La passion est belle lorsqu’elle est sincère et extrême. « Extrême », le mot est bien choisi, puisque depuis leur début de carrière, les américains d’ANGEROT vont jusqu’au bout d’une formule, et l’agrémentent de quelques précisions personnelles. Rois d’un Black/Death puissant et conquérant, ces quatre chevaliers d’une apocalypse musicale annoncée sont allés jusqu’à faire fabriquer leur propre pédale HM-2, affectueusement surnommée « chainsaw ». C’est dire si le son émanant de leurs guitares tranche comme une tronçonneuse lancée à plein régime. Et méfiez-vous, ils pourraient vous confondre avec un cèdre à débiter en bûches.
The Profound Recreant négocie le fameux virage du troisième album avec panache et violence. Cinq ans après la détonation initiale de The Splendid Iniquity, trois après la confirmation brûlante de The Divine Apostate, ce nouvel album continue le travail de sape, et impose sa grandiloquence. En écoutant ce disque, on a souvent l’impression d’être propulsé dans un Armageddon moderne, et son cortège de catastrophes, de coulées de lave de tremblements de terre et autres manifestations d’apocalypse.
Chad Petit (chant/guitare), Jason Ellsworth (guitare/claviers), Zaugg (basse) et Matt Johnson (batterie) ont une fois encore peaufiné un tracklisting impressionnant de maitrise, entre un MORBID ANGEL suédois et un UNLEASHED américain. Princes macabres de l’union des peuples et des styles, les ANGEROT nous offrent le spectacle d’une humanité à l’agonie, cédant son dernier souffle face aux coups de boutoirs de l’antéchrist enfin sorti de son anonymat. Et le spectacle a de quoi tétaniser.
Enregistré par Eddie G à l’Underground Sound Studio, mixé et masterisé par Andreas Linnemann au
Hop House Studio (Danemark), The Profound Recreant est une descente aux enfers savamment orchestrée, comme une tragédie grecque mise en musique aux Etats-Unis, transposant un vocable lyrique en bestialité clinique. Outre les structure solides des morceaux, on appréciera le travail des arrangements, entre volutes de claviers et cassures brutales, qui dynamisent et donnent corps à une vision d’un Black/Death sans concession et outrageusement bruyant.
Encore une fois accompagné par une armée de guests, venu poser un solo ou une intervention vocale (Sebastian Bracht, David Gutierrez Rojas, Andy LaRocque, Sammy Duet, Jack Owen, Simon Olsen et Steve Tucker), le quatuor dévoile une musculature impressionnante en mode 300 sur le chemin de l’ultime bataille. Sans doute l’album le plus maîtrisée de l’armée de Sioux Falls, The Profound Recreant passe en revue toutes les composantes d’un style qui ne saurait se contenter d’un entre-deux timoré, et lâche pas moins de neuf morceaux tous plus écrasants les uns que les autres.
Outre cette passion pour un Death suédois de légende, ANGEROT rend aussi hommage à l’ultraviolence de son pays. Ces couplets durement Heavy qui dégénèrent soudainement en pluie de blasts en grêlons de bonne taille, la voix incomparable de Chad Petit, au gros grain et aux intonations peu rassurantes, et ces deux guitares « chainsaw » au rendement impressionnant permettent d’atteindre des sommets dans la brutalité et la sophistication. Car le quatuor américain n’a pas renoncé à son envie de moderniser l’approche old-school en lui insufflant une fraîcheur bienvenue.
Frais justement, le combo du Dakota du Sud ne l’a jamais autant paru. On sent la haine viscérale transposée en musique, l’implication dans un art en immersion totale, et des morceaux du calibre de « They Shall Take Up Serpents » ou « The Profound Recreant » témoignent d’une envie d’aller toujours plus loin, tout en restant à bonne distance du chaos grâce à un habile jeu de mélodies et de soli harmoniques.
« Horns ov Moses », l’un des hauts-faits de l’album incarne ce désir de transcender le classicisme pour l’éclairer d’une lumière moderne. Concentré de virulence, ce titre est l’apothéose d’une philosophie sans concessions, et dame le pion aux NILE, MORBID et autres DEICIDE.
On pourrait dans un accès d’enthousiasme déclarer The Profound Recreant d’utilité publique, au moment où le débat sur la pertinence de la scène old-school fait rage. Mais loin des copieurs malhabiles au matériel mimétique, ANGEROT s’appuie sur une personnalité affirmée, et déguise sa progression dantesque en évolution naturelle. Mais les spécialistes sauront reconnaître le professionnalisme absolu d’une formation qui est en train de devenir l’un des acteurs majeurs de la scène Death US, en évitant les facilités et les codes d’usage.
Malgré un look qui peut prêter à sourire, en mode BEHEMOTH lookalike, ANGEROT reste une sérieuse affaire de teigneux atteignant le point de maturation avec une facilité déconcertante. Après six ans seulement, le quatuor se pose comme un meneur incontestable et naturel, et prend les commandes de la révolution vintage sans perdre de vue son but principal : écraser toute résistance en composant des hymnes à la puissance des plus purs.
Et le résultat a de quoi impressionner les fans les plus acharnés.
Titres de l’album :
01. Das Salz
02. They Shall Take Up Serpents
03. Grand Feast ov the Flesh
04. Bastard Creature
05. The Profound Recreant
06. Horns ov Moses
07. Behold the Blessed Black
08. In the Company ov Wolves
09. Slaughter ov Innocence
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