Quand on parle de Thrash brésilien, on s’attend à deux choses bien précises, des sortes de clichés de carte postale que la réalité a pourtant traduits en faits. D’un côté, une musique sombre et brouillonne, empreinte d’occultisme de pacotille. De l’autre, un saucissonnage dans les règles, avec des riffs hyper précis, des accélérations dantesques, et même un petit côté Hardcore pas désagréable. Tout ça n’est pas dû à des idées préconçues, mais bien à des années de culture nationale, qui depuis la seconde moitié des années 80 nous a habitués à un schisme assez prononcé entre deux approches, dites des « deux écoles », avec des représentants notables dans les deux catégories. A gauche, dans le clan des barbares à philosophie guerrière, les VULCANO, SARCOFAGO, MUTILATOR et consorts, et même les débuts de SEPULTURA, avant qu’ils ne découvrent les joies des gros indépendants et le confort de la vie européenne. De l’autre, les mêmes SEPULTURA après qu’ils aient découvert les joies des gros indépendants et le confort de la vie européenne, OVERDOSE, DORSAL ATLANTICA, et pourquoi pas aussi les RATOS DE PORAO, quoique légèrement hors-sujet ici. Mais en gros, et suite à ce schéma bien précis, le Thrash brésilien s’est toujours voulu correspondant à une idée bien ciblée, dont les groupes de Rio ou Belo Horizonte ne se sont que très rarement éloignés. C’est donc avec surprise que j’ai découvert une autre façon de concevoir le radicalisme musical, par l’entremise du second LP des FORKILL, qui semblent avoir trouvé une troisième voie moins diplomatique, plus diffuse et même confuse, et qui pourtant, présentent un intérêt et pas seulement à cause de leur excentricité, dans le sens le plus littéral du terme.
Pourtant, après lecture de leur bio, pas de grosse surprise à découvrir. Encore un combo qui s’est formé par amour de la nostalgie, histoire de perpétrer l’esprit vintage des eighties, en rendant hommage à ses plus vaillants et belliqueux représentants. Fondé en 2010, ce quatuor (Matt Silva - chant/guitare, Ronnie Giehl - guitare, Gus Nascimento - basse et Thiago Caneda - batterie) a préparé son grand soir avant de directement s’attaquer à un premier LP, Breathing Hate publié en 2013. Personne ne pensait certainement à l’époque qu’il faudrait six années supplémentaires pour qu’enfin une suite voie le jour, et c’est sans doute avec soulagement et plaisir que les quatre musiciens se voient aujourd’hui relancés par ce The Sound Of The Devil's Bell, au titre aussi ambitieux que ses dédales ne sont ténébreux. Les influences de ces affreux ? Facile, ils les nomment eux-mêmes, et comme d’habitude, pas de décalage référentiel, puisqu’on retrouve dans leur spectre d’action les sempiternels TESTAMENT, ANTHRAX, SLAYER, EXODUS, KREATOR, NUCLEAR ASSAULT, le METALLICA de la période Cliff, le SEPULTURA de Beneath The Remains, le PANTERA de Vulgar Display Of Power, ainsi de suite, et de manière très classique. Les brésiliens saluent aussi de façon plus générale la scène de la Bay Area, le Thrash en tant que concept, ce qui sur le papier nous donne une configuration assez conformiste, que les faits musicaux semblent contredire, sans pour autant titiller la corde de l’originalité.
Pas vraiment proches de leurs homologues historiques les plus bestiaux, les FORKILL ne se posent donc pas en héritiers des légendaires et sanglants VULCANO ou SARCOFAGO, et semblent plus avoir assimilées les leçons américaines de la seconde moitié des eighties. On sent dans leur Thrash une grosse dose de Heavy, et des tendances au mid tempo très prononcées, ce qui les rapprocheraient pas mal du EXODUS de seconde partie de carrière, mais aussi du TESTAMENT plus décrié des nineties, avec toutefois un fort parfum crossover dérivant des égouts de New-York et de Boston. Difficile alors de ne considérer leur art que comme du simple Thrash pour maniaque du headbanging, mais difficile aussi de les affilier au créneau vulgarisateur et putassier du Heavy Thrash, puisque leurs morceaux gardent cette densité propre à la Bay Area de la période dorée 86/89. C’est efficace, pour le moins, mais en partie, car une fois encore, la donne est brouillée par une propension à s’enfoncer les bottes dans une lourdeur poisseuse sur les segments les plus insistants. Ainsi, après une intro très délicate aux mélodies féminines hantées, « Emperor of Pain » met rapidement les choses au point de son staccato très TESTAMENT, et nous plonge dans une délicieuse ambiance rétro plus crédible qu’un premier pressage chez Roadrunner. On se sent en terrain connu, et un hymne comme « Let There Be Thrash », et son allusion finaude à AC/DC ne fait rien pour contredire cette impression, moshant et thrashant à tout va comme un groupe fondé en 1984. C’est percutant, à peu près aussi original qu’un EP de MUNICIPAL WASTE, mais ça fonctionne, parce que les mecs jouent bien et croient en ce qu’ils font. On pense à MORDRED, version rapide, à MORTAL SIN, à The Legacy, Fabulous Disaster, avec ce petit plus de radicalisme à l’allemande, sans les travers de porc et la bière de port.
Là ou The Sound Of The Devil's Bell nous perd un peu en route, c’est lorsqu’il cède aux sirènes du ralentissement, s’échouant sur les récifs d’un Heavy pataud et gras du bide, heureusement sauvé du naufrage par des ambiances poisseuses et des intonations glaireuses. Mais l’enchaînement « Warlord » / « When Hell Rises » n’est pas des plus heureux, juste sauvé de la tragédie par des accents Hardcore assez patents. On s’embourbe un peu avant de faire un effort et soulever les jambes du sol, et « Leviathan », intermède Ambient de nous caresser encore de ses cordes classiques et arrangements mystiques, avant que « R. E. D. » ne redresse la barre de ses BPM actifs et nombreux. Le point fort des compositions reste cet équilibre entre saccades de guitare permanentes et cette énergie dévalante, et la seconde moitié de l’album, plus propice aux morceaux courts, nous permet de garder la tête au-dessus de la masse grouillante des groupes maladroits qui confondent révérence et paraphrase lénifiante. Nous nous voyons même gratifiés d’hymnes en puissance, en l’incarnation de cet infernal « Killed at Last », que le VIO-LENCE le plus actif aurait pu nous pondre au début de sa carrière. C’est d’ailleurs l’influence la plus évidente de ce second LP, en théorie modérée bien évidemment, les brésiliens n’atteignant jamais l’intensité d’un Eternal Nightmare. Mais le tout est très plaisant, et tire parti d’une production un peu étouffée qui rend les choses encore plus étranges et hypnotiques, avec ce chant incroyablement sous-mixé et cette basse proéminente qui prend pas mal de place. Quelques soli efficaces mais pas démonstratifs, un sens de la harangue dans les premières secondes qui retient l’attention, quelques approximations et répétitions, mais de sympathiques transitions en intro/césure/outro, et un morceau bonus assez costaud (« Vendetta »). FORKILL sans se montrer héroïque, reste sympathique, ne serait-ce que pour cette façon de s’éloigner de ses pairs nationaux d’abord, et internationaux ensuite, et de nager entre deux eaux, sans rester neutre.
Titres de l'album :
1.Succubus' Lament
2.Emperor of Pain
3.Let There Be Thrash
4.Keepers of Rage
5.Warlord
6.When Hell Rises
7.Leviathan
8.R. E. D.
9.Killed at Last
10.Old Skullz
11.In Your Face
12.Knight of Apocalypse
13.Vendetta
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