Ils sont nombreux à s’être inspiré des Chants de Maldoror, du regretté et maudit Lautréamont. Ils ont eu plus de chance que ce pauvre Isidore Ducasse, qui vit son ouvrage condamné à l’oubli dès sa parution, caché dans les librairies et les caves, et qui ne parut même pas de son vivant.
Mort quelques années plus tard dans une indifférence générale, Isidore ne dut son salut et sa reconnaissance post-mortem qu’aux surréalistes, qui ont su voir dans son trouble l’essence même de leur ligne conductrice débarrassée des contraintes de la logique et de la rationalité.
Après tout, qui aurait pu au 19ème siècle trouver un quelconque intérêt à ces quelques vignettes éparses et indépendantes, à peine reliées entre-elles par un personnage maléfique et mystérieux ? L’époque n’était pas aux ténèbres, après des siècles d’obscurantisme, mais bien à la lumière de la connaissance universelle…
Mais depuis, combien ont osé évoquer le nom de Maldoror dans leurs chansons, leurs textes et leurs oraisons ? Des centaines, des milliers ?
Gainsbourg et Thiéfaine chez nous, et même l’institution Johnny…D’autres, moins français, et finalement, certainement trop pour être mentionnés dans cette chronique, qui pourtant ajoutera une référence à la non liste.
Cette référence nous vient de Suisse, et aborde le cas d’un groupe qui peut sans peine se revendiquer du legs de ces chants qui ont agité l’inconscient collectif…Un groupe qui depuis des années choque l’underground de ses tentatives extrêmes pour faire dériver le Black vers des océans de noirceur et de vide…
SCHAMMASCH, ce sont quatre musiciens (Chris S.R – basse/chant/guitare, Boris A.W – batterie, M.A – guitare et A.T – basse) qui proposent une musique assez impénétrable, et surtout, inclassable. Beaucoup les ont rangé dans la case « expérimental », par facilité, d’autres les considèrent comme les chantres d’une certaine avant-garde extrême, mais leurs fans, et ceux aimant simplement leur musique, les voient comme des instrumentistes et compositeurs refusant la facilité, sans tomber dans le trop plein d’abstraction.
Forts d’une discographie exemplaire et impeccable auréolée de trois longue durée (Sic Lvceat Lvx en 2010, Contradiction en 2014 et Triangle en 2016), les originaires de Basel aujourd’hui entament un travail tout aussi ambitieux, mais plus projeté dans le temps, avec une série d’œuvres (EP principalement) basés sur ces fameux Chants de Maldoror dont nous avons parlé en intro. Tâche dantesque et éminemment complexe, puisque retranscrire les mots et concepts flottants de Ducasse en musique n’est pas chose aisée, et ce, pour plusieurs raisons.
Car le thème de l’ouvrage en plusieurs volumes est plutôt abscons. Nul n’a jamais vraiment su où l’auteur voulait en venir, mis à part évoquer cette silhouette fantomatique symbolisant peut-être la mort, ou un quelconque fléau. Mais c’est surtout sa structure libre qui pose problème, en même temps qu’elle n’apporte une indéniable liberté de création…pouvant se montrer rebutante par ses refus de limites. Les SCHAMMASCH étant des habitués des volumes sans barrières (leur précédent LP étant triple, on les imagine assez capables de fixer eux-mêmes leurs démarcations), ce problème n’en fut pas un, d’autant plus que chaque EP consacré à la retranscription de l’œuvre est focalisé sur l’un de ses chants. Ici, c’est celui de l’hermaphrodite qui a été choisi, et qui s’avère diablement d’actualité de par sa thématique de genre et de recherche de place dans la société. Il vous appartiendra d’adhérer ou non à ce sujet, et de vous sentir concerné, mais autant avouer que les suisses ont encore une fois placé la barre de la créativité si haute, qu’aucun de leur suiveur ne pourra l’apercevoir.
Triangle, paru il y a à peine un an, était déjà un travail de titan. On imaginait mal le quatuor revenir aussi vite avec des plans aussi précis et ambitieux, et pourtant, sans se démarquer d’une ligne de conduite somme toute assez logique (on retrouve sur cet EP tout ce qui a fait leur particularité), ils se permettent encore d’innover et de nous surprendre avec une poignée de titres raflant la mise d’une demi-heure bien remplie.
EP donc, par choix, mais véritable LP selon des standards usuels, qui passe par nombre d’ambiances pour coller de près à celle développée sur Maldoror. On y retrouve donc ce BM libre et débarrassé de toute obligation de violence crue, parfois proche d’un Drone musical ou d’un Doom vraiment malsain, le tout traité à l’envi, par des jeux de riffs d’une pesanteur extrême et de percussions incantatoires abandonnant la notion de rythme pour se concentrer sur l’impact tribal.
Mais tout ça est-il digne d’intérêt musical, au-delà de la performance artistique qu’il représente ?
La réponse est un oui franc et massif, ce qui n’est guère étonnant…
L’approche de The Maldoror Chants – Hermaphrodite n’est pas plus aisée que dans le cas des deux LP le précédant, tout au plus est-il plus « encaissable » eut égard à sa relative brièveté. Mais dès son « Prologue », il ne fait pas grand cas de son atmosphère morbide et impénétrable, fondée sur une gravité de ton insondable. Et si cette intro n’en est pas vraiment une, elle permet de faire le lien avec le premier véritable morceau, « The Weighty Burden of an Eternal Secret », qui se veut continuité sourde et à la limite de l’Ambient dronique. Heureusement, aux deux tiers, interviennent les instruments de façon plus classique, pour une litanie qui évoque une union assez glauque entre IN SLAUGHTER NATIVES et ISIS, avant que l’atmosphère ne glisse doucement vers une musique plus ethnique aux percussions subtiles et douces.
Mais cette apparente douceur ne cache aucunement le propos fondamental de The Maldoror Chants, qui s’enfonce encore plus dans les ténèbres de l’âme humaine via « Along the Road That Leads to Bedlam », suggérant à merveille la perdition dans les couloirs d’un sanatorium de morale qui vous enferme entre ses murs de douleur.
Celle suscitée par ce BM grondant et sourd est tangible, et pervertit d’ailleurs quelques mélodies sur fond de jeu de toms étourdissant.
Mais après un court intermède, le grandiloquent « May His Illusion Last Until Dawn's Awakening » parvient à réunir dans un même élan le Post BM, le Gothique et le Doom, pour un enivrant tourbillon de sentiments contraires.
« Chimerical Hope » laisse enfin place à un Black plus avoué, soudainement bousculé de blasts et éraflé d’un chant raclé, alors que la conclusion préventive « Do Not Open Your Eyes » nous conseille de fermer les yeux sur ce monde d’intolérance, qui condamne un homme pour ce qu’il pense qu’il est, et non ce qu’il est réellement.
Difficile de ne pas se montrer admiratif face au travail admirable accompli par les SCHAMMASCH, qui sont parvenus une année à peine après leur grand œuvre, à nous entraîner dans leur monde, et surtout, à matérialiser une vision artistique basée sur un ouvrage que nombre jugent encore impénétrable.
Et comme ce pauvre Isidore Ducasse, ils seront eux aussi condamnés à une certaine indifférence, au regard d’une musique qui sera pour beaucoup trop sombre et abyssale.
Mais là est le propre des grands créateurs, de rester hermétiques à l’universalité…
Titres de l'album:
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