Si d'aventure, le Rock Prog et l'AOR un peu pomp sont vos deux vaches à lait préférées, mais que vous ne crachez pas sur un brin de Hard Rock dans votre milk-shake, il y a de grandes chances que vous vous souveniez d'un album paru à la fin des années 80, sous une pochette anonyme et sous un nom ne l'étant pas moins. Pourtant, les musiciens se cachant derrière le pseudo numéraire passe-partout de 3 étaient loin d'être des inconnus...On retrouvait au casting des figures légendaires de la scène Prog de l'époque, dont Carl Palmer et Keith Emerson, au CV chargé et aux commandes du projet E.L.P qui depuis les années 70 secouait la planète de ses arrangements luxuriants et de ses débordements technico-évolutifs...Las, et lassé de la politique de la maison de disques Geffen qui ne laissa pas le temps au groupe d'assurer la promotion et de capitaliser sur le succès du premier LP ...To The Power of Three, le tempétueux et exigeant Emerson quitta le navire alors même que le second LP était déjà presque prêt, laissant le pauvre Robert Berry bien seul dans son coin...Bien évidemment, avec leurs talents individuels, les deux instrumentistes ne restèrent pas inactifs très longtemps, mais le goût d'inachevé laissé dans leur gorge par ce second album tué dans l’œuf par la précipitation d'un label assoiffé de dollars les empêcha parfois de dormir...Et c'est donc sans surprise que des années plus tard, sous l'impulsion d'un autre label bien plus exigeant et moins vénal, les deux hommes décidèrent de remettre le couvert pour offrir une suite à ce projet ambitieux, sauf qu'une fois encore, le destin allait se rappeler à leur mauvais souvenir...
Une fois Keith et Robert réunis par Frontiers, dans l'optique de pouvoir enfin enregistrer correctement ce 3 volume 2, le business reprit son cours et les compositions commencèrent à fleurir, les deux hommes se connaissant très bien, et travaillant facilement ensemble...Las, après de sombres affaires d'argent et de promotion, ce sont des problèmes de santé qui mirent des bâtons dans les roues du duo, jusqu'à la tragédie finale du décès de Keith Emerson qui fit plonger la suite des aventures dans les abysses du deuil et de la tristesse...De là, nous aurions pu imaginer une fin de non recevoir, mais c'était sans compter sur le courage et la passion du fabuleux Berry, bien décidé à mener à terme cette seconde grossesse, histoire de rendre un dernier hommage à un musicien fantastique qui avait si souvent partagé le studio et la scène avec lui...Et c'est donc sous la bannière 3.2 que Robert nous en revient, lui qui a touché à tout, tout tenté et presque tout réussi...The Rules Have Changed est donc cette fameuse suite à laquelle nous n'avions jamais eu droit, et si elle respecte les codes édictés à l'occasion de ...To The Power of Three, son ton n'en est pas moins légèrement plus tragique et introspectif, même si les dogmes du Progressif sont une fois de plus respectés à la croche près...Fans de Hard-Rock tendu et de Heavy mordu, passez donc votre chemin, ici, il n'est question que de Rock, de mélodies, d'harmonies, de complexité instrumentale, de domination des claviers et des lignes de chant surannées, même si l'énergie ne pointe pas forcément aux abonnés absents dans les moments les plus intenses...
Il est évident que la propre influence de Robert joue un grand rôle dans cette réalisation, tout comme les idées de Keith qu'il avait eu le temps de transmettre de vive voix ou par téléphone à son comparse. Et si Robert s'est débrouillé seul en studio, on sent quand même que derrière ce travail en solitaire se cache un effort d'équipe, tant l'ombre d'Emerson plane bas au dessus de certaines des compositions. Ces mêmes compositions ont la même assise que celles dont bénéficiaient les chansons que l'on trouvait sur le premier album, la modernité des studios du moment en plus, mais mélodiquement, structurellement et organiquement, l'ADN est le même, et il n'est pas difficile de faire le lien entre les deux tomes de l'aventure, même séparés d'une bonne trentaine d'années. On y retrouve bien sûr la silhouette d'E.L.P, bien dissimulée derrière certains arrangements, la tutelle d'ASIA, toujours très présente dans les parties de clavier, mais aussi des traces de progressif moderne, lorsque les enchaînements et les imbrications nous ramènent sous le giron de Steven Wilson ou des PORCUPINE TREE, alors même que le YES des années 80 semble parfois taper le bœuf avec des DREAM THEATER enfin apaisés de ne plus avoir à courir après la redondance. Evidemment, le tout sonne classique dans le fond et la forme, mais la patine nostalgique générique de The Rules Have Changed lui confère une puissance émotionnelle assez particulière, même sur les inserts les plus volontairement joyeux et aux mélodies exubérantes (“Somebody's Watching”). Mais la véritable force du travail de Robert Berry est d'avoir synthétisé les idées pour proposer un album concis et homogène, et non une démonstration de style stérile et fortuite. Même sur les suites les plus longues, dont cette introduction superbe « One By One », les plans s'imbriquent avec une logique et une humanité saisissantes, et on se prend à rêver à un retour dans le passé, lorsque le Rock progressif des années 70 faisait tout ce qu'il pouvait pour séduire les charts des années 80 en trempant son académisme dans un bain de jouvence mélodique.
Mais concrètement, et au-delà du travail de mémoire, quelle est la pertinence d'un tel album aujourd'hui alors même que des musiciens ont fait évoluer le genre bien en aval de ses propres limites assez peu restrictives ? D'abord, le plaisir de retrouver intact le talent d'un musicien hors norme, qui de son instrumentation et de sa voix parvient toujours à nous faire frissonner. Ensuite, la satisfaction de constater que l'équilibre entre Progressif de facture classique, Pop, Rock, et AOR est respecté à doses surprenantes et rassurantes, sans jamais sombrer dans le pathos (ce qui aurait été légitime au vu des circonstances tragiques de sa conception) ou l'excès de zèle. Car les morceaux de The Rules Have Changed sont tous de petits miracles d'orfèvrerie ciselés et polis avec un amour infini, truffés d'harmonies célestes et enchanteresses, et de coups de colère en énergie de l'espoir, celui d'avoir pu collaborer, même partiellement, et une dernière fois, avec un compagnon de route que personne ne pourra oublier. Et finalement, Keith Emerson se voit gratifié d'un dernier salut rempli d'émotion, et nous, public, d'un disque magique, qui nous ramène aux temps bénis des années 80, lorsque l'authenticité pouvait le disputer au raffinement sans tomber dans l'élitisme ou l'excès de populisme. Alors, autant se satisfaire pleinement d'un deuxième chapitre qui aurait indifféremment pu paraître il y a trente ans, mais qui reste d'actualité encore aujourd'hui. Mais le talent ne subit jamais l'influence du temps. Et c'est certainement la leçon à tirer de cette oeuvre que beaucoup écouteront avec émotion, mais apprécieront avec raison.
Titres de l'album :
1. One By One
2. Powerful Man
3. The Rules Have Changed
4. Our Bond
5. What You’re Dreaming Now
6. Somebody’s Watching
7. This Letter
8. Your Mark On The World
Facebook officiel Robert Berry
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