Nous allons y revenir encore une fois : les inclassables. Pas les iconoclastes qui picorent à droite à gauche les graines de la discorde, ni les dadaïstes, juste les inclassables. Ceux qui ne s’attachent pas, qui ne demandent pas de vos nouvelles, qui tracent leur route en définissant des courants parfois, sans le faire exprès. Ceux qui ne considèrent pas la musique comme une querelle de genres, ou comme un cloisonnement bien droit, à l’équerre. Ceux qui jouent leur propre partition, sans se demander si quelqu’un va chercher à la lire pour la jouer à sa façon. Dans cette catégorie, indubitablement, il y a les leaders des courants, les inventeurs. Lydia LUNCH, SONIC YOUTH, METALLICA, VENOM, KORN, DEFTONES, SEPULTURA, THE WHITE STRIPES, les SONICS, NIRVANA, et puis je ne vais pas non plus noircir la page de références. Je pourrais par désir de complétude et d’affection personnelle rajouter les NAPALM DEATH, mais aussi COMITY, DEUS, et les HYPNO5E. Des gens très bien, des gens cultivés, différents des autres, qui ne souhaitent que s’exprimer pour couvrir le silence ambiant qui devient gênant. En 2018, je me suis posé la question de savoir si un jeune groupe dont j’avais chroniqué le premier véritable album méritait d’entrer dans cette catégorie. Après écoute, les indices semblaient probants, mais j’attendais quand même une suite avant de les propulser têtes de file d’une catégorie non nouvelle, mais renouvelée, celle du Post Rock. D’ailleurs, Post Rock, je me suis toujours demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire. Au-delà du Rock ? Après le Rock ? En prolongement du Rock ? Mais l’interrogation avec les NORD n’a pas lieu d’être et ce, pour une simple et bonne raison. Ils sont les trois à la fois. Au-delà, après, et en prolongement. Du Metal aussi. Du Hardcore aussi. D’un peu de tout en fait. Et pour poser une équation simple, je serais tenté de dire que COMITY+HYPNO5E = NORD/2, parce que les parisiens ne peuvent égaler à eux-seuls l’intensité des premiers et la dose de liberté musicale des seconds. Mais ils font tout ce qu’ils peuvent.
Aujourd’hui, le groupe n’est plus power-trio, mais bien quatuor. Avec l’adjonction live et maintenant studio d’un second guitariste polyvalent (guitare/synthés/voix), NORD a gagné en souplesse mais aussi en puissance. Et depuis la sortie de l’inattendu And Now There's Only A River Left Behind il y a un an et demi, la progression a été flagrante. Dans une interview, Florent, guitariste chanteur se plaît à dire que le troisième album étant celui de la maturité, le second peut s’envisager comme celui de l’expérimentation. Le chanteur ne croit pas si bien dire, puisqu’à l’écoute de ce The Only Way To Reach The Surface, on se dit que le quatuor à tout poussé à son paroxysme. Les contrastes sont plus frappants, la puissance plus crue, les adoucissements plus prononcés, les versants Pop encore plus affirmés, et le tout réuni à son ensemble risquera de surprendre même les plus habitués. Car ce second longue-durée, malgré son énorme qualité générale, n’est pas des plus faciles d’accès, spécialement lorsque les méandres de digressions du Post vous sont inconnus. J’en veux pour preuve l’entame un peu spéciale de « Love ». Il serait facile de prendre cette introduction comme un hommage à la Synth-Pop des années 80 sur les premières mesures, puis pour une allusion à la vague French Touch ensuite, avec ces voix traitées. Mais la mélodie en arrière-plan rapproche le tout d’une plénitude à la Moroder transposée dans un siècle de paix et de bonheur. En tant que fan de Metal, et même éventuellement rompu à l’exercice de l’ouverture, la première bouchée n’est pas la plus facile à avaler. Mais les parisiens l’ont dit, ils se sont peut-être laissé aller à l’expérimentation sans limites…Et c’est sans doute vrai, puisque sans aucune précaution, sans aucun avertissement, le tonitruant « Violent Shapes » lâche son beat BM pour nous étouffer d’une violence qu’on n’avait pas vu venir. Une violence qui ne s’impose pas sur la longueur, puisque la suite nous ramène à l’Angleterre des SMITHS, à l’Amérique des college radios de REM, et à la Power Pop la plus mélodique et carillonnante. En mélangeant en un seul morceau des influences aussi disparates, NORD semble le perdre et se poser en électron libre, rejoignant ses contemporains ou presque d’HYPNO5E dans une recherche sonore sans barrières ni limitation. Entre les mains d’artistes moins talentueux, le mélange eut des apparences d’un brouet indigeste et infâme. Mais manipulés par des musiciens qui savent pertinemment ce qu’ils font, l’hybridation fonctionne et donne naissance à une fleur bizarre, aux pétales Post, Math, Djent, Pop, Rock. Quelque chose d’unique et de fragile, quelque chose d’incongru et de logique. Même pas une nouvelle musique, mais beaucoup d‘anciennes, passées au prisme de l’originalité.
Décomposé en neuf chapitres d’inégales durées, The Only Way To Reach The Surface est plus qu’une simple expérience sonore, c’est une apnée accidentelle dont on ne saurait mesurer les épisodes d’immersion. On se retrouve parfois la tête sous l’eau pendant quelques secondes, et parfois le souffle coupé pendant de longues minutes. Tiens, on nous laisse même parfois respirer librement une minute et quelques pour nous tromper sur les intentions (« Circular Haze »). Mais le cycle reprend vite, et le Post Hardcore, le Mathcore, le Hardcore reviennent sur le devant de la scène pour oser les répétitions, les itérations, les brusques changements d’humeur, et les mélodies bizarres (« The Unstoppable», avec Désiré Le Goff). Enregistré pour la troisième fois au Boss Hog Studio, avec Clément Decrock, The Only Way To Reach The Surface est une étape de plus sur le chemin, mais aussi une histoire d’amitié et de confiance. On y sent des fulgurances Rock Garage qui fusent pour nous accrocher l’oreille (le riff ultra simple et efficace à 2’’41 sur « The Unstoppable », évident mais si pertinent), des pauses pour contempler l’avenir sans être dérangé, avec des réminiscences de THE OCEAN via l’intermède de quiétude « Happy Shores », mais aussi ces fameuses crises de colère en alternatif avec les poussées franches et violentes de « Anger Management », qui mérite bien son nom, malgré son break jazzy/reggae arrivé à la minute. On y sent principalement un souci du détail, une volonté de peaufiner dans le culot, de ne pas laisser passer la moindre note hasardeuse, le moindre plan dispensable. Une impression fortement soulignée par le boulot énorme accompli sur le long et progressif « We Need to Burn Down This Submarine », qui commence comme un cauchemar 80’s des CARPENTER BRUT avant de réconcilier les TENGIL, DEFTONES et LIQUID TENSION EXPERIMENT. Oui, tout ça, et des passages à la MARILLION/PORCUPINE TREE/Peter GABRIEL. Mais vous le savez, impossible n’est pas français.
Et malgré une versatilité de tous les instants, l’album tient méchamment debout, sans béquille. Et peu importe presque qu’il s’achève sur un quart d’heure de génie musical pluriel, aussi progressif que puissant, aussi mélodique que libre. « The Only Way to Reach the Surface » est certes une énorme pièce en épilogue, mais il n’est pas forcément l’acmé d’un album qui en est un à lui seul. Mais rappelez-vous, nous en parlions en préambule : les inclassables. NORD en fait partie, et en est fier quelque part je suppose. Parce qu’il n’a pas fait exprès d’être unique : nous le sommes tous. Certains juste un peu plus que d’autres, et avec plus de talent.
Titres de l’album :
01. Love
02. Violent Shapes
03. Circular Haze
04. The Unstoppable (feat. Désiré LE GOFF)
05. Happy Shores
06. Anger Management
07. We Need to Burn Down This Submarine
08. 1215225, Part 2
09. The Only Way to Reach the Surface
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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11/11/2024, 10:09