J’ai toujours préféré les groupes se creusant un peu la tête pour produire une musique un tant soit peu originale au risque de se planter lamentablement, aux ensembles se réfugiant dans la sécurité de la routine et n’ayant que peu à offrir en termes créatifs. Ce choix peut parfois mener sur les routes de l’incompréhension et de la déroute émotionnelle, routes ardues et souvent pentues, mais aux efforts incroyablement plus agréables à assumer que le chemin tranquille de la lassitude. Et lorsque l’effort se voit couronné de succès et célébré à grand renfort d’originalité, le plaisir n’en est que décuplé et l’envie de partager augmentée. Rassurez-vous, les deux cas ne seront pas évoqués dans cette chronique du jour, mais il n’en reste pas moins que les artistes abordés aujourd’hui ont fait le choix d’une musique qui sort des sentiers battus, suivant un concept un peu moins convenu que la moyenne. Nous en venant de Hambourg, ces cinq allemands ne sont pas des débutants, et abordent un virage crucial de leur carrière après l’avoir entamée sous des auspices autarciques. Fondé il y a quelques années, le collectif BLACKDRAFT a déjà un album autoproduit à son actif, Recipe Of Pain, publié en 2016 et qui avait créé suffisamment de remous dans la presse spécialisée pour attirer l’attention du label danois Mighty Music qui a pris en charge leur destinée. Il faut dire que le groupe s’était fixé une liste de buts à atteindre, buts qu’ils ont justement atteints petit à petit, avec patience et travail, et que ce second LP vient donc couronner de son aura deux années de travail acharné. Deux ans de dur labeur pour accoucher d’une œuvre ambitieuse, qui non seulement propose de nouvelles pistes musicales sous couvert de classicisme, mais aussi une histoire fantasmagorique en forme de quête spirituelle dans le grand froid du nord. Alors, prêts à embarquer dans un monde aux frontières oniriques et à la bande son fantastique ? C’est parti.
BLACKDRAFT ce sont d’abord des musiciens, au nombre de cinq. La chanteuse Julia Dorothee Wallenius, les deux guitaristes Karsten Wallenius & Fabian Adler, le bassiste Tomasz Kolonko et le batteur Jan-Hendrik Köbel, qui n’ont pas économisé leurs efforts pour accoucher d’un album aux contours un peu brumeux, qui se plaît à utiliser les codes de différents styles pour raconter son histoire. Difficile toutefois de situer le collectif dans des balises très précises, puisqu’on trouve des traces de Progressif, de Metal moderne et alternatif, de Heavy mélodique plus classique, mais aussi de Folk, de Hard-Rock plus fondamental, le tout enrobé dans une théâtralité que la très belle Julia Dorothee appuie de ses vocaux versatiles mais puissants. Puissant et volubile, tels sont les deux épithètes que l’on peut appliquer à The Quest, qui ne rechigne d’ailleurs pas par moments à verser dans le gothique light, le Death maîtrisé et le Néo Metal domestiqué, sans paraître instable ou inconfortable. Cette somme d’influences constitue donc l’ossature d’un groupe qui refuse les travers de la facilité pour poursuivre son chemin, sans doute escarpé mais qui risque de les mener au sommet du succès, sans en faire trop, mais en utilisant les bons ingrédients pour enrichir leur musique. Si l’on pense évidemment parfois à HALESTORM ou IN THIS MOMENT, c’est plus par analogie ponctuelle et au fait que les BLACKDRAFT soient vocalement menés par une femme et un homme assurant les growls en arrière-plan, que par réelle ressemblance, puisque le quintette allemand ne ressemble justement pas à la norme active des groupes alternatifs dits modernes, qui cachent souvent leur manque d’inspiration sous d’énormes riffs et une production gigantesque en trompe l’œil. Ici, ce sont les compositions qui font office de baromètre de qualité, et j’avoue que la majorité d’entre elles sont dignes d’intérêt, au point que l’heure passée en compagnie de ces musiciens attachants paraît très courte.
Conchiant moi-même les travers habituels des maniaques du riff plombé et de l’orchestration chargée, je ne manquerai pas de souligner les efforts consentis pour illustrer le concept de quête par de véritables morceaux, aussi mélodiques qu’hargneux. Nous avons souvent droit à des pauses mélodiques, qui aèrent l’ensemble et permettent aux morceaux les plus lourds de sonner comme tels, et non comme une obligation. Et si bien sûr, tout n’est pas encore parfait, The Quest nous entraîne sur les traces d’un professionnalisme que les danois de Mighty Music ont aussi repéré. Ainsi, après une courte intro plantant l’ambiance, « « Chapter 01 The Calling » dicte une partie de la ligne de conduite à suivre en juxtaposant des guitares résolument Hard-Rock sur une rythmique plus moderne, laissant le chant de Julia cimenter le tout de ses variations graves et harmoniques, interprétant les rôles qui lui sont confiés par l’histoire avec brio. Et la chanteuse de se montrer beaucoup plus efficace que ses consœurs, en évitant les arias et arabesques de diva pour se concentrer sur un chant beaucoup plus pertinent et moins dramatique, qui sait se montrer sensible à l’occasion. On peut penser à une version féminisée de CREMATORY, ou à un versant beaucoup plus mélodique des ARCH ENEMY, puisque la puissance brute n’est pas sacrifiée sur l’autel de la nuance, comme le démontre avec beaucoup de fougue le très accrocheur « Chapter 02 The Struggle ». Constellé de petits interludes ludiques, ce second album joue donc pleinement la carte de l’évasion, et s’emploie à formaliser l’histoire de Runa Ágústsson, cette jeune chercheuse hambourgeoise, partant pour l'Islande. Elle qui au cours de son aventure, va rencontrer des personnages forts, étranges, ainsi que de fantastiques créatures des profondeurs de la mer, nous entraîne donc dans des abîmes froids remplis de secrets pervers, qui sont pourtant chaudement décrits par une bande-son qui ne crache pas sur un brin de classicisme Hard-Rock (« Chapter 03 Motivation »).
Mais comme à vrai dire, chaque morceau possède son empreinte propre, il est relativement facile de s’immerger dans cette narration, puisque l’alternance est de mise et que chaque épisode possède son atmosphère unique. On retrouve certes des thématiques en fil d’Ariane, mais avec le travail de fond accompli par le groupe, ces thématiques servent plus de lien que de redondances maladroites, et les tierces, les harmonies vocales, la dualité de chant, et la sobriété des arrangements transforment The Quest en œuvre tout à fait crédible, aux ambitions certaines. Ces ambitions se déguisent en démarcage du QUEENSRYCHE le plus lyrique (« Chapter 08 Graveyard »), ou en Metal dilué des nineties, lorsque le Néo ne s’était pas encore imposé et que le Death pouvait se frayer un chemin sur un album typiquement Heavy (« Chapter 09 Blackdraft »). On pense aussi parfois aux séminales années 80, lorsque les mélodies de couplets nous évoquent la musique d’époque (« Chapter 10 Fight », assez proche d’un SAVATAGE en version plus sauvage). Mais on pense à beaucoup de choses finalement, sans arriver à pointer le doigt dessus avec précision, ce qui a tendance à démontrer que les BLACKDRAFT ont réussi à se construire un monde très personnel, encore un peu gauche par moments, mais terriblement attachant, et surtout, performant. Des hits parsèment même l’aventure, à l’image de l’épilogue « Chapter 11 Death », qui contrairement à ce que son intitulé semble indiquer fait preuve de beaucoup d’optimisme musical, et de fil en aiguille, The Quest fait son chemin en vous comme une ancienne légende revenue à la vie, et narrée par des artistes convaincus de son potentiel artistique.
Titres de l’album :
1.Formáli
2. Chapter 01 The Calling
3. Chapter 02 The Struggle
4. Vakna
5. Chapter 03 Motivation
6. Chapter 04 Capsule
7.Chapter 05 Out to the Open Sea
8. Chapter 06 Leap in the Dark
9. Uppgötva
10. Chapter 07 Discover Beauty
11. Logn Fyrir Storminn
12. Chapter 08 Graveyard
13. Chapter 09 Blackdraft
14. Chapter 10 Fight
15. Chapter 11 Death
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