La nostalgie n’a pas épargné l’Inde, qui depuis le mois d’aout apporte sa dime à la quête old-school sillonnant les rangées des églises Thrash du monde entier. Avec un joli sourire, les prêtres de l’extrême made in Bay Area ou Ruhr récoltent les deniers durement mis de côté par les formations internationales se réclamant de l’obédience d’anciens Dieux, et c’est donc à Mumbai, anciennement Bombay que les SABOTAGE ont formulé leurs premières prières, à base de psaumes classiques détournés à des fins personnelles. Fondé en 2017, et composé de cinq musiciens (Cyril John Thomas – rythmique, Yash Pujari – lead, Rahul Bhatt – basse, Malhar Bhanushali – batterie et Anand Mulgund – chant), SABOTAGE est l’archétype du groupe classique dans le fond et la forme, qui ne cache rien de ses inclinaisons, mais qui tente quand même de les adapter à la saison. Ayant déjà lâché sur leur Bandcamp quelques pistes en solo pour éclairer l’ignorance des fans potentiels désireux de découvrir un Thrash indien affûté, le groupe s’attaque maintenant à sa première sortie officielle, sous le commandement de manager de Qabar PR, qui ne fait pas grand mystère de la confiance qu’elle accorde à ses poulains. Jeunes, les instrumentistes n’en sont pas moins aguerris, et si leur musique est encore très consensuelle, elle dégage un parfum de naïveté dans le professionnalisme qui rend ces quatre morceaux conquérants, séduisants, et surtout, d’une efficacité indéniable.
Se rattachant à la vision californienne de la brutalité contrôlée, les SABOTAGE proposent donc avec The Order Of Genocide quatre titres pesés, calibrés, peaufinés, et un style qu’on peut facilement rapprocher de ceux de DEATH ANGEL et TESTAMENT, avec cette petite touche contemporaine des WARBRINGER. Beaucoup de fluidité donc, des mélodies appuyées, une vélocité contenue et bridée, pour une démonstration de style qui ne manque pas de panache. Enrobé dans une pochette qui nous change des canons un peu figés du genre, ce premier EP est donc une carte de visite sans EPO, mais avec une énergie tangible et appréciable, qui joue de la variation de tempo pour imposer son point de vue et son efficience, atteignant parfois une intensité redoutable qui rappelle les meilleurs efforts des références usitées. Je parlais d’ailleurs de mesure en amont, ce qui aura pu rebuter les plus sauvages, mais les indiens s’accordent parfois un peu de lest lâché, pour un titre qui condense en quelques minutes leurs qualités les plus évidentes. Il faut donc attendre le miraculeux final « Public Enemy » pour voir l’ambiance se durcir et la cadence s’épaissir, et ce titre, toujours sous l’égide des codes anciens offre pourtant une densité extraordinaire, qui laisse à penser que les SABOTAGE ont largement de quoi devenir des leaders dans leur pays, et au-delà de leurs frontières. Ils ont d’ailleurs été deux fois finalistes de la Wacken Metal Battle en Inde, ce qui indique que leur following leur est fidèle, mais aussi qu’ils sont capables d’en convertir bien d’autres pour les rallier à leur cause.
Mais en dépit cet épilogue qui laissera les thrasheurs sur leur faim (seize minutes avec un tel feu d’artifices, ça a de quoi frustrer), The Order Of Genocide a largement assez de contenu pour intéresser un public plus large, qui ne rechigne pas à voir son Power Metal durci d’inflexions plus radicales. Ainsi, l’ouverture « The Order Of Genocide » ne manquera pas de rappeler le DEATH ANGEL le plus récent, et d’ailleurs, le timbre d’Anand Mulgund évoque le grain si particulier de Mark Osegueda, que la bande instrumentale soutient d’un allant mixant la hargne d’EXODUS et la densité d’ONSLAUGHT. La méthode est donc simple, des riffs qui tiennent en haleine, des variations rythmiques simples mais fluides, des soli propres et légèrement inventifs (un genre de mélange entre Gary Holt et Kerry King), mais surtout une rigueur qui permet de se reposer sur une assise solide, sans rien perdre de sa fraîcheur. Et avec un son global très propre, donnant de l’épaisseur sans noyer dans l’écho, laissant les saccades rêches mais pas trop abrasives, The Order Of Genocide fait rouler ses morceaux sur du velours. Alternance, attaques qui tranchent et bousculade de tempi (« Failed Is The Law », nous gratifiant de quelques blasts certes raisonnables, mais bien là), lourdeur de circonstance pour insistance presque Mosh dans les faits, mais plus Heavy dans le ton (« Bloodthirst »), et le bilan est donc plus que positif pour cette nouvelle horde prête à affronter les démons de la terre entière. Une belle réussite, encore un peu tendre au niveau du dégagement des influences, mais qui dessine les contours d’un avenir plus personnel. Retenez bien le nom de SABOTAGE, car le jour où vous tomberez dans un traquenard Thrash qui ne vous laissera aucune échappatoire, ils risquent bien d’en être les auteurs.
Titres de l’album :
1.The Order Of Genocide
2.Failed Is The Law
3.Bloodthirst
4.Public Enemy
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