Bon, d’accord, la lune à des cratères, donc des sortes d’orifices, elle a la blancheur bleuâtre des fesses de vampires de la nuit, des aspérités, et garde un côté mystérieux de satellite que l’homme est loin d’avoir apprivoisé. De là à lui prêter un côté sexuel, il faut quand même avoir l’imagination débordante. Mais les mexicains de C.A.R.N.E. semblent suffisamment lubriques pour sexualiser n’importe quoi, y compris un joint de culasse ou un balai à chiottes, comme en témoignaient leur deux premiers longue-durée, The Taste of Latex et Sexy Fat. Donc, en suivant leur point de vue, tout est sexy, même les latrines de bar de Mexico-City, ou les bourrelets d’une vieille prostituée à la peau plissée par les va-et-vient incessants à l’arrière d’une camionnette de fortune.
C.A.R.N.E. se sont trois gus pas vraiment portés sur l’étiquette et le bon goût, mais qui ont quand même celui de partager leurs délires avec nous. Formé à l’orée du nouveau siècle, cette formation en trio de Mexico-City peut s’enorgueillir d’un titre qu’ils ont eux-mêmes inventé, le Depraved Grind Gore, comme si les japonais et leur obsession pour les fèces ne nous suffisaient pas. Du Death/Grind donc, mais joué gore pour s’amuser un peu avec le pipi et autre écoulements séminaux et gastriques, qui visiblement, leur donnent la trique. Vingt-et-un an d’existence, la majorité absolue aux Etats-Unis, bien que ces trois marsouins devaient déjà être suivis par des psys durant leur adolescence. Complètement fascinés par les dépravations en tout genre, les mexicains nous proposent donc leur troisième passage aux chiottes/en studio, avec ce The Sexual Side of the Moon.
Gageons qu’ils perçoivent le satellite de la terre comme un cul géant avec un gigantesque trou de balle, qu’ils aimeraient bien remplir de leur phallus disproportionné (avis qui n’engage que l’auteur de cette chronique). Dans un registre assez formel mais efficace, les C.A.R.N.E. malgré un chant évidemment traité pour sonner comme des régurgitations après un régime tacos/téquila jouent quand même une musique suffisamment créative pour être intéressante. Loin des délires en blasts incessants des meneurs de la fronde Grind/Gore, cet album privilégie les riffs bon enfant et les interventions vocales d’égouts, tout en prenant soin de laisser une feuille de pécu pour s’essuyer.
De fait, on ne sort pas de l’écoute de cet album de la merde plein les oreilles, puisque la guitare de Mark sait trousser quelques riffs bien Death de derrière les fagots. De son côté, Hugore et ses cymbales qui vrillent les tympans fait preuve de flair et de cowbell pour nous enthousiasmer de sa frappe, et pour permettre à la voix pas si ignoble que ça de Mero de tapisser le tout de bile et de morceaux de jambon. Plus Death que réellement Gore, ce troisième méfait est donc suffisamment créatif et intelligent pour vous sortir les doigts du cul et les rapprocher du nez de votre infortuné voisin de table.
Loin d’une farce de fin de banquet, The Sexual Side of the Moon sonne donc comme un véritable album, composé avec panache et interprété avec flair, comme un chien qui vous renifle le cul avant d’essayer de vous grimper dans une impasse. Quelques fantaisies de guitare en feedback, des morceaux qui cavalent comme de pauvres vierges qu’on veut sodomiser sous la pleine lune (« Seres Lascivos »), de l’épaisseur dans la tradition, quelques influences CARCASS qui dépassent, mais une vraie joie de jouer une musique barbare et primaire, et aussi appétissante qu’un tampon abandonné sur une cuvette dégueulasse.
Loin des sempiternelles tranches de vie immondes de quelques secondes, cet album privilégie une compilation d’intros et d’effets bien placés, et de parties instrumentales assez jouissives. Et comme le son empeste le quatre-pistes enterré au fond d’une cave, la sensation n’en est que plus agréable, comme de découvrir de vieux ossements en agrandissant votre garage. C’est parfois assez rigolo et rigolard (« Inorganicos y Perversos »), et la langue espagnole se prête bien à cet exercice de débauche absolue qui n’a pas grand-chose à envier aux pisse-parties allemandes.
Un peu cousin hydrocéphale de BRUJERIA, un peu pervers qui mate par le trou de la serrure avant de jouir sur la poignée de porte, C.A.R.N.E. est le genre d’invité qui va obligatoirement foutre le bordel et frotter sa quéquette sur les convives féminines avant de loucher sur l’anus du pauvre greffier. On pourra reprocher une blague un peu longue pour le genre, mais des titres aussi efficaces que « Camino al Ruido No Estructurado » ou le final monstrueux de « Abducido, Violado, Hibridado » font plus facilement passer la pilule par le gros colon, et on termine l’écoute maculé de tâches suspectes, et l’âme légèrement violée.
De là à vouloir enculer la lune, il y a un pas que Neil Armstrong n’aurait jamais franchi pour l’humanité.
Titres de l’album:
01. The Sexual Side of the Moon
02. Open Your Legs
03. Venirte en Suenos
04. Seres Lascivos
05. Inorganicos y Perversos
06. El Otro Plano
07. Camino al Ruido No Estructurado
08. Noches de Climax y Tormento
09. Depraved Species
10. Body C.U.N.T.
11. Abducido, Violado, Hibridado
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