Pour les étourdis, LIONHEART est en quelque sorte le premier « supergroupe » de Hard Rock de l’histoire, en tout cas celle de la NWOBHM. Formé en 1980 par des faciès très connus de la scène anglaise, ce groupe assez unique a imprimé la légende de sa griffe, même si sa production discographique est loin d’être pléthorique. A l’orée des eighties, Dennis Stratton (IRON MAIDEN), Steve Mann (MICHAEL SCHENKER FEST) et Rocky Newton (MSG) décident de s’unir sous une bannière plus personnelle, et fondent donc l’un des plus gros espoirs du Hard-Rock anglais, de ceux qui font la une des manchettes et qui parviennent même à impressionner le très respectable magazine Sounds. Mais de 1980 à 1984, aucune sortie sur les rotatives, et il faudra attendre 1984 pour le que le premier et très attendu album du groupe ne voie le jour, sous la forme de neuf titres d’un Hard Rock mélodique et somptueux, assemblés sous l’étiquette Hot Tonight. Et il est certain qu’à l’époque ce premier LP faisait partie des choses très attendues par le public, d’autant plus que le groupe avait eu la chance de se produire à Reading en 1981, ou en première partie de WHITESNAKE, DEF LEPPARD et SAXON, soit la crème de la crème Rock des eighties. D’autres noms fameux sont venus grossir les rangs du combo, notamment Clive Edwards (ex-UFO), Phil Lanzon (URIAH HEEP) mais aussi Keith Murrell (AIRRACE, MAMA'S BOYS), ce qui donna au concept des airs de LONDON anglais avec sa pléiade de musiciens non en devenir, mais déjà largement accomplis. Avec des éléments pareils, tout portait à croire que les LIONHEART allaient devenir les rois de la savane, mais las, le destin ne prenant jamais les décisions qu’on espère, le groupe se sépara dans l’incompréhension la plus totale en 1985, la faute à quelques problèmes de gestion qui n’avaient rien d’artistiques.
Et alors qu’on pensait l’affaire enterrée depuis longtemps, le groupe sortit de l’ombre à l’orée des années 2000 en exhumant des bandes pour publier un double LP de démos, Unearthed - Raiders of the Lost Archives. Mais c’est en 2016 que l’histoire reprit presque là où elle avait été arrêtée, grâce à la petite étincelle qui allume les grands buchers de la justice. Invités à se produire sur la scène du Rockingham Festival de Nottingham, les quatre membres fondateurs se sont dit que le moment était bon pour remettre la locomotive sur ses rails, et c’est très logiquement que de nouveaux morceaux furent composés pour l’occasion. Le second LP n’ayant jamais vu le jour se matérialisa donc en 2017 via AOR Heaven, et Second Nature fut si bien accueilli que les anglais se sentirent pousser des ailes au lieu des griffes. Et c’est très logiquement que trois ans plus tard, une suite est donnée à cette renaissance, sur un label allemand, Metalville, et autant dire les choses telles qu’elles sont, The Reality of Miracles en est effectivement un, et donne le sentiment d’avoir été enregistré par des jeunes loups aux dents longues. Mais ce sont pourtant les mêmes musiciens qu’on retrouve ici, avec au line-up les indéboulonnables Dennis Stratton (guitare), Steve Mann (guitare/claviers), Rocky Newton (basse), Clive Edwards (batteur) et Lee Small (chant). Avec des musiciens au pedigree pareil (la liste de leurs implications comprend des noms comme IRON MAIDEN, MSG, UFO, WILD HORSES, Uli ROTH, SHY, PHENOMENA, de quoi faire baver d’admiration), la qualité est évidemment au rendez-vous, mais loin d’une réunion d‘anciens combattants se gaussant de leur propre parcours, The Reality of Miracles est une fontaine de jouvence qui efface les rides, les soucis passés et les regrets présents, et un album qui se tourne vers l’avenir sans oublier le passé.
Excellents musiciens évidemment, mais aussi compositeurs émérites, les membres de LIONHEART se permettent de tenir la dragée haute à la jeune génération suédoise en matière de Hard mélodique old-school, et rejoignent au panthéon des géants les plus grandes références de l’AOR. Avec cette patte anglaise agressive qui évite de s’engluer dans la guimauve américaine, ce troisième LP de la formation n’est rien de moins qu’une mine de hits qui rappelle évidemment le premier album, mais aussi SHY, ECLIPSE, JOURNEY, sans oublier de frapper fort avec des coups de pattes griffues, passé Hard n’Heavy oblige. Ne vous attendez donc pas à une succession de bluettes pour retraités en manque de bal du dimanche, le propos est musclé mais mélodique, et l’EHPAD ne menace pas encore ces vétérans de la scène. La preuve en est donnée dès le musclé « Thine Is The Kingdom » qui sonne presque comme un leftover de la période Pyromania de DEF LEPPARD repris par les SHY, avec son riff qui porte le morceau de sa hargne tout en allégeant la mélodie avec quelques arpèges clairs. La voix de Lee Small, toujours aussi puissante s’accorde très bien de couches de chœurs assez épaisses, dans la tradition du style, et ses envolées aigues ont encore cette acuité dans la clarté qui permet aux morceaux de s’envoler vers les paradis AOR les plus hauts. Mais loin d’un appât destiné à tromper le pécheur Hard occasionnel, ce premier titre pave la voie à une nuée de hits incroyables, souvent énergiques en diable (« High Plains Drifter »), voire survitaminés d’une rythmique typique de l’orée des eighties (« Five Tribes », qui donne la leçon à bien des combos Power et True Metal de son allant). Soli brillants, nappes vocales immaculées, mais énergie prononcée, ce second LP enterre définitivement les derniers doutes concernant cette reformation, et LIONHEART redevient définitivement ce qu’il aurait toujours dû être, un poids lourd du Hard mélodique européen.
Et malgré un timing assez étiré, avec cinquante-cinq minutes de musique, The Reality of Miracles n’a pas besoin d’aller à Lourdes pour maintenir l’attention des fidèles éveillée. Car malgré quelques accès de tendresse prononcés (« Behind The Wall »), la tonalité générale est à l’euphorie festive, et aux humeurs eighties, avec toujours en exergue ces fabuleuses harmonies héritées de l’expérience américaine, avec ces chansons qui brillent comme dix soleils californiens (« All I Want Is You »). Rien à jeter ni à mettre de côté, des guitares qui incendient et brulent les oreilles (« Widows » au beat jumpy comme un tube Pop-Rock, à tel point qu’on pense à un VAN HALEN exilé du côté de Londres), un up tempo prédominant qui donne des crampes aux mollets (« Kingdom Of The East »), des clins d’œil qui lorgnent du côté d’AC/DC repris par BON JOVI (« Overdrive »), et parfois, la nostalgie du Heavy Metal naissant de 79/80 (« The First Man » sur lequel SAXON aurait pu se faire les armes), pour un bilan exceptionnel. La cuvée 2020 de LIONHEART permet donc d’oublier les tristes évènements de cette année désastreuse, et prouve que les anciens en ont encore sous le coude et dans le cœur.
Titres de l’album:
01. Salvation
02. Thine Is The Kingdom
03. High Plains Drifter
04. The Reality Of Miracles
05. Five Tribes
06. Behind The Wall
07. All I Want Is You
08. Widows
09. Kingdom Of The East
10. Outlaws Of The Western World
11. Overdrive
12. The First Man
13. Still It Rains On Planet Earth (Lacrimosa)
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