Chroniquer « à l’aveugle » présente des avantages comme des inconvénients. On prend le risque la plupart du temps de tomber sur des albums sans intérêt, en en accumulant un certain nombre pour être certain de trouver matière à digresser, mais les scories s’accumulent sur le disque dur comme autant de couches de poussière sur les étagères de l’illusion.
Voilà pour les inconvénients, qui tiennent plus de l’ordre du désagrément qu’autre chose, quoi que parfois, on se perd dans le labyrinthe de l’inconséquence au point de piocher la sortie la moins insipide pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent.
L’avantage, est que de temps à autres, on tombe sur des artistes sortis de nulle part (pour soi évidemment, mais connus par des milliers d’autres) qui possèdent une identité affirmée et un univers décalé, et que leur découverte se transforme en épiphanie musicale qui vous conforte dans votre rôle (assez usurpé il faut l’avoué) de « découvreur de talent ».
C’est ce qui m’est arrivé ce matin lorsque j’ai tendu l’oreille sur un album résolument à part, après avoir perdu de précieuses minutes à survoler des sorties toutes plus anonymes les unes que les autres. C’est ainsi que j’ai percé à jour (ou en partie), le mystère enveloppant SNOVONNE, artiste plurielle et terriblement autobiographique, qui puise dans son propre vécu de quoi alimenter son décorum artistique.
Et dire que ce dernier est baroque, décalé, fantaisiste et « spectaculaire », dans le sens le plus littéral du terme est un doux euphémisme qui rend The Child and the Bitch encore plus envoutant.
SNOVONNE est une auteure/compositrice/interprète née en Slovaquie, vivant aux Etats-Unis, qui a démarré sa carrière en 2004, et qui depuis a parcouru le monde et sorti trois longue durée (It’s Sno, Baby - Not Sugar en 2010, The Nightmare Bride en 2012, et donc ce The Child and the Bitch cette année).
Si elle se plaît à décrire son art musical comme un mélange d’humeurs de riffs Heavy et de mélodies fragiles, qu’elle affirme que chaque note et chaque mot employés viennent du plus profond d’elle-même, il est indéniable que son univers artistique lui est définitivement personnel, même s’il partage des points communs avec d’autres ensembles, certes peut-être moins originaux et « exhibitionnistes » (dans le sens émotionnel et non littéral du terme).
Ce que les journalistes et autres critiques aux raccourcis faciles aiment à décrire comme du Dark Cabaret, n’est rien d’autre qu’une forme très aboutie de Metal moderne, qui en effet emprunte au Théâtre et au cabaret quelques réflexes et inflexions, rappelant parfois les pièces conséquentes ou non de NOTRE DAME, de MARILYN MANSON, mais aussi de DIABLO SWING ORCHESTRA, et pourquoi pas, en étendant le spectre hors de notre petit monde, de Kate Bush, Tori Amos, ainsi que Charlotte Martin et autres Annette Peacock, dans un registre pourtant moins équilibriste et plus image d’Épinal.
Ceux qui connaissent déjà SNOVONNE ne seront pas surpris outre mesure par le contenu de ce si craint troisième album. La continuité, si j’en juge par le peu que j’ai entendu de ses efforts précédents est assurée, même si l’artiste est cette fois allée chercher au plus profond d’elle-même la matière indispensable à la composition d’un album qu’on pourrait qualifier de concept.
Elle le décrit d’ailleurs en ces termes :
«The Child and the Bitch (Chronicles 1984-2014) est un album que j’ai toujours voulu faire. Bien que toutes mes créations soient personnelles et authentiques, ce disque repose sur des éléments autobiographiques. C’est le résultat de vingt années passées à écrire de la musique et à voyager ou le vent m’entraîne. Son thème est la relation entre l’âme d’enfant et le cerveau d’adulte, et le besoin de garder un équilibre entre les deux. »
Ce disque se veut donc un bilan d’une vie pourtant presque juste commencée, et qui oscille entre des souvenirs d’enfance enfouis dans l’inconscient, et le ressenti d’une adulte qui doit affronter l’existence avec les armes que son expérience lui a données.
En résulte donc une musique à l’ambivalence claire et prononcée, qui tergiverse entre mélodies délicates d’une boite à musique de la mémoire, et agression contemporaine évacuée à grands coups de rythmiques synthétiques martiales et parfois dansantes, mais qui pourtant sait rester dans la nuance d’une personnalité qui ne se dégagera jamais de ses rêves et illusions de petite fille.
Un disque donc très étrange, très impudique et pourtant plein de pudeur, et qui ose naviguer de style en style sans paraître disparate ou assemblé façon créature de Frankenstein Néo Metal assoiffée d’effets faciles et de riffs déjà préchauffés.
L’enfant, et la salope. Titre bizarre qui semble suggérer une dualité de personnalités à la limite de la schizophrénie, ou une simple évolution d’une artiste qui pourtant n’a jamais fait la moindre concession à son art. Ces deux aspects se manifestent tout au long de l’album, trouvant parfois un point de convergence assez troublant, notamment dans le premier et éponyme morceau, qui se perd dans un phrasé hip-hop dérivant opératique, et dans des arrangements de fête foraine de l’étrange. On pense à une Tairrie B perdue dans les attractions gothiques imaginées et construites par un Rob Zombie en association avec les Snowy Shaw et Vampirella, mais à vrai dire, seul l’impact compte, et celui-ci est irréfutable, et vous enveloppe dans une couche de brume qui vous indique le chemin à suivre.
Et ce chemin est parsemé d’embûches, d’anecdotes intimes racontées sous le ton de la grandiloquence ou du minimalisme affectif (d’un côté « Bullshit », très jump et finalement abordable de son refrain fédérateur, de l’autre « Sally » et son ambiance feutrée et presque sarcastique), d’épisodes émotifs sincères et touchants (« Anatomy » et ses chœurs enfantins émanant d’une même psyché, soudain perturbés par une guitare sombre annonçant l’orage de l’âge adulte), d’histoires narrées sur une mélodie chaloupée Jazzy virant Rock de cabaret tempéré (« All My Ghosts », cadavres dans le placard qu’on ne cherche surtout pas à enterrer sous le lit), et de prises de conscience d’une innocence perdue le long des couloirs urbains d’une vieillesse qu’il faut bien accepter (« Filth », un peu MANSON, un peu MY RUIN, un peu louche, un peu lubrique), pour en arriver à une inéluctable conclusion, toujours aussi ambivalente et inclassable en termes de genre (« My Poison’s Made For Me », épilogue presque évident, qui synthétise tous les chapitres)…
On ressort de ce troisième album avec beaucoup de questions, mais aussi quelques certitudes. Le concernant, on peut affirmer que The Child and the Bitch semble être l’album le plus abouti d’une artiste inclassable, et que le Rock libre a encore de très beaux jours devant lui. Si la production n’évite pas l’écueil du synthétisme un peu excessif sur quelques parties orchestrales un peu faibles, elle permet d’offrir à ce disque un écrin presque mystique, comme le secret professionnel d’un thérapeute ne faisant que constater l’évolution naturelle d’un être humain qui prend conscience de son destin.
Musicalement, l’aventure est aussi riche qu’elle peut l’être, et offre une belle palette de nuances, dérivant le long d’un Metal moderne et théâtral, ou d’une musique sans étiquette qui puise dans les émotions ses couleurs sombres ou pastel.
Mais en l’état, The Child and the Bitch est une des introspections les plus intéressantes et honnêtes que le Metal a pu nous offrir depuis fort longtemps.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09