Puisque l’année 2024 ne nous a pas encore été présentée avec les formes, autant continuer de piocher dans les coffres de son aînée au cas où certains dossiers cruciaux nous auraient échappés. Et en prenant en compte la production pléthorique des douze mois passés, il est évident que certaines réalisations sont restées bien planquées dans l’underground, pour peu qu’elles n’aient pas bénéficié du soutien d’un label ou d’une promotion suffisante. Et en parcourant les Bandcamp toujours plus étoffés, je suis tombé miraculeusement sur le deuxième album d’un trio néfaste, qui vaut largement la peine d’être traité.
BULL OF APIS BULL OF BRONZE et son nom étrange est une force vive de la scène BM américaine de ces dernières années. Mais une force vive tapie dans l’ombre, qui n’en est sortie qu’en 2019 pour propager la bonne parole d’un Black Metal progressif, inventif, dissonant et culotté. A l’époque, Offerings of Flesh and Gold avait fasciné les fans d’une musique extrême et complexe, focalisée sur les dérives capitalistes de notre société, via le prisme d’une certaine avant-garde intelligente et ouverte aux suggestions populaires.
A cheval entre le Black classique et son pendant audacieux moderne, Offerings of Flesh and Gold n’offrait que trois longs titres, pour une durée de quarante minutes. Une fois le choc initial passé, on comprenait facilement que le trio du Colorado pouvait facilement passer la vitesse supérieure, et nous présenter un magnum opus bien emballé.
C’est chose faite avec cet impressionnant The Fractal Ouroboros, qui est loin de se mordre la queue.
Quelques éléments pour aborder le monolithe. Sept chansons pour près d’une heure et vingt minutes de musique, des chapitres qui s’étirent une fois encore au-delà du raisonnable, des thématiques claires, et une haine viscérale de la hiérarchie et des structures puissantes qui déchirent l’humanité. Nous sommes donc bien loin des obsessions habituelles, plus concentrées sur les légendes, l’occulte, le satanisme et autres dérives psychologiques. Et la symbolique de l’Ouroboros a été choisie tout sauf au hasard, l’humanité ayant la sale habitude de répéter ses erreurs sans aucun regret.
Musicalement parlant, BULL OF APIS BULL OF BRONZE peut se targuer d’ignorer toute limite trop restrictive. On trouve dans son travail des éléments de Rock Progressif, de Post Rock, de Black Metal traditionnel, d’Ambient en malaise, et les noms de KRALLICE ou WOLVES IN THE THRONE ROOM viennent rapidement à l’esprit après quelques écoutes.
Mai indépendamment de ces illustres références, le trio US (Yaeth - batterie, Athshean - guitare/basse et Achaierai - chant/claviers) s’en sort admirablement grâce à ses propres aptitudes, et signe là un manifeste de colère assez effrayant. Le volume sonore, les multiples cassures opposant de longues plages de quiétude à de soudaines accélérations brise-nuque, le chant théâtral adoptant les inflexions idoines contribuent à nimber ce projet de mystère, ce que le genre adore plus que tout. Et en choisissant un format hors-cadre, BULL OF APIS BULL OF BRONZE empêche avec beaucoup d’intelligence le critique un peu fainéant de se livrer à son exercice fastidieux de track-by-track.
The Fractal Ouroboros se considère comme un tout, même si ses parties sont analysables en l‘état. La première impression confirme que la brutalité est mâtinée d’une nostalgie mélodique qui n’est pas sans évoquer la scène Doom/Death anglaise des années 90, et souligne aussi un formidable travail de production, eu égard au nombre de pistes superposées pour créer ce mille-feuille sonore. Mixé et masterisé au Big Name Recording Studio, ce deuxième album est une montagne qu’on peut appréhender d’escalader, mais qui une fois les efforts passés et le sommet atteint, révèle toutes ses richesses et son audace.
Cette audace se formalise par un soin apporté à tous les secteurs de jeu. Les trois musiciens ont bien compris qu’une telle ambition ne pouvait s’accompagner que d’une perfection sonore et créative et chaque segment de nous traiter avec respect, en présentant des idées sinon novatrices du moins efficaces et percutantes.
Mais apprécier un tel album se mérite. Il faut s’armer de patience pour pouvoir discerner toutes les idées, et comprendre le mécanisme de cette lutte contre la déshumanisation d’une société en perdition. BULL OF APIS BULL OF BRONZE a bien compris que pour montrer du doigt, il fallait offrir des solutions. Notre comportement passéiste et celui des élites, condamnables, se cristallisent donc sur des structures évolutives et mouvantes, avec beaucoup d’espaces négatifs et contemplatifs, que des sommets d’ultraviolence viennent souiller de leur suie poisseuse.
Black progressif, Metal extrême évolutif, les deux pistes sont bonnes, et « Ekstasis, Enstasis, and the Fractal Ouroboros » de nous démontrer par A+B que les options prises par le trio sont les meilleures. La Norvège, les Etats-Unis, mais aussi l’Allemagne se mélangent dans un ballet d’émotions pures, et les constructions en gigogne révèlent un contenu précieux, mais aussi un héritage lourd à porter.
Et ce deuxième longue-durée de faire son chemin en nous, comme un pamphlet rédigé à l’attention des êtres les plus lucides qui ont bien compris l’impasse de la situation.
Un avertissement ambitieux et ironiquement prévu sur le long-terme, pour un groupe fascinant et qui oblige à faire des efforts d’attention.
Titres de l’album:
01. Trophy
02. A History of Cages and Broken Bones
03. Suffocate O Earthen Lungs; They Now Lungs of Ash
04. Annihilation
05. Liberation Ritual
06. Our Overt Apocalypse
07. Ekstasis, Enstasis, and the Fractal Ouroboros
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30