Le PANZERFAUST, c’est cette fameuse arme anti-char allemande largement utilisée pendant la seconde guerre mondiale qui ressemblait à un gros bazooka.
C’est aussi un album légendaire des DARKTHRONE, qui plaçait l’anti-musicalité en précepte majeur et qui permettait d’enfoncer le Black Metal un peu plus en profondeur dans les abysses de la disharmonie et de la misanthropie.
Mais PANZERFAUST, c’est aussi le nom de baptême d’un groupe Canadien, qui justement, se place naturellement entre ces deux incarnations précitées. Soit un groupe de BM franchement valide et puissant, qui tire des salves de violence musicale depuis quelques années, et dont la marche en avant ne semble jamais s’enrayer.
Une preuve qui étayerait mes dires ?
Leur dernier album en date, le terrifiant The Lucifer Principle.
PANZERFAUST, c’est une carrière entamée il y a déjà plus de treize ans, sous le soleil de Mississauga, Ontario, et qui a développé trois LP, deux EP et un split en compagnie des TOTALUS NECRUM. Une carrière entièrement dévouée à la pratique d’un Black concis, énorme et pourtant aventureux, pour ne pas utiliser le terme très galvaudé d’avant-gardisme qui rebute les plus pointilleux d’entre vous.
Pourtant, l’approche de ce quatuor a toujours été inhabituelle (Goliath – chant, Morbid – basse, Lord Baphomet – batterie et Laizer – guitare), et ce petit dernier vient prouver que les Canadiens n’ont rien perdu de leur goût pour l’inédit et le transgressif, puisque ce The Lucifer Principle, qui intervient trois ans après Jehovah-Jireh : The Divine Anti-logos, pourrait bien représenter l’acmé d’une carrière qui est pourtant loin d’être terminée.
Concept album, ce travail se base sur le livre de Howard Bloom du même nom, qui développait des théories intéressantes sur l’interaction entre les espèces et les groupes, et qui « explorait les relations étroites entre la génétique, le comportement humain, et la culture », pour prouver que « le mal est une création des stratégies de la nature, et qu’il est ancré dans les fondements mêmes de notre constitution biologique ».
Théorie discutable sur un plan scientifique évidemment, mais thème porteur pour un album qui va baser ses impulsions sur ces digressions humanistes et biologiques.
Et en tant que tel, l’ouvrage de Bloom vient de trouver son illustration artistique la plus idoine et adaptée, au travers de quatre longs morceaux formant une démonstration quasi scientifique des effets artistiques de l’art sur la musique et le caractère des hommes qui la pratiquent.
L’orientation des Canadiens n’a pas vraiment changé. Elle a tout au plus légèrement dévié, mettant à profit ces trois années de silence pour affirmer son assise et sa différence. Les musiciens privilégient toujours les longs développements, qui sont rarement des prétextes pour laisser traîner de longues digressions stériles. Leur musique est toujours aussi riche et « pleine », et leur approche du Black Metal très personnelle, et avouons-le, assez hermétique.
Et dès le premier titre, le monumental dans tous les sens du terme « The First Con Man, The First Fool », les choses sont mises à plat et la grandiloquence est de mise.
Intro majestueuse et opératique, chœurs fantomatiques désincarnés, nombreux arrangements qui ajoutent à l’ambiance moite et complexe, rythmique en percussions et guitares monolithiques, tout est organisé de façon à vous prendre à la gorge dès les premières secondes.
On retrouve cette lourde basse qui joue les oracles funestes, les litanies de guitares acides qui observent l’humanité avec lucidité et résignation, et surtout, cette façon de traiter le BM sous la vue d’un prisme déformant, qui peut éventuellement l’assimiler à un Heavy très dark et malsain.
La conception du « faux homme » est illustrée avec force effets et via une puissance vraiment écrasante, qui laisse présager d’une suite qui ne sera pas moins emphatique.
Et lorsque les blasts se déchaînent sur les dernières secondes du morceau, on comprend que les choses vont évoluer de façon exponentielle, jusqu’à atteindre un épitomé de violence sourde.
Le paradoxe évident de The Lucifer Principle réside en la dualité d’évolution d’un groupe qui refuse de stagner. Et « The Jerusalem Syndrome » d’illustrer ce constat de la manière la plus probante qui soit, en démontrant que plus le groupe Canadien vieillit, plus il se débarrasse de ses oripeaux BM standards et décélère la cadence, plus il devient ample, puissant, agressif et menaçant.
Entre cette rythmique qui accole une base de basse grondante et sinueuse et une batterie martiale et imposante, ces guitares qui refusent l’attaque frontale et privilégient l’avancée de biais, et ce chant schizophrénique qui se fraie un passage difficile entre des rangs de chœurs sépulcraux, on comprend vite que les PANZERFAUST ont atteint une maturité d’écriture admirable, qui les rend encore plus effrayants qu’avant.
Difficile d’établir des points de comparaison avec des références externes tant cet ultime album dame le pion à nombre de formations tout aussi établies, mais dans la forme et le fond, The Lucifer Principle est inattaquable, et forme une symphonie à la gloire du mal et de la faiblesse de l’homme face à ses propres démons naturels.
Et pour pousser la prise de risque à son paroxysme et démontrer une fois pour toutes qu’ils n’ont aucun suiveur potentiel, les originaires de l’Ontario terminent leur quatrième LP par une époustouflante reprise de Johnny Cash, « God's Gonna Cut You Down », qui s’étale sur plus de sept minutes, et transfigure un classique pour l’intégrer de force à un concept.
L’emphase électrique cède la place à des cordes acoustiques agressées par des nappes vocales grinçantes, avant qu’une fois de plus n’éclate une haine terrible, tenant tout autant d’un Funeral Doom soudainement inspiré par la petitesse de l’humanité condamnée à son propre sort, que d’un Black martial et sombre comme une introspection inévitable.
Il est évidemment très difficile d’y reconnaître l’original, mis à part lorsque les arpèges égrenés reprennent la mélodie d’origine, mais lorsque le crescendo s’étalant sur les quatre minutes finales grandit avant de s’éteindre dans une quiétude mélodique, personne ne s’attend à cette détonation symbolique qui évoque des images néfastes que notre conscience n’est pas forcément prête à assumer.
En quatre morceaux et à peine vingt-cinq minutes de musique, les PANZERFAUST se permettent de signer l’album de BM le plus impressionnant et créatif de cette fin d’année 2016 pourtant très chargée.
Ils confirment que leur progression est encore plus grande qu’on ne pouvait le soupçonner et que leur appréhension de la violence musicale est unique et inimitable.
Et du coup, leur adaptation de The Lucifer Principle risque de laisser les mêmes traces de réflexion et de révérence que l’œuvre littéraire originale, et de leur attirer une dévotion sans faille, transformant ce quatrième LP en objet de culte.
Je vous disais récemment que le BM n’avait de cesse de se contredire pour se renouveler et devenir de plus en plus tétanisant, mais euphorisant. Les PANZERFAUST viennent d’apporter leur eau à mon moulin de prédictions.
Titres de l'album:
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