Qu’attend-on d’un excellent album de Death progressif ? De la polyrythmie ? Des mélodies sous-jacentes qui servent d’arrangements cosmiques à la PESTILENCE ? Des prestations individuelles extraordinaires menant à une cohésion collective redoutable ? Des changements de signature fréquents ? De l’inédit, de l’imprévisible ? Une manière parfaite d’insérer des plans jazzy à une atmosphère globale envoutante ? De l’élitisme abordable pour ne pas sombrer dans la démonstration stérile ? Tout ça, et quelque chose d’unique en sus : une réelle identité qui permet de se démarquer des dix ou vingt groupes du haut du panier qui ont déjà plus ou moins tout dit dans le genre. Les nancéens de FRACTAL UNIVERSE font-ils donc partie de la haute société brutale et ciselée, alors qu’ils abordent le virage très dangereux de leur troisième album ? Après écoute de ce monumental The Impassable Horizon, la réponse est un immense « oui » hurlé du haut d’une montagne pour que l’écho propage la bonne parole dans le monde entier. On savait ces musiciens capables de dépasser l’excellence pour approcher la perfection sans se bruler les ailes comme Icare, mais The Impassable Horizon dépasse justement l’horizon qui servait de ligne de démarcation entre notre monde et…l’autre.
Les premières idées pour ce nouvel album ont commencé à fuser alors que Rhizomes of Insanity n’était même pas encore sorti, ce qui en dit long sur la créativité du leader Vince Wilquin. Capable de composer une suite symphonique en se basant sur une rythmique ou une ébauche de mélodie, le compositeur laisse aller son instinct et ne force pas l’équation pour qu’elle devienne insoluble. Les parties de batterie qu’il ébauche pour son complice Clément Denys, complexes évidemment, restent abordables et musicales selon le percussionniste qui reconnaît le talent de son guitariste/chanteur. Mais la force intrinsèque du quatuor est sa lucidité, et cette façon d’assumer le fait qu’ils n’inventeront jamais rien, et qu’ils recycleront des idées déjà largement répandues. A eux de les accommoder à leur sauce et de les faire sonner plus ou moins inédites - du moins personnelles - pour éviter l’embarras du plagiat, toujours encombrant dans le genre.
Concept album comme on n’en attend pas moins d’un groupe pareil, The Impassable Horizon passe en revue toutes les composantes musicales pour coller à son thème humaniste mais aussi philosophique. Quel est le lien qui unit les humains avec la mort ? Vaste question à laquelle la religion, la philosophie et la science ont tenté de répondre, mais qui trouve ici un éclairage nouveau, et artistique.
L’album tire partiellement son inspiration du concept de Heidegger, « être au-delà de la mort ». Le philosophe pense que la problématique réside dans la fausseté de la question initiale, « Qui y-a-t-il après la mort », qui doit être substituée par la bonne question, « Que signifie pour nous le fait d’être conscient de nos propres limites, et comment fait-on face à cette réalité, de façon consciente et inconsciente ? ». The Impassable Horizon traite de cette dualité, et la résume en quelques mots.
Un concept global, déjà largement abordé, mais qui traité à travers le prisme d’un Death progressif et éminemment technique prend un nouvel éclairage, plus moderne, et surtout, plus nuancé qu’une question lapidaire appelant une multitude de réponses. Techniquement, le groupe n’a pas durci le ton, et ses parties restent toujours humainement abordables, bien que parfois terriblement ambitieuses. Entre les soli de saxo, gimmick indispensable, et les épaisses couches de chœurs, ce troisième chapitre de la saga FRACTAL UNIVERSE fait largement honneur aux deux premiers, ne serait-ce qu’en termes de son, qui de sa clarté permet aux passages les plus denses de sonner précis et détaillés. Le single choisi pour illustrer la démarche, « A Clockwork Expectation » (et proposé en fin d’album en version radio edit) lâche l’une des pièces du puzzle, sans révéler le motif global. On ressent ces percussions d’intro comme des appels tribaux à nos racines, on accepte ces riffs aussi saccadés que mélodiques, toujours en contretemps, mais clairs pour qui a l’oreille rompue à l’exercice. On savoure ces mélodies à la CYNIC qui offrent une perspective cosmique à la théorie de l’afterlife, mais on retrouve évidemment la patte d’ALKALOID, le tout dans un refus des conventions binaires qui n’est pas sans rappeler l’anti-Rock de MAGMA.
Témoignage de la soif des musiciens d’aller toujours plus loin sans perdre leur but immédiat de vue, ce nouvel album fait la part belle aux contrastes et aux oppositions, et pas seulement dans la voix de Vince Wilquin. Les parties de guitares, parfois subtiles, de temps à autres sombres et menaçantes nous offrent un panel d’émotions qu’on ouvre en éventail comme le nuancier d’une vie et de sa confrontation à l’inéluctable fin qui nous attend : joie teintée d’inquiétude, peur nuancée d’espoir. « Falls of the Earth » résume parfaitement cette opposition permanente entre croyance d’un ailleurs et lucidité d’une fin brutale, même si d’autres segments illustrent eux aussi le combat opposant les deux écoles de pensée à leur manière. Brutalement et viscéralement pour « Withering Snowdrops », longuement et progressivement pour le superbe final « Godless Machinists ».
On pense parfois à une fusion entre l’OPETH des débuts et son alter ego contemporain, le tout supervisé par THE ARCHITECTS, mais l’équilibre entre les parties, la multiplicité des climats, et cet enregistrement at home qui flirte avec la perfection (seules les parties de batterie ont été frappées au Boundless Production Studio, le studio pro du groupe) font que ce troisième album est une nouvelle étape franchie avec brio par le groupe, qui parvient à se renouveler sans se trahir ni travestir la paraphrase.
Brillant, dense, riche, coloré, nuancé, contrasté, The Impassable Horizon nous propose de réfléchir à notre propre condition, en bombardant nos sens de thèmes musicaux variés. Et en écoutant cet album, on se rend compte que l’impartialité le domine, puisque les réponses aux questions posées restent multiples et différentes. Et qu’il y ait un ailleurs ou pas, que notre âme survive ou pas, le présent est encore assez fascinant entre les mains de FRACTAL UNIVERSE pour qu’on élude la question.
Titres de l’album:
01. Autopoiesis
02. A Clockwork Expectation
03. Interfering Spherical Scenes
04. Symmetrical Masquerade
05. Falls of the Earth
06. Withering Snowdrops
07. Black Sails of Melancholia
08. A Cosmological Arch
09. Epitaph
10. Godless Machinists
11. Flashes of Potentialities (Acoustic)
12. A Clockwork Expectation (Radio Edit)
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49