On a souvent tendance à croire à tort que l’underground est peuplé de créatures hideuses, répandant leur fiel dans les sous-couches les moins fréquentables de l’extrême, et que la majorité des entités évoluant sous la surface ne s’expriment que par des borborygmes inquiétants et des expressions musicales radicales. Mais non, il existe aussi dans l’underground des musiciens plus disciplinés, et surtout, plus civilisés, qui ne se vautrent pas dans la fange BM, Brutal Death, Noisy Core ou expérimental inaudible. La preuve en est donnée par un obscur groupe américain, LORD MARZ qui de son baptême étrange et abscons incarne une autre conception de l’amateurisme éclairé, et qui redonne ses lettres de sagesse au Metal le moins diffusé. Pas d’informations particulières à prodiguer à leur propos, si ce n’est que ce The Great Sun War est leur second longue-durée publié en 2020, quelques mois après un premier éponyme qui avait plus ou moins mis le feu aux poudres. En mai 2020, le groupe avait donc placé des jalons avec une grosse poignée de morceaux qui en disaient peu sur leur orientation, et ce second chapitre vient donc éclairer notre lanterne d’une lumière diffuse, et d’un mysticisme assez fascinant.
Plus concrètement, on pourrait affirmer sans trop manquer la cible que les LORD MARZ pratiquent une sorte de proto-Metal progressif assez rétrograde, qui nous renvoie au Seattle de HEIR APPARENT, mais aussi au sud des MANILLA ROAD. Jouée par des passionnés, cette musique encore largement perfectible ne manque pourtant pas de charme, grâce à la conviction de ses interprètes et à leur niveau technique, largement au-dessus de la moyenne. Toutefois, ne vous attendez pas à une forme de Progressif moderne et précis à la DREAM THEATER/PERIPHERY, puisque l’optique des américains est plutôt d’aller piocher dans les eighties et seventies de quoi alimenter leur bestiaire, et la production de l’album rappellera des bons souvenirs aux nostalgiques des années 80 les plus indécrottables. On pense parfois à une mouture grossière du QUEENSRYCHE de début de carrière, mais ce sont vraiment les deux références déjà mentionnées qui battent le haut du pavé. Niveau structure, le groupe de Terry Gorle truste le plus gros des influences, même si les morceaux de The Great Sun War n’approchent jamais la subtilité et la préciosité des pistes du légendaire Graceful Inheritance. Ici, l’optique est plutôt brute, et renforcée par ce mixage et ce mastering très ascétiques, qui font fi de toute ornementation superflue. Ainsi, la batterie sonne captée en live, et le reste des instruments aussi, ce qui permet d’apprécier le groupe dominé par son leader Yvan Vera, principal compositeur, mais aussi guitariste, chanteur, parfois bassiste, et même percussionniste.
Un leader qui sait donc ce qu’il veut, et qui l’obtient assez facilement de son talent d’écriture. En unissant dans un même élan la violence du Metal post-NWOBHM et la subtilité du Progressif des années RUSH, LORD MARZ nous propose donc un mélange détonnant, qui rappellera aux plus anciens la magie d’albums comme Open The Gates ou The Deluge. Principal avantage de LORD MARZ, la voix de Vera, beaucoup moins connotée que celle de Mark Shelton, et plus lyrique, qui passe sans transition d’inflexions en mid range à des envolées tragiques en high range. C’est donc le talent de conteur d’Yvan qui met en relief ces plans parfois complexes et emprunts de Jazz Rock (le solo de « The Traitor » en est le meilleur exemple), même si les longs passages instrumentaux sont appréciés par le meneur. De longs passages durant lesquels sa guitare fait merveille dans un registre sobre mais efficace, avec ces réminiscences du doigté de Ritchie Blackmore, recyclées en mode moins néo-classique. Mais loin des ambitions de RAINBOW, LORD MARZ préfère mettre en avant sa brutalité plutôt que son côté le plus accessible, et son Metal a parfois des allures de Heavy/Thrash pas vraiment assumé, mais terriblement concret dans les faits. Le tout n’est pas forcément des plus faciles d’accès, même si l’entame explosive de « Web Weever » saura contenter les fans de Heavy bien furieux, et caractéristique des premières exactions Speed de la nouvelle vague américaine de Heavy Metal (SAVAGE GRACE, mais aussi les anglais de DIAMOND HEAD, et pourquoi pas, les canadiens d’EXCITER).
Le reste est beaucoup plus posé, et nécessite plusieurs écoutes pour être apprivoisé. Les plans sont parfois étranges, comme émanant d’une époque lointaine, captés d’un signal radio inconnu sur un quatre pistes laissé là par hasard. C’est ainsi que le long et épique « Through The Cosmos » à des allures de démo envoyée par erreur au mixage, avec ce son si rêche et brut, mais sonne clairement et consciemment comme un témoignage de foi en cette musique certes datée, mais passionnante. C’est donc un groupe bizarre qui nous offre là son second effort de l’année, un effort qui en demandera pour être apprécié à sa juste mesure, mais cette façon de louvoyer entre les sous-genres et se montrer allusif à tous les courants à quelque chose de vraiment neuf par rapport à la scène old-school actuelle qui se contente souvent de piller les plus grands. Ici, pas question de se servir abondamment dans les coffres de MAIDEN ou de ruiner le PEL de JUDAS PRIEST, on connaît les limites de l’hommage et on ne tombe jamais dans le plagiat. Mais la production d’un autre temps, le timbre résolument unique d’un chanteur hors-norme, et cette façon de rester ancré dans le passé seront autant d’arguments à charge pour les détracteurs du groupe, qui trouveront le tout un peu trop carbone 14 pour être vraiment digne d’intérêt.
Ce qui serait une injustice, tant cet album respire la fraîcheur de créateurs qui se moquent des effets de mode, et qui se permettent des incursions dans l’étrange aussi fascinantes que ce final « Brain Explosion ». En plus de huit minutes, LORD MARZ recycle le Jazz Rock progressif des seventies, le Death des années 80 et le Heavy symptomatique des eighties pour offrir un épilogue digne de ce nom, qui achève de classer The Great Sun War dans la catégorie…des inclassables (d’aucuns penseront même parfois à BLIND ILLUSION, et à juste titre).
Alors non, l’underground n’est pas QUE le terrier ou la soue de dégénérés en quête de bruit sans écho. Ce monde recèle aussi des résidents plus « normaux », qui gardent un lien ténu avec la musicalité, et qui font fi des codes en vigueur à la surface.
Titres de l’album:
01. Evolution
02. Web Weever
03. Masters of Disaster
04. Jewel Face
05. The Traitor
06. Through The Cosmos
07. The Xecoten
08. The Pact Of The Dark Matter Ghost
09. Eyes Turn White
10. Brain Explosion
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