The Flenser ? Je suis évidemment client, au regard de la qualité et de la diversité de leurs signatures. AGRICULTURE, BOSSE-DE-NAGE, OBOLUS, et tant d’autres qui échappent à la sphère Metal, il y a de quoi tendre l’oreille lorsque l’annonce d’une sortie est imminente. Surtout lorsqu’il s’agit des inclassables de SCARCITY.
Il ne s’agit d’ailleurs pas de la première incartade des américains sur le label de San Francisco. Leur premier long, Aveilut, édité en tape avait déjà pas mal remué les rédactions et le public de son Post Black aussi aride que décharné, et il est donc logique que la fanbase créée il y a deux ans puisse croitre aujourd’hui avec l’avènement de The Promise of Rain, qui est pourtant aussi sec qu’un mois d’août sous quarante degrés.
Le cœur de la machine n’a pas changé. On retrouve toujours Brendon Randall-Myers à la guitare et le chanteur Doug Moore (PYRRHON, WEEPING SORES, GLORIOUS DEPRAVITY, et SEPUTUS), mais les deux hommes sont pour la première fois entourés d’un véritable groupe. Ainsi ont été titularisés Tristan Kasten-Krause (SIGUR ROS, STEVE REICH, LEYA) à la basse, Dylan Dilella (PYRRHON) à la guitare et Lev Weinstein (KRALLICE) à la batterie. Sacré casting donc, pour une production quatre ou cinq étoiles, qui reprend les choses là où Aveilut les avait laissées.
Dans un coin sombre.
La méthode d’enregistrement du groupe a évidemment conditionné le son de cet album. Le seul but avoué de la formation a été de se laisser aller à jouer ce qu’elle ressentait, seule dans une pièce, sans chercher la perfection des prises multiples. Une ou deux ont suffi pour accoucher de ces cinq monstrueux morceaux, ce qui se sent lorsque les notes défilent et que les répétitions s’enfilent. Car le duo de base n’a pas renoncé à ses redondances et ses itérations, et les deux premiers titres de l’œuvre en sont la preuve.
« In The Basin Of Alkaline Grief » et son ambiance si vous avez manqué l’épisode précédent, replace la guitare dans son labyrinthe sans sortie, avec toujours ces petits motifs qui agissent comme un mantra, tandis que la voix de Doug Moore éclabousse tout de ses aigus pernicieux et fantasmés. Le cocktail est relevé, évidemment, mais le statisme est aussi de mise. Il règne sans partage sur le long et insidieux « Scorched Vision », qui pourra donner de sacrées céphalées à ceux qui aiment leur BM aventureux et culotté. Or ici, ce sont justement la prudence et la sagesse bruitiste qui sont de mise. Pas étonnant dès lors de considérer ces deux premiers titres comme une longue suite indivisible, tant ils se ressemblent comme deux gouttes de pluie.
Mais le reste de l’album réserve des surprises. Pas de grosse épiphanie non, mais des surprises. On encaisse le choc rude de « Venom & Cadmium » comme on peut, et c’est à ce moment-là qu’on se dit que SCARCITY a tout à fait sa place chez The Flenser. A la manière d’un BREACH reprenant du KRALLICE, ces sept minutes et quelques sont pour le moins éprouvantes, mais aussi très intelligentes. Avec un solo discordant et volontairement à côté de la plaque, le quintet joue sur la frontière entre l’Indie et le Black Metal, tout en tissant un canevas sonore digne des plus grands jours de l’école I, Voidhanger.
Mélodie anémiée des guitares, cadence soutenue mais flexible, chant monocorde et inexpressif en dehors d’une rage incontrôlable, The Promise of Rain est une fausse promesse qui se joue de la chaleur pour rendre nos journées encore plus moites et irrespirables. « The Promise Of Rain », title-track de clôture, revient d’ailleurs dans le giron de la doublette de départ pour signifier sa colère, et les nuit étouffantes à venir. Entre vitesse et précipitation, SCARCITY ne fait guère de concession, mais profite d’un line-up étendu pour laisser la basse cheminer sur un terrain pentu. Les graves, pas vraiment à la fête sur le mixage, comptent donc sur leur instrument fétiche pour se frayer un chemin, d’autant que la frappe de Lev Weinstein est totalement omniprésente et egocentrique.
Le résultat est donc faussement simple, mais réellement abstrait.
SCARCITY a tenu la corde, et passe la rampe avec de sacrées notes. Cette vision d’un Black Metal norvégien transposé dans un cadre exsangue à l’américaine est plus qu’intéressante, elle est fascinante. En reprenant à son compte les plus grands méfaits des nineties pour les projeter en cellule 2K, The Promise of Rain brosse un portrait sans fard de la violence contemporaine, celle-là même qui joue sur les nuances et les transgressions.
The Flenser tient à sa réputation, et ne cautionne guère les produits faisandés ou trop manufacturés pour plaire aux masses. Nous pouvions donc nous attendre à une sacrée claque, ce que nos deux joues ont supporté pendant quarante minutes.
Et il fait de plus en plus chaud.
Titres de l’album :
01. In The Basin Of Alkaline Grief
02. Scorched Vision
03. Subduction
04. Undertow
05. Venom & Cadmium
06. The Promise Of Rain
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