Depuis longtemps nous savons qu’il n’est pas utile d’être en configuration Rock N’Roll classique pour faire un maximum de bruit. Les duos ont prouvé qu’ils étaient capables de remplir les espaces négatifs avec du feedback, des idées, des riffs, et finalement, tout devient permis, et la chasse aux musiciens pour compléter un line-up un peu rachitique n’a plus lieu d’être. Dans le cas de MANTAR, le postulat n’a jamais été aussi vrai. D’ailleurs, ils le disent eux-mêmes sur leur Bandcamp. Certitudes ou fanfaronnade ? Première option, la bonne, celle qu’ils s’évertuent à démontrer depuis leur création en 2012 du côté de Brème. Une productivité réglée comme une comtoise depuis leurs débuts, avec un longue-durée tous les deux ans, comme si le monde du Metal extrême avait besoin de cette régularité comme d’un fix, pour échapper à la réalité d’une banalité crue et blafarde qui empêche de voir les possibilités en face. Et celles du duo semblent infinies, ce que l’écoute de leurs deux premières œuvres prouve sans ambages. On pouvait se dire après avoir encaissé le choc Death By Burning en 2012, puis le séisme Ode To The Flame en 2014, que le plus gros du traumatisme était passé, et que nous allions pouvoir panser nos plaies, mais il va falloir repenser notre catharsis, puisque la Némésis bruitiste vient se porter en faux aujourd’hui contre cette assertion. Troisième LP, le fameux virage en épingle si difficile à négocier pour les groupes a été abordé plein gaz, le pied au plancher et la tête dans la fumée de pneus qui empeste à dix kilomètres à la ronde, et après quelques écoutes attentives, le fan lambda et le néophyte tomberont finalement d’accord. The Modern Art of Setting Ablaze est le pire acte intentionnel de pyromanes musicaux que la rentrée de septembre aura dû subir. Et par extension, le meilleur album de la paire garmanique depuis ses débuts.
Toujours hébergés par l’écurie Nuclear Blast, Erinc (batterie, chant) et Hanno (chant, guitare), continuent donc leur chemin et leurs expérimentations d’hybridation, pour conserver leur ADN modifié intact. S’ils refusent avec politesse mais fermeté l’étiquette Sludge, sans doute trop restrictive pour eux, The Modern Art of Setting Ablaze démontre par groove + puissance que cette petite coquetterie n’est pas due à l’âge mais bien à la raison, puisqu’il devient de plus en plus difficile de les affilier au créneau. Non qu’ils en usurpent la lourdeur pour la rendre moins pesante, non qu’ils fassent preuve de snobisme pour se différencier, mais leur musique propose aujourd’hui bien plus que de simples litanies de lourdeur récitées comme à un enterrement du Rock. Mais la distance qui les sépare d’un combo de Sludge lambda est si énorme qu’il est en effet difficile de les labéliser ainsi sans verser dans la facilité, et même si « Age Of The Absurd » entame le propos de la manière la plus emphatique soit-il, on comprend assez vite que les ambitions du duo sont toutes autres que de nous assommer de frappes éléphantesques et de riffs monolithiques. D’ailleurs, l’entame (après l’intro de rigueur) est d’une phénoménale vélocité Black, comme si l’urgence du discours devait prendre la place de politesse à un prologue trop réfléchi et posé. On tombe alors sur une adaptation des standards de MOTORHEAD et de la première vague BM norvégienne traduits dans un vocable contemporain, mais suintant de déhanchement organique, à deux doigts d’une tornade soufflant le château-fort des certitudes. Et la question qui vient immédiatement à l’esprit est : quelle est donc cette musique qui bouffe à tous les râteliers pour restituer un cri primal aussi puissant qu’une déflagration des MASTODON déformée par le prisme auditif de SATYRICON ? On n’en sait rien, mais à la rigueur on s’en cogne. Ça joue, pas forcément technique et plutôt simple, la voix de Hanno est encore plus graineuse que par le passé, et le ressentiment est intact. Les deux premiers LP ont leur place à la table d’honneur de ces troisièmes festivités, mais ils restent humbles face au parcours.
On s’en fout, mais pas tant que ça en fait. Parce que cette façon d’adapter les codes du Metal extrême dans un contexte souple est assez fascinante. Ainsi, le terriblement accrocheur « Seek + Forget » accroche l’oreille de son riff énorme, et de sa rythmique ne l’étant pas moins. On a le sentiment de se retrouver face à Lemmy, aux alentours de 86/87, dont les traits de caractère auraient été adoptés par une bande de black metalleux norvégiens en mal de compréhension globale. Le rythme est pesant, tout est imposé sans être vraiment déposé, et la mélodie, aussi enfouie dans le mix soit-elle, ressurgit à intervalles réguliers, comme pour rendre cette apocalypse humaine. Du bon vieux Boogie bien crade, décuplé par une guitare qui combine les graves et les médiums, et quelques passages en incrustation pour démontrer que le tout-venant n’est pas une option possible. Et si ce genre de réalisation jusque boutiste est généralement sujette à des baisses de régime tout à fait justifiables, ce n’est pas le cas ici, tant MANTAR a gardé ses éclairs de génie pour les condenser en quarante-sept minutes, nous empêchant de reprendre notre souffle. « Taurus » donne le sentiment de stagner dans la masse, mais nous fait choir de son faux rythme et de sa roublardise vocale. « Midgard Serpent (Seasons of Failure) » singe l’impolitesse des MELVINS pour catapulter un thème à la CREMATORY dans la stratosphère, et sonne presque comme une version cauchemardesque des SISTERS OF MERCY perdue dans un univers à la Darren Lynn Bousman. « Dynasty of Nails » pique une approche à la Billy Corgan pour jouer le jeu d’un Heavy Metal sans aucune compassion. Mais tout est là, le couplet pseudo-linéaire, les cassures soudaines qui prennent à rebours, les silences qui permettent la relance qu’on imagine énorme en live et en gros, une expérience qui parle pour elle-même, une expérience de scène qui se matérialise en studio pour enchaîner les brulots. Et ça donne la chair de poule.
Difficile d’éviter le track-by-track lorsque chaque piste fait monter la qualité d’un cran sans accentuer les éventuels défauts de répétition. Mais en louvoyant entre leurs instincts, les deux musiciens nous permettent un voyage qui réserve ses meilleures animations à tous ceux en acceptant les règles. Car sur The Modern Art of Setting Ablaze, et même si la cohérence est de mise, chaque étape se distancie de la précédente par une trouvaille, un arrangement, un riff, ou tout autre concept novateur. Sans vraiment l’être, puisqu’on retrouve les composantes fondamentales de la démarche de MANTAR, cette façon de traiter chaque secteur de jeu d’une attitude Punk un peu je-m’en-foutiste sur le papier, mais diablement professionnelle dans les faits. On pourrait à la rigueur en sautant des chapitres parler de la folie douce de « Obey The Obscene », qui ressemble à une injonction adressée à tous les acheteurs potentiels, bien obligés de céder aux caprices et vices des maîtres des lieux en se laissant séduire par ce mid tempo élastique transcendé d’un riff si gluant que vos semelles en restent accrochées au sol. Et puis pour faire bonne mesure, aborder rapidement le cas de l’épilogue « The Funeral », qui tente par tous les moyens de raccrocher les wagons musicaux à son titre, tout en évitant une fois encore de se laisser attraper dans des filets Sludge qui ont décidément des mailles trop lâches pour enfermer notre duo enfumé. Alors quoi finalement, on tombe quand même dans le piège du « meilleur album » ? Pour le moment, nous sommes bien obligés puisque c’est la vérité. MANTAR a formidablement bien abordé et envisagé les choses, et porte son art à ébullition pour mettre le monde à feu et à sons. Et vous voudriez qu’ils cherchent d’autres partenaires ? Non, ils font ça très bien à deux.
Titres de l'album :
1. The Knowing
2. Age of the Absurd
3. Seek + Forget
4. Taurus
5. Midgard Serpent (Seasons of Failure)
6. Dynasty of Nails
7. Eternal Return
8. Obey the Obscene
9. Anti Eternia
10. The Formation of Night
11. Teeth of the Sea
12. The Funeral
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