Il est difficile de croire que le superbe projet THE RETICENT a été conçu durant une tournée avec le groupe de War Metal WEHRWOLFE par Chris Hathcock aka Mordrid, tant son contenu est à cent lieues de la violence de ce sous-genre. Mais on sait les musiciens les plus talentueux versatiles et capables de s’adapter à tous les styles, et depuis 2002, Chris nous donne une sacrée leçon de savoir-faire et d’éclectisme au sein de ce groupe qui n’était au départ qu’on one-man band. Et c’est ainsi que douze ans après sa création et trois longue-durée, ce groupe en est devenu un, et une méchante référence sur la scène Progressive mondiale. Il faut dire que tout dans THE RETICENT inspire le respect et l’admiration. La dextérité technique qui en découle, les nombreuses textures qui se chevauchent, sa sensibilité, sa propension à utiliser la brutalité comme composante naturelle, mais surtout sa richesse et sa pluralité qui en font l’un des ensembles les plus admirables du cru, et pas si loin des maîtres qu’on aurait pu le penser. Certains critiques sont même allés jusqu’au bout de l’éloge et ont affirmé sans trémolo dans la voix que des albums de la trempe de On the Eve of a Goodbye étaient « la raison pour laquelle ils écoutaient de la musique » en premier lieu. Et je peux comprendre leur enthousiasme dénué de mesure, puisque la musique imaginée par le batteur de Caroline du Nord est d’une richesse incroyable, et se permet de noyer dans des références extrêmes la préciosité du FLOYD, la précision de PORCUPINE TREE, mais aussi l’art de l’expérimentation de KING CRIMSON. Et une fois encore, quatre ans après son dernier LP, THE RETICENT nous délivre un album quasiment parfait, créatif, émotionnel au dernier degré, et parfaitement adapté au concept duquel il découle et qu’il sert.
On the Eve of a Goodbye traitait de la perte d’un être cher (en l’occurrence, une amie d’enfance de Chris), et The Oubliette aborde quant à lui le cas très délicat de la maladie d’Alzheimer, ses différentes étapes, et le ressenti d’un être qui oublie sa vie avant que sa vie ne l’oublie. Inutile d’aborder un tel problème avec ses idées posées à la va-vite, et c’est peu dire que Chris a largement eu le temps de penser aux tenants et aboutissants durant sa conception. Atteint d’un grave problème au bras, il a dû mettre de côté ses instruments pour faire appel à des intervenants extérieurs, avant de terminer l’album une fois remis. Et autant dire que ces longues années de préparation ont débouché sur l’un des plus beaux albums de Rock/Metal progressif de ces dernières années, rappelant dans son élaboration le fameux Rock Bottom d’un Robert Wyatt diminué et paralysé après un accident. Certes, le parallèle est osé, mais la richesse et la plénitude des deux albums méritait bien une comparaison, et de fait, The Oubliette sera sans doute le disque le plus beau et complexe que vous pourrez écouter en cette rentrée 2020. Découpé en sept chapitres qui sont autant d’étapes entre l’incompréhension et la fin, The Oubliette concrétise son titre en utilisant tous les ingrédients musicaux à sa disposition, et passe sans transition du Rock à la Pop, du Jazz au Metal extrême, de la musique latine à la couture acoustique fine, et nous délivre une partition immaculée qui nous met dans la peau de ce pauvre Henry, atteint de la terrible maladie, et qui se retrouve à l’hôpital sans comprendre ce qu’il fait là. Chris, par sa musique et ses mots a voulu nous faire ressentir les maux d’un homme dont la mémoire s’efface petit à petit pour ne laisser place qu’à la douleur, et loin d’une vulgarisation de sentiment et d’un bradage de souffrance, The Oubliette est une transposition fabuleuse qui en dit long sur le talent d’un musicien qui se jette à corps perdu dans ses batailles personnelles, lui que la vie n’a pas épargné.
En quelque sorte, Chris a réussi la fusion parfaite du The Wall de PINK FLOYD et de l’Operation Mindcrime de QUEENSYCHE, le tout traité avec la sensibilité d’un Crossover moderne entre OPETH et EDGE OF SANITY. On reconnaît évidemment la patte de Neal Morse et Steven Wilson dans les parties les plus complexes et mélodiques, mais ce quatrième LP du maître se pose en synthèse du progressif moderne. La pluralité des guitares qui passent de l’acoustique au son clair, puis à la distorsion poussée, les nappes vocales qui ajoutent une ambiance éthérée, les lignes de chant apaisées qui se transforment soudainement en avertissement cruel et sombre, et cette rythmique qui pulse, ondule, stoppe, frappe le silence et assourdit la violence, tout est magnifiquement en place et rappelle les plus grands achèvements du genre. En agençant parfaitement sa progression interne aux morceaux et globale à l’album, Chris a composé une ode à la solitude, à la peine, à l’incompréhension d’une maladie qui efface tous vos souvenirs sans aucune pitié, avant de vous effacer vous-même de la surface de la terre. Et on s’immerge dans cette aventure d’une tristesse insondable, ressentant par l’art ce que les malades ressentent de leur âme, sans évidemment pouvoir nous mettre à leur place, mais en pouvant toucher du doigt ce qu’il ressentent au moment de passer du statut d’individu à celui de fantôme de la vie qui erre dans les limbes de couloirs d’hôpital, avant de ne plus pouvoir bouger ni identifier le moindre visage. Il est de fait inutile de décrire avec précision tous les chapitres de cet album, pour ne pas en gâcher la richesse évidemment, mais aussi parce que le décryptage linéaire ne vous sera d’aucune aide pour le comprendre.
Sachez juste qu’au fur et à mesure de l’écoute, les sentiments deviennent plus fort, les atmosphères plus sombres, et qu’au final, l’oubli, le silence, la tristesse et la perte s’imposent comme des concrétisations musicales d’une beauté formelle admirable. Loin des mises en place pompeuses de DREAM THEATER qui depuis quelques années reproduit la même formule à l’envi, The Oubliette est une œuvre ambitieuse mais pas pompeuse, crue mais tangible, évanescente et pourtant d’un réalisme assez dur. En superposant parfois trois ou quatre pistes de guitare sur une arythmique incroyable de dextérité, Chris a construit un mobile en équilibre stable, qui tourne de plus en plus vite à mesure que la maladie progresse, et qui finit par s’écrouler de sa perte d’équilibre. Et la beauté se cache partout, dans ces quelques notes de piano, dans ces vers chantés d’une voix totalement désincarnée et apaisée, dans cette violence crue soudaine apparentée au Black Metal, dans ces cassures rythmiques qui imposent un autre style dans un contexte ouvert, et dans ces longues évolutions tout sauf gratuites qui nous accompagnent tout au long de ce voyage sans retour. On peut à la rigueur s’incliner devant la perfection d’un « The Oubliette » et son passage acoustique sublime, mais l’ensemble de l’album est un poème dédié aux êtres chers qu’on perd petit à petit avant de les perdre définitivement. L’ajout de samples renforce la crédibilité de l’ensemble, et lorsque « ___________ » perd ses dernières notes dans le silence du deuil, l’émotion est tangible et la pluie nous ramène à la conclusion d’un QUEENSRYCHE des années 80 ou du Metropolis 2000 DE DREAM THEATER.
Je ne sais pas si un jour THE RETICENT sera aussi respecté que ces deux références, mais il le mériterait amplement. De là à parler de génie, il n’y a qu’un dernier souffle que je rends immédiatement.
Titres de l’album:
01. Stage 1 - His Name Is Henry
02. Stage 2 - The Captive
03. Stage 3 - The Palliative Breath
04. Stage 4 - The Dream
05. Stage 5 - The Nightmare
06. Stage 6 - The Oubliette
07. Stage 7 - ________
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