Tout est là, recensez. La pochette noir et blanc style jaquette de démo un peu trop photocopiée, nom générique mais menaçant, on pense immédiatement à du gros Death des familles tendance old-school, et puis on confie ses petits tympans fragiles à l’objet en question. Et là, tromperie et horreur, puisque les PROWL proposent le Crossover Hardcore/Thrash le plus laid du marché, au moins autant qu’une jam impromptue des ENFORCED après écoute répétée de SLAYER et UNSANE.
Fondé en 2015 à Montréal, le quatuor canadien (Joel Carbonneau - basse, Jérémy Randria - batterie, Jonathan Charrette - guitare et Maxime Vallieres - chant) ose donc son premier longue-durée après avoir publié deux EP’s, fortement recommandables (Hell Breaks Loose en 2016 et Waging War en 2017), et un live plus anecdotique à Calgary. Aujourd’hui est donc leur grand jour, et autant dire que ces bourrins ont mis les grands plats dans les petits pour nous assommer d’une charge virale de Thrash/Punk/Hardcore, au son énorme, et aux riffs graves comme un pronostic vital engagé.
Mais comment se dose ce mélange assez classique dans les faits, mais moins dans le rendu ? Une base instrumentale profondément Thrash, et des lignes vocales éructées de l’au-delà, ou de la pièce à côté. Un genre de mix entre l’agressivité d’AGNOSTIC FRONT, d’un brin du SUICIDAL le plus énervé, de clins d’œil adressés à l’école suédoise Hardcore, le tout emballé dans un packaging sobre, glauque, pour bien renforcer l’impact d’une musique réellement vilaine, revancharde et tout sauf gratuitement bestiale.
Je ne cacherai pas que le hasard a très bien fait les choses en me plaçant sur la route des PROWL. J’ai immédiatement été happé par leur méchanceté, par leurs compositions presque évolutives mais méchantes comme des teignes, et par leur mélange corsé de tous les extrêmes les plus raisonnables. Je parlais des ENFORCED tout à l’heure, mais il est vrai que les similitudes entre ce The Forgotten Realms et At The Walls, sont nombreuses et évidentes. Cadence multiple, guitare bloquée sur ses motifs les plus nauséabonds, et énergie incroyable dégagée par des chansons faussement simples accumulant les breaks et tâtant de toutes les nuances du Thrash le plus ouvert.
En mode mid, le groupe est tout bonnement suffocant. On a du mal à reprendre sa respiration en encaissant le choc frontal de « Left Alone », qui agit comme un uppercut partagé entre NY et Venice, sans skate, sans palmiers, mais avec un vrai sens de la puissance et de l’ignominie vocale qui transperce les enceintes comme une dague plantée en plein cœur. Basse bien placée dans le mix, lourde et concernée, effets sonores bien choisis entre feedback et écho sur le chant, pour un premier album court, mais réellement percutant.
Enregistré, mixé et masterisé par Pierre-luc Demers, The Forgotten Realms est un petit miracle dans la production actuelle, et l’un des rares albums capables de fédérer les troupes Hardcore et les divisions Thrash. Les deux factions se retrouveront autour de la qualité incroyable d’un titre comme « Man Of Fire », centrale nucléaire au bord de la surchauffe, mais aussi en célébrant la hargne véloce du monstrueux « Altercation », vrombissant comme du ZNOWHITE, mais concentré et hideux comme du POWER TRIP. Nom employé tout sauf par hasard, puisque les deux groupes partagent ce goût pour la gravité, tels des junkies accros à l’horreur quotidienne retranscrite en musique.
POWER TRIP, ENFORCED, deux noms qui permettent de cerner la démarche. Et si les premiers sont une référence depuis longtemps, si les seconds ne sont connus que par une poignée de passionnés, il est évident que les PROWL vont imposer leur point de vue avec force et fougue, avant de devenir eux-mêmes une influence pour la nouvelle génération.
Et comment pourrait-il en être autrement lorsque la bombe « All Is Lost » éclate en fin de parcours comme un non-avenir en forme de point final pour l’humanité ? Car lorsque le tempo monte dans les tours, PROWL ne perd pas en épaisseur, et évite les débordements trop joyeux de la génération NWOOSTM (New Wave of Old-School Thrash Metal), pour se concentrer sur les coups portés, qui laissent des bleus et l’âme écorchée.
Excellente surprise que ce premier album des canadiens, l’un des meilleurs à voir le jour cet été. Pas le genre de truc qu’on passera sur son vieux poste en buvant le pastis et en savourant les merguez en camping, mais une bande-son très réaliste d’une catastrophe à venir que les moins lucides prennent pour une blague ou un excès de pessimisme.
Le réalisme a du bon lorsqu’il est si grognon.
Titres de l’album :
01. The Forgotten Realms
02. Death For Us
03. Ruined Fortifications
04. Left Alone
05. Man Of Fire
06. Altercation (feat. Seb Elbourne)
07. The Merchant Of Bones
08. All Is Lost
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