En voilà d’autres qui se prétendent « sauveurs du Rock n’Roll ». Enfin pas directement, mais l’affirmation est implicite lorsqu’on baptise son troisième album The Revenge of Rock. La revanche du Rock, moi je ne suis pas contre, encore faudrait-il qu’il ait été victime d’une injustice, alors même qu’il se porte au mieux depuis son émergence depuis les années 50. Certes, il est moins présent en radio, encore moins à la TV, mais en voyant les artistes mainstream s’en emparer pour colorer leurs œuvres d’une touche de couleur passéiste, on peut légitimement penser qu’il est passé dans le domaine public depuis longtemps. Mais excusons les américains de KICKIN VALENTINA pour leur morgue, d’autant plus que leur nom est bien choisi, et leur musique aussi. Formé en 2013 à Atlanta, le combo n’a pas tardé à se faire remarquer par un indépendant, Highway 9 Records, qui s’est empressé de publier son premier EP éponyme. Le début d’une carrière florissante, puisque deux ans plus tard, le quatuor rejoint l’écurie fort enviable des danois de Mighty Music pour leur confier le sort de leurs albums. Ainsi sortiront des boxes Super Atomic et Imaginary Creatures, mais aussi un EP live, Chaos in Copenhagen, qui en disait long en format court sur la force de frappe des rockeurs. Et aujourd’hui, c’est très logiquement que la bande s’en remet à son label pour assurer la promotion mondiale de ce troisième du nom, très fièrement intitulé The Revenge of Rock, qui aurait mérité un label plus franc, car il incarne en effet une petite revanche du Hard pur et dur sur la scène nostalgique actuelle.
Axé autour de quatre musiciens forts en gueule et en instruments (D.K. Revelle - chant, Heber Pampillon - guitare, Chris Taylor - basse et Jimmy Berdine - batterie), KICKIN VALENTINA est l’archétype du groupe que l’on aurait pu trouver en train de traîner sur le Strip il y a quelques décennies. Mixant avec flair le talent passéiste des BLACK CROWES, le flair génial de BON JOVI pour trousser des refrains fédérateurs, et l’exubérance des SLAUGHTER en plein milieu de la nuit, le combo a donc décidé de gravir la montagne Hard Rock par son versant le plus démonstratif et festif, et nous offre encore un festival de mélodies accrocheuses et de riffs clairement inspirés par la moue boudeuse de Joe Perry et des mouvements circulaires du derviche tourneur Angus Young. Sorte de proto-Glam plus Heavy que la moyenne, et rappelant clairement les derniers défenseurs du bastion californien des années 90/91, les KICKIN VALENTINA délivrent une prestation classique, aussi classique que celles de leurs deux premiers albums, mais l’énergie dont font preuve les musiciens et cette science exacte de la composition qui fait mouche confèrent à ce troisième chapitre des allures de synthèse parfaite d’un art traditionnel.
Produit par Andy Reilly (UFO, BRUCE DICKINSON, CRADLE OF FILTH) au Muse Productions d’Atlanta, et masterisé par Maor Appelbaum (FAITH NO MORE, SABATON, HALFORD) au Maor Appelbaum Mastering californien, The Revenge of Rock ne prétend pas avoir inventé la poudre, mais démontre qu’il sait la faire parler. Pas étonnant de constater que le quatuor s’est pavé une voie royale dans les colonnes des magazines les plus réputés, tant sa force de frappe est impressionnante. Doté d’un son un peu raide et rêche, ce manifeste de virilité et de tatouages colorés donne une pêche d’enfer, et replace le Hard Rock traditionnel de LITTLE CAESAR au centre des débats, et si les résidents d’Atlanta n’hésitent pas à emprunter pas mal de gimmicks au Glam Rock, leur base n’en reste pas moins terriblement Heavy. Ils piquent d’ailleurs de temps à autres des astuces très Metal, notamment sur le riff redondant et puissant de l’hymne « War », qui flirte dans ses passages les plus durs avec un Heavy Thrash convaincant, bien que les chœurs affilient le morceau à du Hard bien saignant à la SKID ROW. Pas question ici de distribuer des bonbons pour le Halloween des hardos, rien n’est trop sucré, tout est épicé et largement gargarisé de Jack Daniels, et une fois n’est pas coutume, le ramage est adapté au plumage. Les mecs ont l’air dur, mais leurs chansons l’ont, et les hits s’enchaînent à bon rythme, permettant à ce troisième album de passer la rampe de la qualité indiscutable.
On en est d’ailleurs persuadé dès l’entame très Sleaze de « Freak Show », qui ramone sévère comme du HANOÏ ROCKS en version street thug, et tout est en place dès les premières secondes, de la guitare qui attaque sévère à la rythmique qui claque comme un fouet sur les fesses d’une groupie. La voix délicieusement éraillée de D.K. Revelle permet d’éviter facilement l’écueil du glucose en ballon de barbe à papa des groupes trop Glam des années 80, et le timbre rauque du vocaliste rappelle même le Lemmy des années 90. On pense parfois à une union temporelle entre les DANGEROUS TOYS et nos BLACKRAIN, le tout agrémenté d’une petite touche anglaise à la ALMIGHTY, et si « Somebody New » se souvient avec acuité du génie de Desmond Child pour tailler sur mesures des costards Billboard à BON JOVI et KISS, KICKIN VALENTINA n’en perd pas pour autant son objectif de vue : privilégier la mélodie, mais pas au détriment de l’énergie. Toujours prompt à appuyer sur l’accélérateur, les américains nous enivrent de leur motivation, et servent la téquila dans des verres à vin, nous brulant le gosier d’un explosif « Rat Race ».
Tout est carré, bien en place, mais la spontanéité n’a pas été sacrifiée sur l’autel du professionnalisme. L’album donne même le sentiment d’avoir été enregistré en live tant l’osmose entre les quatre greasers est palpable dans les haut-parleurs, et lorsque le Rock est joué tel quel, sur « Lookin For Me », on peut presque sentir la sueur et le tabac froid des mégots de cigarettes. Parfait cocktail de populaire Glam et de solide Rock, The Revenge of Rock est couillu, mais suffisamment prude pour plaire aux masses. Ce qui n’a rien de péjoratif, bien au contraire, et le voyage dans le temps vers la Californie de la fin des années 80 est plus vrai que nature, et si parfois la sensibilité pointe le bout de son petit cœur (« Heart Tattoo »), pas question d’émotion facile. D’ailleurs, pour bien marquer le coup, KICKIN VALENTINA termine sur un dernier shoot d’adrénaline via l’aiguille et la seringue de « The Revenge Of Rock », qui nous réveille comme Uma Thurman après son OD.
Du Rock, du Roll, du Glam, de l’authenticité, voici une très bonne façon de commencer 2021, qu’on espère un peu plus Rock n’Roll que 2020 qui avait tout du désastre Pop.
Titres de l’album:
01. Freak Show
02. Somebody New
03. Rat Race
04. Strange
05. Looking For Me
06. War
07. Heart Tattoo
08. End Of The Road
09. The Revenge Of Rock
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