Les trois prêtresses de la kabbale s’en reviennent après quatre ans d’absence nous entraîner dans leur monde occulte. Le temps semblait long depuis la parution de leur premier LP Spectral Ascent, et nous étions nombreux à nous demander si Carmen, Alba et Marga allaient un jour continuer leur saga fuzzy, mais The Omen vient justement à point nommé nous rassurer : non seulement les trois ibères sont toujours actives, mais elles sont plus créatives que jamais. Passées sur Rebel Waves Records, la subdivision Garage Rock psychédélique du label Stoner/Doom Ripple Music, les trois musiciennes nous prouvent qu’en 2021, leur musique est aussi savoureuse et mystique qu’en 2017, et ce second longue-durée incarne un pas de géant dans leur carrière. Pourtant, elles n’ont rien changé à leur approche théâtrale, toujours aussi inspiré des anciens de COVEN et autres allumés en toge de la fin des années 60. Mais il exhale encore une fois de cet album des effluves de Space Rock, de délire en bande organisée qui nous fait accepter le côté formellement vintage de l’entreprise. Mais on ne change pas une formule qui fonctionne, et celle de KABBALAH touche aujourd’hui à la perfection.
Quelle est donc cette malédiction dont les filles souhaitent nous entretenir ? Celle que l’on trouve dans un vieux grimoire déniché dans un vieux grenier, rempli de formules étranges et de mélodies biscornues. Les nouvelles incantations sont toujours aussi sensuelles, venimeuses, et s’insinuent dans votre esprit, comme les âmes malignes de démons anciens. Armées de riffs déviants, d’une rythmique souple et de nappes vocales incantatoires, les espagnoles nous délivrent donc une nouvelle profession de foi, multipliant les arabesques et les dissonances, évitant de fait le piège traditionnel du Rock psychédélique un peu trop perché. Ici, pas de digression interminable pour évoquer les Dieux, pas de barnum en candélabres, mais une efficacité patente, à l’image des premiers groupes Punk féminins qui privilégiaient la simplicité à la démonstration de débauche.
Production parfaite, écho inquiétant, thèmes convaincants, le trip est en immersion totale, et on s’enivre de ces voix qui rappellent le chant des sirènes vous entraînant sur les récifs. Pas plus de trois minutes et quelques par morceau, mais des idées qui les remplissent à merveille, et dès « Stigmatized », le ton est donné et le décor planté. On se transpose dans une forêt touffue, au milieu des arbres, à communier avec la nature pour retrouver l’essence même du moi en osmose totale avec l’environnement millénaire. Habiles compositrices, Carmen, Alba et Marga jouent de la complémentarité de leurs voix pour nous envouter, et ne cherchent pas forcément à nous étonner. The Omen est donc la suite totalement logique de Spectral Ascent, même si l’artwork choisi est bien plus macabre et nous entraîne dans les catacombes de l’humanité. Il est toujours plaisant de constater que le Rock enfumé des trois espagnoles est toujours aussi intelligent, et qu’il ne repose pas sur des gimmick faciles. A l’image d’un JEFFERSON AIRPLANE ayant croisé les COVEN chez Anton LaVey, KABBALAH développe une ambiance pénétrante, mais ne néglige pas la musicalité de ses errances. Les bruitages sont nombreux, pour ajouter à la fascination des formules de séduction, mais l’instrumentation est solide, et évoque ces sombres groupuscules occultes qui animaient la fin des sixties et le début des seventies, et qu’on retrouvait compilés sur des samplers underground de toute beauté.
Loin des clichés enlisant du Doom et du Stoner, The Omen se base sur le sacro-saint triptyque guitare/basse/batterie, y ajoute une large couche de lignes vocales éthérées légèrement noyées dans le mix, pour s’en remettre à des thématiques simples, mais efficaces. Le travail des percussions est à ce titre remarquable, tout comme le côté fuzzy de cette guitare qui tricote des licks serpentins. Et le tout fonctionne comme un immense feu qui couve sous les ténèbres de la nuit, et qui ne demande qu’à s’embraser de la passion de fans avides de Pop songs habilement brulées en Rock sombre et processionnel. Tout sonne spontané, et pourtant, on sent que le travail a été réfléchi et que les chansons ne sont pas que de simples jams ordonnées pour sonner classique. Les silences sont cruciaux, les espaces occupés avec flair, et lorsque le Rock devient proéminent, on trépigne, on danse, comme si les KABBALAH avaient réussi à transposer l’esprit alternatif dans le passé de sixties encore bien vivantes (« Night Comes Near »).
Le Rock féminin a toujours gardé ce côté brut et immédiat qui l’a rendu si attachant. Loin des démonstrations d’ego de leurs homologues masculins, les musiciennes préfèrent l’authenticité et le partage avec leur public, et c’est vraiment ce qu’on ressent à l’écoute de ce second LP. Mais elles n’en négligent pas pour autant la variété, et surprise pour ce genre, toutes les pistes ont leur âme propre, et déroulent leurs propres formules. Jouant parfois avec la lourdeur moite du Heavy à la SAB (« The Ritual »), osant les incursions dans l’étrange plus assumées (« Lamentations »), les trois filles nous font de l’œil, mais sans la retape facile des œillades énamourées.
Alors, on se laisse porter, voire même courir lorsque le tempo accélère (« Labyrinth »), et la sensation est terriblement agréable, fraîche, et rassure quant au potentiel gigantesque de ces trois musiciennes. Elles pourraient d’ailleurs incarner à l’avenir le renouveau de la recette old-school, et s’enivrer de vintage sans les effets secondaires pervers de la répétition un peu facile. Toujours percutantes, d’un charisme musical incroyable, Carmen, Alba et Marga prennent une fois encore le meilleur de COVEN en débarrassant l’icône de ses excès superflus. Ici, pas de longue incantation pour faire genre, juste des mélodies efficaces, et une atmosphère confinée qui ne doit rien aux arrangements, mais tout à l’instrumentation habile.
Il est pourtant difficile de jouer sombre sans avoir recours à des ficelles d’enregistrement et d’accompagnement. C’est pourtant le défi relevé avec brio par The Omen, qui de ses trente minutes à peine se montre plus créatif que le reste de la production. Un voyage aux confins du temps, de l’espace et des croyances, mais plus simplement, une musique nostalgique plus riche qu’un simple regard appuyé sur le passé.
Titres de l’album:
1. Stigmatized
2. Ceibas
3. Night Comes Near
4. The Ritual
5. Lamentations
6. Labyrinth
7. Duna
8. Liturgy
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