Enregistrer un concept album cathartique en se basant sur sa propre expérience et son vécu et l’un des processus créatifs les plus difficiles à affronter. Il s’agit ni plus ni moins qu’une combinaison entre une psychanalyse poussée et une introspection douloureuse, et les artistes ayant choisi ce mode d’expression en sont rarement sortis indemnes. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir du calvaire enduré par Trent Reznor au moment de graver pour la postérité son chef d’œuvre The Downward Spiral, dans la maison occupée fut un temps par Sharon Tate au 10050 Cielo Drive, à Beverly Hills, jusqu’au jour funeste de son massacre par la tribu Manson pour une affaire de drogues, album qui avait laissé l’artiste au tapis, KO pour le compte, mais enfin face à ses démons les plus féroces. Ou aussi, de se replonger dans la douleur du pauvre Robert Wyatt qui couché sur un lit avec la colonne brisée a enregistré l’un des plus beaux disques de la création avec Rock Bottom. Ni Trent, ni Robert ne savaient vraiment ce qui les attendaient, ni qu’ils allaient livrer au public des chefs d’œuvre que le temps confirmerait de son empreinte indélébile, mais gageons que si les deux artistes avaient su en amont la somme de souffrances qu’ils devraient endurer, aucun des deux ne se seraient attelé à la tâche. Parlons aussi de Roger Waters, tellement obsédé par la starification et son mur qu’il a préféré coupé les fins fils qui le reliaient encore à ses anciens comparses, pour accoucher du monstre The Wall qui allait avoir la peau de sa créature PINK FLOYD, devenue trop énorme pour être domestiquée. Alors, non, enregistrer un concept album en se basant sur sa propre expérience et sa propre douleur n’est pas chose aisée, et ça n’est certainement pas Tom de Wit, le leader et cerveau de TDW qui me contredira.
Fondé en 2002, le projet TDW a largement eu le temps d’imposer ce son si particulier qui le caractérise depuis son premier album First Draft, paru en 2004. Un mélange de Metal moderne, de Rock progressif, de Pop alambiquée, de Post-Rock discret, soit la quintessence de l’art moderne du métissage. Et si chacun des sept albums du groupe a prouvé son unicité et sa particularité sur la scène, le rôle du petit dernier est encore plus important, et peut-être le plus crucial de la longue carrière de Tom. Pour en arriver là, l’artiste aura du souffrir le martyre, accepter sa condition de mortel, et choisir de l’aborder sous un angle musical et artistique à des fins cathartiques pour livrer l’un des travaux les plus essentiels de son parcours. Tom en parle sans gêne, et aborde le sujet de front, présentant The Days the Clock Stopped comme un journal intime, mais aussi le témoignage d’une prise de conscience. Le compositeur et multi-instrumentiste a choisi la voie de l’impudeur la plus pudique pour baser ses expérimentations sonores, et nous offre avec ce septième longue-durée un tableau complexe, aux nombreux détails qu’on en remarque pas forcément du premier coup d’œil, de ces albums qui nécessitent des mois d’écoute pour être appréhendés dans leurs moindres recoins. Mais comme je le disais plus en amont, Tom a d’abord affronté sa maladie, une terrible maladie des intestins qui aurait pu le laisser à terre pour le compte. Après en avoir guéri, il a décidé d’en parler à ses fans, et de baser son nouveau tome sur cette période sombre de sa vie, qui finalement, se présente sous la forme d’un concept en dualité de ton, terriblement lumineux d’un côté, et dramatiquement sombre de l’autre. Une dualité de plus d’une heure et dix minutes, qui se digèrent avec difficulté (pardon pour la malheureuse comparaison), mais qui au final représentent l’acmé d’une carrière de presque vingt ans au service d’une musique complexe et dense. Et souligner que The Days the Clock Stopped est dense et complexe est d’un lénifiant euphémisme.
Pourtant, l’album garde cette patine abordable qui a toujours été le point d’entrée le plus évident du travail de Tom et ses comparses. Pour parvenir à ce résultat brillant, Tom s’est entouré de musiciens compétents, dont Fabio Alessandrini d’ANNIHILATOR à la batterie qui livre là une performance hallucinante, combinant la précision d’un Mike Mangini et la puissance d’un Gene Hoglan (et certains passages de « The Pulse » ne sont pas si éloignés que ça d’un STRAPPING YOUNG LAD). On retrouve près de Tom, Rich Gray à la basse et aux chœurs (AEON ZEN, ANNIHILATOR), Remco Woutersen venu jouer quelques parties de violoncelle, mais aussi une kyrielle de choristes, Laura ten Hoedt, Cailyn Erlandsson, Nicole de Ruiter, Iris van‘t Veer, Rikke Linssen, Stan Eimers, Ron Brouwer, Rich Hinks et Abraham Sarache, toutes et tous trop heureux de participer à un projet aussi ambitieux que personnel. Dans les faits, et musicalement parlant, rien ne distingue ce nouvel album des précédents en termes de style et de qualité. Trois ans après The Antithetic Affiliation, et six après Music to Stand Around and Feel Awkward To!, The Days the Clock Stopped continue sur cette même lignée de métissage incroyable, osant les constructions opératiques, les attaques franches et limite Thrash, et la synthèse globale de tous les acteurs de la scène progressive de ces vingt ou trente dernières années.
Il y a donc des éléments inhérents au parcours d’AYREON, de PSYCHOTIC WALTZ, de Devin TOWNSEND, de Neal MORSE, de MARILLION, de PERIPHERY, de FATES WARNING, de LEPROUS dans cette musique portée à ébullition par une inspiration personnelle que l’auteur résume assez bien en ces termes :
« Cet album ne plaira pas à tout le monde et c’est parfait. Mais j’espère que l’album aidera des gens atteint de ce genre de maladie. Cet album ne parle pas que de moi, mais du fait de trouver la force de continuer, et de trouver l’énergie pour vivre sa vie à fond si l’on en réchappe. Et même si une seule personne trouve quelque chose qui l’aide dans ce projet, alors je serai heureux. »
Les mots sont certes cathartiques, mais la musique en elle-même est thérapeutique, au-delà des traitements curatifs traditionnels. Avec ce septième album, Tom atteint les cimes du progressif moderne, et nous offre des pièces remarquables de créativité. On peut évidemment ponter du doigt par facilité le long et évolutif « No Can Do », qui de ses dix-sept minutes passe par toutes les humeurs et les prouesses techniques, mais on peut aussi souligner toute l’importance de « Clockstop – Insight 2 » qui expurge le genre de tous ses tics les plus démonstratifs pour montrer un visage plus humain. De sa voix posée et claire, Tom chante la douleur, le doute, la peur, mais aussi la lumière qui émerge enfin au bout du tunnel, et ce long processus de remontée d’une pente très abrupte. Cet album, aussi réussi soit-il d’un point de vue musical est sans doute la plus belle guérison à laquelle vous pourrez assister, et cache en ses notes des trouvailles fulgurantes (les arrangements de « Clockstop – Insight 4 », proches d’un MARILLION moderne touché par la grâce), des accès de puissance ébouriffants (« Code of Conduct » flirtant avec le Death Metal par moments), et plus simplement, une intelligence de composition incroyable.
De là à dire que la souffrance de Tom était justifiée, il y a un pas de décence que je ne franchirai pas. Mais sincèrement, s’il fallait que l’artiste et l’homme en passent par là pour accoucher d’un album aussi beau…
Titres de l’album:
01. Crashscape
02. Clockstop – Insight X
03. Code of Conduct
04. Clockstop – Insight 2
05. Sleepless Angels
06. The Pulse
07. Clockstop – Insight 3
08. Death and her Brother Greg
09. No Can Do
10. Clockstop – Insight 4
11. Epilogue – A String of Repeats
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09