Il y a ceux qui se tirent à la première échauffourée, ceux qui se planquent derrière les costauds pour ne prendre aucun risque, et ceux qui continuent de regarder leur verre en évitant les yeux injectés de sang des gros tarés du samedi soir qui ne cherchent qu’une chose : la bagarre. Et puis, il y a ceux à qui on ne la fait plus, et qui se tiennent fermement sur leurs deux jambes, les poings serrés, et qui n’attendent que la provocation de trop pour rentrer dans le lard. Sibylle Colin-Tocquaine elle, est de cette race de combattants de l’extrême qui n’ont pas peur du sang, mais qui savent utiliser le temps à bon escient. Une bonne blague bien ironique, provocante juste ce qu’il faut pour énerver l’adversaire, quelques pas de côté, et hop, une grosse mandale qui étale pour le compte. Il faut dire que la musicienne a largement eu le temps de roder sa technique depuis les années 80. Il est toujours bon de rappeler que Sibylle était là avant tout le monde, même si tout le monde le sait depuis longtemps. A l’époque, je me délectais de ses exactions violentes et purement féminines dans un monde de l’extrême dominé par les mecs. Allez, dans les années 80, qui avions nous comme hurleuse digne de ce nom ? Dawn Crosby ? Mais le passé intéresse peu celle qui a vendu son âme au diable depuis longtemps, ce qui l’intéresse aujourd’hui, c’est ce présent qui lui permet de se faire plaisir, et surtout, de nous faire plaisir, avec enfin ce troisième album qu’elle aurait dû sortir il y a des lustres. Pensez-donc, trente-quatre ans d’existence, et seulement trois longue-durée, de quoi faire marrer le gros Axl à qui on reproche la même chose, mais en moins pire. Mais Sibylle se fout de la quantité, ce qu’elle vise, c’est la qualité, ne pas parler pour ne rien dire, et surtout, parler de plus en plus fort alors que les années avancent. Et un webzine étranger bien connu s’étonnait d’ailleurs de l’intensité de ce The Fates, alors même que WITCHES accuse les trois décennies d’existence. Moi, plus rien ne m’étonne depuis longtemps, même si j’attendais la suite depuis The Hunt, chroniqué il y a cinq ans. Et cette suite ne m’a pas déçu, bien au contraire, un peu comme si la chanteuse de l’enfer avait voulu sortir son Reign in Blood pour fêter ça.
Treize ans depuis 7, et la gueuse croit s’en tirer avec vingt-neuf minutes de boucan. Tranquille mémère quand même, à l’époque où les groupes blindent leurs disques avec un double timing. Neuf morceaux, dont pas mal sous les trois minutes, pour un aveu implicite : la bestialité ne se dilue pas dans le temps, et se garde concentrée, c’est ainsi. Réduit à l’état de méga Power-trio, WITCHES n’a plus de féminin depuis longtemps que sa superbe chanteuse/guitariste. Aujourd’hui entouré par Jonathan "Sangli" Juré à la batterie et Lienj à la guitare et à la basse, Sibylle confirme des propos tenus il y a quelques temps, et arguant d’un nouveau répertoire éminemment brutal et sans concessions. Et en se mangeant « We Are » dans la tronche, on réalise que la beugleuse ne s’était pas foutu de nous. Cette entame de trois minutes qui tombe comme une pluie de blasts rapproche de plus en plus le groupe d’un Blackened Thrash à la AGRESSOR, le groupe modèle, l’aîné qui guide les pas, mais un tel hymne mélangeant DETENTE et ARCH ENEMY est la meilleure introduction qui soit, malgré une double grosse caisse méchamment comprimée. La voix de la chanteuse est de plus en plus rauque, de plus en plus possédée, une sorte de Regan encore plus corrompue par le diable et prête à vomir tout vert. On se dit à ce moment-là que cette mise en jambes a été murement réfléchie, mais il n’en est rien, puisque The Fates thrashe de bout en bout, sans se poser de question, mais en jouant carré et en rangs serrés. Difficile de croire à son écoute que cette frontwoman a connu les prémices du genre, et s’en sort encore en 2020 en accélérant le tempo et en faisant grimper l’intensité. On l’imagine plutôt capitalisant sur sa légende, assurant une ou deux traces pépères dans son coin, sans oser défier les cadors mondiaux. Mais ce serait vite oublier qu’elle fait partie de ces cadors depuis longtemps, et qu’elle n’a plus rien à prouver : juste à enfoncer le clou et à faire encore plus mal aux oreilles, en regardant la pointe s’enfoncer dans nos tympans. Et cette délicieuse douleur s’accentue au fur et à mesure que le tracklisting défile. « Inside », pamphlet Thrash/Death de première bourre avertit les auditeurs perdus que le chemin risque d’être de croix pour eux. En maniant le refrain simple et choc, Sibylle joue la simplicité et la franchise, saccade ses riffs, fait confiance à sa rythmique atomique, et hurle comme jamais. Ne comptez pas sur elle pour temporiser, elle n’a justement pas le temps. Une demi-heure ça passe vite, et le souvenir doit être impérissable. Alors tout va très vite, oscille entre Thrash, Death et Black, mais garde les humeurs des années 80.
« Damned Skin is Mine » ridiculise pas mal de groupes modernes au passage, et les renvoie dans les cordes des suiveurs. Véritable enfer pour les timorés qui n’osent plus jouer vintage dans leur époque sans avoir recours à des astuces faciles, The Fates est plus qu’un simple album, c’est un manifeste, un destin justement, d’exception, un peu erratique, mais fascinant de passion. Celle de Sibylle ne s’est jamais démentie, et les moments de fausse accalmie sont rares. Quelques breaks Heavy/Black par ci par là, des plans plus écrasants, des riffs un tantinet plus mélodiques, mais le tout est constant dans la rage, efficace dans la brutalité, et se place dans le peloton de tête des sorties de ce mois de juin. Alors que certains se pressent déjà chez Ikea ou prient pour la réouverture des bars, WITCHES se concentre sur l’essentiel, et ouvre les portes de son enfer personnel. On est ébloui par cette facilité à trousser des motifs mémorisables, par cet allant ne se démentant jamais, par ce massacre organisé qui racle la gorge de la chanteuse jusqu’au point de non-retour. « Black from Sorrow » fout quand même un peu les jetons de son intensité infernale, et rampe comme une créature ignoble sortie d’un purgatoire de Dante. Le son, globalement très bon malgré cette satanée grosse caisse, impressionne, et comprime les poumons. La progression époustoufle, avec des titres toujours plus intelligents et agencés, et le plus long, « Feared and Adored » réconcilie toutes les tendances Thrash/Death depuis ces trente dernières années. L’efficacité suédoise, le radicalisme allemand, la précision américaine, et la bestialité sud-américaine, avec en exergue quelques licks bien sentis. Et toujours ce chant haché, grave comme un larynx cramé par les années, et cette foi, puisqu’il faut bien poser le terme quelque part.
« Off the Flesh » vient piétiner les plates-bandes des maîtres du Death ricain en moins de trois minutes. La cadence d’abattage évoque une scierie canadienne, et la fin de l’album est une véritable boucherie qui révèle enfin un mid-tempo terrifiant (« Let Stones Fall », témoignage des jeunes années). Pour le final, la musicienne s’est fait plaisir, et a convié aux agapes de la brutalité quelques potes, Warzy & Moreno Grosso (HATE BEYOND), HK (HERR KRAUSS, qui s’est occupé du son) et Dum’s (PLEASURE TO KILL) pour terminer sur le feu d’artifices « Death in the Middle Ages ». Sibylle a connu le moyen-âge du Thrash en son temps. Mais elle n’a pas le temps de se retourner, elle qui continue d’adapter ses méthodes de torture à son époque. Ecouter The Fates, c’est mettre les deux doigts dans le cul d’un cochon et le brancher sur le triphasé. Putain, ça frise le peu de cheveux qui restent.
Titres de l’album :
01. We Are
02. Inside
03. Damned Skin is Mine
04. Black from Sorrow
05. Feared and Adored
06. Off the Flesh
07. Let Stones Fall
08. Last Wishes
09. Death in the Middle Ages
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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