J’aime SOUL GRINDER, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour les artistes évoluant dans le mauvais goût avec bon goût. Comprenez cette assertion comme vous le souhaitez, mais les John Waters, les Costes, et tant d’autres que je ne prendrai pas la peine de nommer ici m’ont toujours fasciné pour parvenir à transcender leurs plus bas instincts par un talent indéniable et une tendresse remarquable dans la provocation. Et puis, j’aime les SOUL GRINDER parce qu’ils me rappellent un paquet de groupes que j’ai adorés durant ma prime adolescence. Ces groupes au look improbable, à la musique grasse et bien méchante, à l’attitude bravache qui jouaient le jeu d’un Heavy Metal en rébellion de jeunesse, avec des revendications à la hauteur de leur apparence. La liberté, la violence jouée, et tout un décorum de barnum qui avait de quoi enflammer notre imagination. Venant de la célèbre Portland, Oregon, ces trois acolytes de l’enfer assument à trois une coalition assez récente, puisque leur association ne remonte qu’à 2016, et que ce The Prophecy of Blight est leur premier effort longue-durée. Ils nous ont déjà jeté en pâture un EP (Terraflesh en 2017), et une doublette de singles, mais ces trente-quatre minutes de Heavy Metal non édulcoré sont bien leur véritable point de départ professionnel, bien que ce premier LP soit entièrement autoproduit. Oui, les trois américains font partie de cet underground qui se débrouille tout seul dans l’ombre pour gagner sa part de lumière, et les produits proposés par la bande sont disponibles sur leur site, t-shirts, vinyles, badges, qu’ils vendent durant leurs concerts que je pressens assez denses et sauvages.
Sauvages comme le reflet offert par la frontwoman April Dimmick, bassiste-chanteuse dans la grande tradition, aux cheveux d’un jaune douteux, et au maquillage à mi-chemin d’un film Post-ap et d’un Black Metal nippon des années 90. April est de ces musiciennes à la foi indéfectible, à la passion indiscutable, qui mène la barque de son groupe d’une voix grave et de graves qui suivent leur voie. Derrière elle, deux autres membres, Alex Avery à la guitare et Kevin Ross à la batterie, plus en retrait, presque dans l’ombre, et d’un choix vestimentaire plus consensuel et sobre. Mais une fois la machine en branle, l’osmose du trio se fait ressentir dans le timbre des enceintes comme un tremblement de terre déchirant la croute terrestre, entre Heavy vraiment dur et cru, et inclinaisons Thrash pas totalement débridées. Mais tout est assumé, et si d’aventure cette pochette hideuse vous rebutait, dites-vous qu’elle cache une musique plus solide et intelligente qu’il n’y parait, même si animée par des desseins rétrogrades qui nous renvoient des décennies en arrière. Heavy Thrash, le terme est lâché, et renvoie à de grandes figures, comme ICED EARTH, le JUDAS PRIEST de Painkiller, éventuellement à METAL CHURCH et une poignée d’autres, qui durcissaient le ton sans sombrer dans la parade du paon énervé que sa queue ne suscite pas plus d’admiration. Mais musicalement, les SOUL GRINDER ramènent à la surface d’autres images musicales, celles de ZNÖWHITE, de KAT, de HELLION, en version plus ou moins renforcée, et évoquent même par moments l’écurie New Renaissance de dame Ann Boleyn, lorsque l’amateurisme était un gage de qualité, et non une approximation douteuse.
Avec seulement neuf titres pour moins de quarante minutes, The Prophecy of Blight joue l’économie, mais la pluralité. Car le trio aime aborder sa passion pour le Metal sous tous les angles, et flirte avec le Doom, le Sludge, le Thrash évidemment, échappant à une datation trop facile en se plaçant hors du temps. S’il est assez facile de reconnaître que les glorieuses eighties les ont marqués à vie, ils n’en ont pas pour autant décroché en 1991 lorsque le Grunge a déferlé, et ont suivi les pérégrinations extrêmes, teintant même leur musique d’une légère touche BM en arrière-plan, histoire de durcir le ton. Mais leur facilité déconcertante à produire de petits hymnes à la noirceur est admirable, et tangible dès « Hunting The Prophecy », qui entame les hostilités avec une emphase lourde et dramatique. Un peu cheap dans les arrangements, mais fier dans le rendu, le groupe se tient la tête haute et martèle une rythmique qui cavale à la MAIDEN/PRIEST, pour l’épaissir d’un riff redondant et mordant, le tout étant magnifiquement mis en valeur par le timbre sardonique et sadique d’une chanteuse qui donne tout ce qu’elle a, et interprète avec le lyrisme idoine ses personnages qu’on devine animés de mauvaises intentions. C’est probablement ce morceau qui évoque avec le plus d’acuité les tendances violentes de ZNÖWHITE, le grain d’April se rapprochant assez de celui de Nicole Lee. Mais si rythmiquement parlant, le Metal des SOUL GRINDER se montre raisonnable et évite les cavalcades sauvages, il n’en est pas moins aussi efficient en termes de puissance, comme le démontre l’hymne ultime « Kill Maim Burn », occulte comme du MERCYFUL FATE joué par un groupe de Bestial Thrash brésilien fan de THE GREAT KAT. Simple dans le fond, performant dans la forme, ce Heavy solide et traditionnel convainc grâce à une énergie et une foi indéfectibles, et surtout, à un sens de la composition moins grossier qu’il n’en a l’air.
Certes, pas de solo pointu à se mettre entre les oreilles, pas de prouesses techniques, mais un art de l’agencement faisant preuve non de finesse, mais au moins de propreté artistique. Le but du jeu n’était pas de servir un bouillon bouillant dont personne n’aurait pu distinguer les ingrédients, mais bien un pur album de Heavy Metal à tendance Thrash. Et comme je le soulignais plus en amont, toutes les tendances y passent, noircies bien sûr, et résonnent en apothéose sur le plutôt troublant « Apotheosis », d’une rage presque Death Sludge, et à l’épaisseur conséquente. Mixé et masterisé par Joel Grind, The Prophecy of Blight a donc le gros son nécessaire à l’exagération des gimmicks et figures imposées, mais ne nous prend pas pour des idiots en nous refilant des plans usés jusqu’à la corde. En assimilant ses influences et en les restituant à sa façon, SOUL GRINDER torche des morceaux tout à fait convaincants et performants, tels « Blighted Land », efficace comme du WASP reprenant du SUICIDAL TENDENCIES, ou « The Rift », qui replace le Doom traditionnel sous les feux du Sabbat. Et j’espère qu’au bout de ces trente-quatre minutes, vous craquerez vous aussi pour ce trio improbable, à la culture musicale indéniable, et au très bon goût dans le mauvais goût, qui a le talent nécessaire pour nous faire oublier cette pochette au graphisme impardonnable.
Titres de l’album :
1. Gathering
2. Hunting the Prophecy
3. Kill Maim Burn
4. Lost and Damned
5. Blighted Land
6. Beasts of Chaos
7. Apotheosis
8. Thrall
9. The Rift
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49