The Nothing

Korn

13/09/2019

Roadrunner Records

Je ne sais pas si 2019 a été placée sous des auspices particuliers depuis les origines. Il faudrait interroger à posteriori ce bon vieux Nostradamus ou Elizabeth Tessier pour avoir une explication, mais cette année est aussi chargée en surprises que le pied du sapin de Noel d’une princesse d’un royaume bien réel. Et pas n’importe lesquelles…Certes, l’underground, les groupes émergents, les nouvelles sensations ne nous ont pas épargnés, mais ce qui est assez fascinant depuis le mois de janvier, c’est que les références, les grands, les icones n’ont pas chômé non plus. Pour faire le compte juste, souvenez-vous de RAMMSTEIN, de SLIPKNOT, de TOOL, tremblez un peu, et ajoutez au solde KORN, pour obtenir neuf mois pas encore achevés d’albums fondamentaux, presque des postulats, et certainement les témoignages les plus probants de carrières pourtant solidement établies. On en est à ce point qu’on en attendrait presque l’album qui ramènerait METALLICA du côté de Load et un nouveau MACHINE HEAD (là, plus difficile) à la hauteur de Burn My Eyes. Mais sans jouer les oracles, ou les prophètes de fortune, je reconnais avoir du dégainer ma meilleure plume à plusieurs reprises pour essayer de hisser mon verbe à la hauteur des réussites musicales proposées…Petit message d’introduction aux détracteurs, demandez-vous d’abord avant d’aller plus loin et de cracher votre fiel, pourquoi vous détestez KORN à ce point. Parce qu’il a toujours incarné un mauvais renouveau pour vous, de la même façon que NIRVANA s’était fait détester ? Parce qu’il fut le chef de file d’un « nouveau Metal » que vous avez conchié, sous prétexte qu’il n’en était pas pour vous, ou trop différent ? Parce que vingt-cinq ans après son émergence, le groupe est encore là, presque dans sa configuration d’origine et que ça vous défrise ? De toutes ces possibilités, les mecs de Bakersfield n’ont cure. Ils sont ce qu’ils ont toujours été, ne seront jamais rien d’autre, malgré des parenthèses travesties (ce fameux travers Dubstep que les opposant leur collent sous le nez comme preuve majeure de leur hérésie), et continuent, continuent d’explorer les traumas de leur leader comme si cette musique était la seule catharsis possible. Et elle l’est. Pour nous aussi.

Si on se pose un peu, on comprend assez vite que KORN n’a rien proposé de révolutionnaire depuis son premier éponyme. Il a ensuite passé son temps à peaufiner le style, le durcir, l’ouvrir à d’autres influences, à gommer celles envahissantes du Hip-Hop, à s’acoquiner avec des outsiders pour ouvrir son champ des possibles, à organiser des festivals de masse érigés à sa propre gloire, et à revenir comme une bête blessée dans le giron de la violence sourde la plus sincère. Une fois l’intronisation du frappeur de luxe Ray Luzier en 2007 et le retour au bercail de Brian "Head" Welch en 2013 admis, les étonnements ont fait place aux certitudes, et il ne restait plus à la bande qu’à suivre ce chemin global, pour trouver la sérénité dans la souffrance. Cette sérénité justement, ils l’avaient formalisée il y a trois ans, au travers d’un album solide, et certainement l’un des meilleurs de leur carrière, sans rien proposer de choquant, bouleversant, innovant. Une fois encore, avec The Nothing, ils jouent leurs propres cartes, tranquillement, et continuent de sonder l’esprit de leur chanteur poursuivi par le malheur, la peine, l’isolement et la rancœur à l’égard d’une vie qui ne souhaite pas le laisser en paix. Jonathan Davis ne fera donc jamais partie du club du bonheur, il continuera de supporter les contrariétés, la violence, et continuera de l’exorciser à grand renfort des guitares de ses deux amis, qui riffent toujours aussi sombre, et qui trouvent toujours des gimmicks rythmiques à rendre fou n’importe quel suiveur. Mais même en partant de ce rien, le leader du Néo-Metal est encore cette bête indomptable qui accepte de laisser ses plaies à vif pour que le public puisse les regarder avec voyeurisme, avant de tenter de les panser comme il peut. Produit par Nick Raskulinecz, et toujours sur Roadrunner, ce treizième album du quintet lui portera peut être chance, en conjurant le sort du malheur. Né de la souffrance d’un Davis qui a coup sur coup perdu sa mère et sa femme, dans des circonstances plus que malheureuses, The Nothing est un coup d’œil jeté sur le néant, celui d’un cœur qui aimerait ne plus saigner, mais aussi le survol le plus complet (ou presque) d’une carrière exemplaire, non dénuée de faux-pas, mais utilitaire dans le sens le plus artistique du terme. Il n’enfonce aucune porte qui ne soit déjà ouverte, se contente souvent de prolonger le travail laissé en l’état il y a trois ans, et pourtant, reflète des images que l’on n’a pas l’habitude de voir dans le miroir de KORN. Des expressions plus apaisées, des mélodies un peu plus franches que la moyenne, des tics qui se mutent en réactions épidermiques, des sentiments qui s’articulent autrement que par un scat nerveux ou des hurlements gutturaux, et une musique certes connue, appréciée, mais qui trouve toujours un biais pour ne pas sonner trop convenue.

Abordé comme la thérapie qu’il a été, ce disque n’a pas été pensé ni conçu comme l’étape cruciale que chaque sortie majeure représente. Il n’a pas le côté fouillis et complètement bordélique d’un St Anger, il n’a pas non plus l’âme désespérément noire d’un Tonight’s The Night. Il n’est pas la sortie de l’hôpital annoncée dans les gros titres, juste un grincement de gonds lorsque celle-ci se referme en attendant la prochaine poussée. Alors qu’on pensait Davis au fond du trou et prêt à beugler sa souffrance comme un patient incurable, alors qu’on s’apprêtait à traiter du cas le plus noir de la carrière des américains, The Nothing est presque trop normal et calme dans les faits. Certes, l’intro « The End Begins » avec sa cornemuse et ses pleurs nous laisse augurer d’un regard vers le passé très appuyé, et plante le décor sur les ruines de l’espoir, mais « Cold », déjà connu, n’est pas l’explosion sourde de rage et de peine que l’ambiance exigeait. Le phrasé est encore là, évidemment, le riff principal plutôt déviant, mais les arrangements, la syncope sont d’usage, et rien ne vient vraiment chahuter notre esprit. Du bon KORN, de l’excellent même au regard des standards de jugement, avec cette basse qui claque, ce tempo que Ray martèle comme le pas d’un cortège funèbre, et ce refrain presque trop lumineux, et parfaitement en osmose avec ceux que The Serenity of Suffering lâchait. « You'll Never Find Me » est d’ailleurs si parfait qu’on aurait pu tomber dessus sur Life Is Peachy ou Untouchables. Les boucles, la voix qui plane comme une menace, la complémentarité grondante des guitares de Munky et Head, les frères siamois, toutes les composantes sont en place, et c’est une fois encore dans les détails indécelables qu’il faut aller chercher les explications. On les trouve par intermittence sur l’énorme « H@rd3r », avec un Davis qui se demande qui il est, sur le plombé et glauque « Idiosyncrasy », montrant le quintet sous son jour le plus sombre et Heavy, sur l’aveu implicite « Finally Free », qui malgré des saccades symptomatiques des nineties ose des juxtapositions surprenantes et presque Pop/R’N’B, et plus généralement, dans le déroulé générique d’un album qui joue un mode mineur pour un groupe majeur.

KORN sur ce treizième tome n’a pas osé défier la légende, il n’en a même pas tenu compte. Il s’est contenté d’enregistrer une musique logique, qui se suffit à elle-même. Eventuellement décevant de la part d’une icône aussi importante, mais finalement, la seule alternative possible. Pour le moment, et avec le peu de recul offert, aucun morceau ne s’impose comme un futur classique, alors que « Black is the Soul », « Insane » et « Rotting in Vain » acceptaient directement ce fardeau il y a trois ans. Mais des indices, des traces, ce final « Surrender To Failure », tribal, et qui voit un Jonathan Davis assumer que « pour chaque belle chose qu’il a faite, il y a eu un prix à payer ». Le glaçant « The Loss », pourtant le morceau le plus surprenant de la part des cinq, haché au possible, et assez proche du versant le plus abordable d’une mode née il y a vingt-cinq ans, avec ce mélange étonnant de mélodies et d’arrangements Pop. On voit dans ce morceau le RAMMSTEIN de « Puppe », et le SLIPKNOT de « Spiders », ces moments fugaces où les défricheurs s’éloignent de leurs ténèbres pour aller vers la lumière. Ce qui prouve que quelque part, quelque part sous la couche de connaissance et de reconnaissance, il y encore possibilité de trouver des traces de pas partant dans une autre direction. Mais quelle que soit la direction suivie par KORN, nous la suivrons, parce qu’on suit toujours les leaders. Même si ça ne doit rien donner. The Nothing n’est pas tout, mais il est quelque chose. Et surtout pas rien.                                    

           

Titres de l’album :

                        01. The End Begins

                        02. Cold

                        03. You'll Never Find Me

                        04. The Darkness Is Revealing

                        05. Idiosyncrasy

                        06. The Seduction Of Indulgence

                        07. Finally Free

                        08. Can You Hear Me

                        09. The Ringmaster

                        10. Gravity Of Discomfort

                        11. H@rd3r

                        12. This Loss

                        13. Surrender To Failure

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 13/09/2019 à 16:59
90 %    1216

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Buck Dancer
@80.215.1.223
14/09/2019, 11:20:44
Très chouette Chronique encore une fois ! J'attends plus rien de Korn depuis des années et j'ai l'impression que le groupe n'a plus rien à proposer depuis très longtemps. Chaque nouvel album s'essouflant à peine l'écoute terminé. Mais je vais donner sa chance a celui-ci. Le morceau "Cold" est plutôt bon.

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : le tape-trading

Jus de cadavre 09/02/2025

Vidéos

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

Mold_Putrefaction 28/01/2025

Live Report

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

RBD 23/01/2025

Live Report

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Styx

De rien, avec plaisir amie métalleuse.   

20/02/2025, 19:34

Moshimosher

Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...

20/02/2025, 19:08

Humungus

J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...

20/02/2025, 18:52

l\'anonyme

Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé. 

20/02/2025, 09:27

Simony

Hello Styx, problème remonté à notre webmaster, merci.

20/02/2025, 08:00

Tourista

Ça devient de la chaptalisation ce rajout permanent de groupes.

20/02/2025, 06:42

LeMoustre

Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci. 

19/02/2025, 17:51

Styx

Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.

19/02/2025, 16:32

Ivan Grozny

Merci pour le report, ça me tente bien d'y aller jeudi à Paris.

18/02/2025, 22:44

Jus de cadavre

Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !

17/02/2025, 21:39

Saul D

Moi je regrette quand même le line up des années 80...mais bon....

17/02/2025, 14:08

RBD

Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)

17/02/2025, 13:18

Humungus

Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)

17/02/2025, 06:50

RBD

C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)

15/02/2025, 18:14

Humungus

Super titre !Cela donne envie putain...

14/02/2025, 09:45

NecroKosmos

Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)

14/02/2025, 05:50

Warzull

AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)

13/02/2025, 18:38

Jus de cadavre

Toujours le même riff depuis 35 ans    Mais toujours efficace !

13/02/2025, 17:13

Simony

Excellente initiative, dommage que je sois si loin !

12/02/2025, 07:08

RBD

Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)

12/02/2025, 01:30