Plus de vingt ans de carrière, six longue-durée, deux EP’s et deux splits, le parcours des parisiens de MOURNING DAWN est exemplaire. Depuis 2002, et après avoir débuté en tant que one-man-band, le quatuor n’a eu de cesse de repousser ses propres limites, pour attendre un équilibre parfait entre brutalité et contemplation, entre agressivité et mélancolie macabre. Et deux ans à peine après Dead End Euphoria, qui montrait déjà des signes de perfection, le groupe nous assène un gigantesque coup de massue avec son sixième album, très justement et poétiquement baptisé The Foam Of Despair.
Cette écume qui sèche sur les lèvres gercées est de celles qui obligent à ressentir le monde tel qu’il est. Toujours fasciné par des styles complémentaires, MOURNING DAWN poursuit donc son deuil, après avoir enterré la joie de vivre il y a bien longtemps. Dans un registre de Black/Doom très convaincant, et agrémenté d’une petite touche amère de Post-Rock, le collectif parisien se pose désormais en leader d’une scène plus si underground, même si la reconnaissance qu’il mérite n’est pas encore acquise. Mais après avoir découvert l’ample et majestueux « Tomber du Temps », gageons que les hordes de la nuit accueilleront en leur sein cette idole du désespoir.
A la manière d’un HYPNO5E encore plus noir, The Foam Of Despair raconte son histoire en utilisant de nombreux samples, ce qui permet de rapprocher ce nouveau chapitre du désormais classique Acid Mist Tomorrow. La lancinance, les riffs hypnotiques, la narration logique mais heurtée, beaucoup de points communs lient les deux œuvres, et il n’est pas incongru de les penser liées par un fil invisible. Evidemment, le travail de MOURNING DAWN est beaucoup plus simple, et repose sur la juxtaposition d’un discours enregistré et d’une bande-son torturée à l’extrême, mais lourde et efficace. Les deux groupes partagent donc ce besoin de souligner leurs obsessions de ces voix froides en arrière-plan, à la manière d’un documentaire compilant reportages d’époque et témoignages modernes.
Laurent Chaulet (guitare, chant), Frédéric Patte-Brasseur (guitare), Vincent Buisson (basse) et Nicolas Joyeux (batterie) ont une fois encore brossé un tableau très précis de leur univers désolé, mais faussement statique. On prend acte des évolutions et des micro-différences entre chaque album, et si tous ont été parfaits ou presque en termes de production, The Foam Of Despair atteint un niveau stratosphérique au niveau artistique. On peut presque sentir la résignation transpirer des pistes numériques, et l’abandon qui suppure des blessures musicales.
Empruntant au Doom ses répétitions et au Black Metal sa liberté de ton, MOURNING DAWN réconcilie le Post-Hardcore nineties, Le Black emphatique à la française, mais aussi le Doom anglais le plus fétide. Le mariage de ces trois membres d’une presque même famille donne donc un inceste glauque mais magnifique à la fois, qui se manifeste par de longues plaintes qui tiennent autant de l’orgasme traumatique que de l’effondrement personnel (« Apex »).
« Borrowed Skin », troisième de couverture est un monument à lui seul, qui utilise avec beaucoup d’intelligence la sobriété de riffs acides pour instaurer une ambiance clinique et figée. On y parle de mort, de souffrance, d’humains qui finalement tiennent bien plus à la vie que ce qu’ils veulent bien s’avouer, le tout sur fond de percussions tribales caractéristiques de la mouvance Post-Hardcore US des années 1990/1995. Cette longue suite peut être perçue comme une acmé, un pic atteint alors même que l’album n’en est qu’à sa première partie, et qu’il nous reste encore pas mal de condoléances à recevoir.
MOURNING DAWN dispose maintenant de son propre univers, ouvert et perméable, dans lequel on tombe sur une basse énorme, sur quelques notes répétitives martelées comme un mantra, sur ces samples utilisés à bon escient, sur ces riffs qui écorchent le bois des cercueils, éléments qui, lorsqu’ils sont dosés avec soin nous entrainent hors d’un monde trop prévisible et de toutes ses obsessions vintage.
On trouve le groupe à son meilleur sur le pesant et obsédant « Suzerain », faux instrumental mais vraie transition oppressante, et même au-delà lorsque « The Color of Waves » laisse ses nappes synthétiques colorer le ciel en blanc immaculé. Symptomatique de la démarche des parisiens, qui ne troqueraient jamais leur lancinance contre une violence facile et stérile, cette longue évolution de plus de neuf minutes clôt la trilogie amorcée par « Tomber du Temps » et continuée par « Borrowed Skin ». Quelques cassures valant mieux que de nombreuses déviations, nous suivons avec curiosité le chemin tracé par ces titres à tiroir, qui densifient le Doom d’une approche Black impitoyable, formalisée par un son de guitare cryptique et une production rythmique dotée d’un écho fantastique.
The Foam Of Despair fait partie de ces œuvres magiques qui nous éloignent des sentiers battus. Vraiment Doom puisque lent et lancinant, partiellement Black eu égard à cette voix atroce et à ce son de cathédrale gothique, MOURNING DAWN poursuit son chemin sans jamais chercher à triturer son ADN pour rentrer dans une petite case plus pratique.
La beauté se cache souvent dans les ténèbres, et MOURNING DAWN sait vous l’éclairer de son crédo romantique mais morbide. A vous d’apprécier les monstres qui s’y cachent, et qui protègent un secret nocturne longtemps passé sous silence.
Titres de l’album:
01. Tomber du Temps
02. Blue Pain
03. Borrowed Skin
04. Apex
05. Suzerain
06. The Color of Waves
07. Midnight Sun
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Je ne suis pas au courant.. il s'est passé quelque chose récemment avec le groupe Al Namrood?
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