On peut en avoir marre. Du marketing à outrance, du taux d’obsolescence, des poses de surface, des albums de grande surface, des stars en farce, de l’oublié/jeté, du vite écouté, du semblant de vrai, du nostalgique emballé sous vide, de l’absence de rides. Tout ça, ça commence à sentir méchamment…rien. Tout est stérilisé pour ne pas choquer, tout est nivelé pour ne pas dépasser, tout est standardisé pour ne pas agacer. On vous refourgue de la troisième catégorie sous prétexte que le risque ne paie plus, et qu’il coûte cher. Combien de labels sont prêts à miser sur le long terme pour un artiste ? L’esprit du Rock existe-t-il encore ? Faut-il aller le chercher dans les notules de bas de page de fanzines virtuels qui sont sans doute les derniers à fouiller les poubelles du marché ?
Peut-être pas. Il suffit de connaître les bonnes adresses.
M&O Music est défenseur d’un certain état d’esprit qui se veut libre et affranchi des contraintes du biz’. La structure sait encore produire et distribuer des disques que l’on n’a pas l’impression d’avoir écouté cent fois. Des albums qui respirent, qu’on souhaite acheter en vinyle d’occase pour la beauté du geste et les craquements qui restent. Comme ce deuxième album du projet TARAH WHO ?
Le point d’interrogation aurait pu disparaître, puisque tout le monde sait maintenant qui est cette Tarah. C’est Tarah Carpenter, une furie qui vit sa musique et qui la joue sans arrière-pensée, mais avec quelques revendications légitimes. La place des femmes dans la société, l’équité, la sécurité et le respect étant des débats actuels et d’importance, un album comme The Last Chase en devient presque une pièce à verser au dossier de l’accusation. Les watts pour éloigner les gros porcs ? #Do-ré-mi too ? Tout ça, et plein d’autres choses.
Parlons musique. Entre l’Alternatif nineties et le Garage-Punk japonais des années 2000, TARAH WHO ? navigue à vue en gardant en mémoire les pépites Nuggets des sixties, ces chansons improbables et inécoutables revenues à la vie grâce à des passionnés. Entre fulgurance Punk et mélodies Pop, Tarah Carpenter continue son chemin pavé de succès, cité en exemple par le Hellfest, les revues internationales et les fans accros dès le départ. Il faut dire que la musicienne est non seulement omnipotente, mais très créative. Il faut de l’imagination pour inventer onze nouveaux morceaux à la volée, et les rendre indispensables en une poignée de minutes.
Dans la plus droite lignée de ces girls-bands énervés de l’anti-génération MTV, les BIKINI KILL, les L7, les BABES IN TOYLAND, Katie Jane Garside, The Last Chase cite, honore, respecte, mais tient quand même à son unicité. Presque comme un album solo raisonnable de Kim Gordon, TARAH WHO ? déforme le binaire de papy pour lui faire adopter la réflexion contemporaine autour du sujet majeur : le Rock n’Roll existe-t-il toujours ? Oui, et il continue de faire du bruit. Entre les bonnes mains.
L’ironie est quand même assez bluffante. Pour une rockeuse qui refuse les fauteuils et la tranquillité d’écoute, baptiser son premier morceau « Safe Zone » est plutôt grinçant. Cette zone de confort n’existe pas, et le son travaillé par Alain Johannes et Tarah entre le Portugal et l’Espagne est rugueux, plein d’aspérité, de guitares en prise directe, d’effets aux abonnés absents, et de sang qui coule des mains agressant les cordes comme un serial riffeur. Nous sommes donc loin du prévisible et de l’empaqueté avec soin, et plus proche du sandwich mangé sur le pouce entre deux villes à enflammer live.
Même Keith Richards pourrait trouver la filiation valide. A vrai dire, pas mal de rockeurs mâles pourraient se sentir dérangés dans leur suprématie par cette musicienne qui fonctionne au mérite et à la sueur. Celle qui coulera des fronts qui écouteront « You Don’t See Me », clôture grasse et pleine de graisse qui s’échappe d’un moteur un peu trop usé et gourmand. Les clichés ? TARAH WHO ? s’assoit dessus comme un siège de cinéma passant pour la énième fois Un Tramway Nommé Désir ou Easy Rider.
Gorgé de vitamines et d’accords majeurs, ce deuxième album fait le lien entre les époques, les genres et les héros. « Dimples » fait gicler les boutons d’acné, et intronise le binaire rapide comme règle immuable. Le tempo de cet album est d’ailleurs assez relevé, pour mieux donner cette sensation de vent qui passe dans les cheveux sur une autoroute américaine. Dès lors, comment voulez-vous ne pas avoir envie de voir ce groupe en concert, alors même que c’est son univers le plus naturel ?
Impossible.
J’imagine déjà « Army of Women » faire sauter dans tous les sens une foule acquise à cette cause de liberté. Reprendre en chœur ce refrain imparable qui jumpe comme il plaque au sol les idées reçues sur le revival. S’avancer sur le devant de la scène pour voir de plus près Tarah, déjà en transe et complètement dévouée à son art. Un art majeur. Comme ses accords.
Elastique, parfois critique, un peu nostalgique (« In Her Honor », échappé des nineties et son Lollapalooza sacré), pas dupe des cadeaux caduques (« Do You Believe in Santa Claus », non pas vraiment), The Last Chase n’est certainement pas la dernière chevauchée de Tarah. On sait que la musicienne en a dans son sac, dans son coffre, dans ses poumons et derrière son regard perçant.
Au choix. Du frelaté qui brûle l’œsophage, ou du bien distillé qui fait sembler de piquer le palais ? J’ai choisi. Faites comme vous voulez.
Titres de l’album :
01. Intro
02. Safe Zone
03. Dimples
04. Unborn
05. Never Say Never
06. Army of Women
07. Don’t Come Knocking
08. In Her Honor
09. Do You Believe in Santa Claus
10. Grown Up
11. You Don’t See Me
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