En abordant cet album, je regardais avec affection et admiration la longue liste des implications de l’un de mes héros, Shane Embury. Le bassiste rondouillard et de plus en plus chauve, figure centrale de la scène underground anglaise depuis les années 80 reste l’un des incontournables de l’extrême actuel, et semble tenir à sa place dans le cœur des fans. Ainsi, ses participations à des side-projects ressemblent aujourd’hui à un who’s who des musiciens les plus en vue, et sa bio affiche ceci :
ABSOLUTE POWER, BENT SEA, BORN TO MURDER THE WORLD, BRUJERIA, HICKS KINISON, INSIDIOUS DISEASE, MENACE, NAPALM DEATH, TRONOS, VENOMOUS CONCEPT, WAR OF THE SECOND DRAGON, ex-ANTICHRIST, ex-AZAGTHOTH, ex-INTESTINAL INFESTATION, ex-MEATHOOK SEED, ex-UNSEEN TERROR, ex-WARHAMMER, BLOOD FROM THE SOUL, DARK SKY BURIAl, ex-LIQUID GRAVEYARD, ex-ANAAL NATHRAKH (live), ex-DROP DEAD, ex-MALFORMED EARTHBORN.
Certes, cette liste exhaustive n’arrive pas encore à la hauteur de celle de notre bon vieux Rogga Johansson, mais on ne peut que s’agenouiller devant l’importance du travail accompli par Shane au travers des années, surtout lorsqu’il remet en branle l’une de ses anciennes créatures, dont nous étions sans nouvelles depuis quatre ans maintenant. Mais accros au Death/Grind le plus épais, réjouissez-vous, puisque LOCK UP revient vous enfermer dans les douves du château de la violence, une fois encore remanié, mais toujours aussi puissant et solide. Quatre ans donc depuis Demonization, excellent album, excellent souvenir, mais qui a laissé des traces. Et alors que chacun vaquait à ses petites occupations, certains se sont aperçu que l’aventure touchait à sa fin pour eux, à l’image de Nicholas Barker, parti plus tôt l’année dernière, et remplacé par Adam Jarvis (ASTHMA CASTLE, FULGORA, GOD ENSLAVEMENT, MISERY INDEX, PIG DESTROYER, SCOUR, ex-ALL WILL FALL, ex-CRIMINAL ELEMENT, ex-HATE ETERNAL). Adam, remplaçant parfait pour s’asseoir sur le tabouret de Barker, à la frappe fluide et supersonique, et aux fills diaboliques, fait donc tout ce qu’il peut pour faire oublier son illustre prédécesseur, et y parvient sans peine, faisant feu de tout bois de toms pour nous entrainer dans cette valse éreintante qu’est The Dregs of Hades.
The Dregs of Hades est typiquement l’album de Death/Grind parfait, à l’ancienne, qui nous rapproche des années 90 et du légendaire Pleasure Pawe Sewers. Méchant comme une teigne, rapide comme un guépard sous stéroïdes, ce nouvel opus (le cinquième) de la saga LOCK UP se dévore sur le pouce, se digère parfaitement bien, et laisse un agréable goût doux-amer en oreilles pendant plusieurs heures. Il faut bien sur passer outre les acouphènes qu’il provoque lorsqu’il est joué à plein volume (et lorsque Adam Jarvis se prend pour Bip-Bip le coyote, sur « Dead Legions » par exemple), mais autant dire que les quatre ans de silence sont comblés avec une célérité et une sincérité indéniables.
Mais outre le départ de Barker, ce nouvel album symbolise à l’inverse le retour d’un ancien comparse, venu partager le micro avec Kevin Sharp, hurleur en chef depuis 2014. C’est en effet Tomas Lindberg qui reprend du service, ce qui va combler de joie tous ses fans, et l’association des deux brailleurs est effective, profonde, et confère à cet album une aura particulière. Loin des harmonies vocales à la EVERLY BROTHERS, les deux tarés confrontent leur organe pour savoir lequel est le plus raclé ou caverneux, et la lutte fratricide donne lieu à des moments d’apocalypse assez effrayants (« Triumph of the Grotesque »).
Et c’est donc après une courte intro lugubre que les hostilités commencent, exactement là où elles s’étaient arrêtées. Il n’y a aucune surprise de taille à attendre de la part d’un groupe comme LOCK UP, mais une continuité dans la tradition, et Shane et les siens ne comptent pas déroger à cette règle. Alors, évidemment, les riffs sentent bon les nineties, le Death le Crust, le D-Beat, la rythmique oscille entre Grind pur et dur et Death agacé, et le tout donne une énergie incroyable, à tel point qu’on se croit dans le pit, juste aux pieds du beau Shane. On sent l’énergie du groupe nous parcourir l’échine comme une décharge d’adrénaline ultime, et le plaisir est total, même si on peut anticiper certains plans avant même d’en avoir entendu l’accroche.
Certains morceaux frisent la folie absolue, comme cet infernal « Nameless Death », virevoltant comme un cascadeur atteint de Parkinson en pleine danse de Saint-Guy, tandis que d’autres préfèrent temporiser et augmenter la pression, à l’image sonore de ce « Black Illumination », allumé mais construit autour d’un thème Death traditionnel.
Morceaux bien sûr d’une brièveté indispensable, la plupart du temps sous les trois minutes, production exemplaire (à part pour la grosse caisse, mais vous le savez déjà), guitare qui mouline comme une truie, osmose globale irréprochable, pour un cinquième tome sinon aventureux, du moins jouissif au possible. On aime toujours ces instants dégénérés qui prennent le beat et le dilatent comme un joint de bocal (« The Blind Beast »), mais aussi ces quelques passages en mid qui font trépigner (le break imparable et impeccable de « Reign On in Hell »).
L’indispensable final légèrement atmosphérique sur les bords est évidemment inévitable, et l’inquiétant et dissonant « Crucifixion of Distorted Existence » remplit à merveille son office, nous laissant sur une impression de perfection notable.
Retour en forme de Shane et LOCK UP, pour une année 2022 qu’on espère encore plus riche. Mais plus de vingt ans après sa naissance, la bête a encore une sacrée grande gueule et ne semble pas avoir envie de rafraîchir son haleine.
Titres de l’album:
01. Death Itself, Brother of Sleep (Intro)
02. Hell Will Plague the Ruins
03. The Dregs of Hades
04. Black Illumination
05. Dark Force of Conviction
06. Misdirection Thief
07. Dead Legions
08. Triumph of the Grotesque
09. Nameless Death
10. A Sinful Life of Power
11. Ashes
12. The Blind Beast
13. Reign On in Hell
14. Crucifixion of Distorted Existence
Arf... je l'avais oublié celui-ci, j'avais adoré Demonization, donc écoute de ce nouvel album obligatoire !
Les fins d'année c'est un marathon pour rattraper tout ce qu'on a raté !
Cela fait un petit bail que je n'ai pas ressorti la disco' antérieure mais je suis parti pour bien l'aimer après quelques auditions, mieux que le précédent en tout cas.
Le duo de growleurs de légende fonctionne à merveille, ils ont tous la pêche alors que les conditions d'enregistrement à distance aux quatre coins de la planète y étaient peu propices. Je le trouve aussi plus varié que jamais, avec des explorations prudentes comme l'intro ou le titre final légèrement "atmosphérique" prenant en sandwich d'autres titres plus directs et urgents que jamais comme depuis plus de vingt ans.
Achat obligatoire bien évidemment !
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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