un ressenti qui restera le vôtre, et qui je n’en doute pas sera partagé. Choisissez votre camp, mais choisissez en un, car le travail accompli mérite quand même ce respect. Souhaitons juste que ces musiciens au calibre indéniable ne refassent pas les mêmes erreurs par la suite…
Titres de l'album:
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