Il est tout seul dans son coin, et essaie de faire encore plus de bruit que tous ses voisins réunis. Pourtant, il habite le Canada, ce pays calme où tous les gens sont polis et font tout pour se montrer agréables et accueillants. Lui n’a cure de ces préceptes de bon voisinage. Il est tout seul, dans son coin, et fait son truc en abusant de stridences, de feedback, de dissonances et de bruits en tous genres.
Le genre de bricolage perso qui fait passer le joyeux drille de Mories pour un télétubbie débonnaire, fan de musique pour enfants et de ballons multicolores achetés à la frairie du coin pour faire plaisir aux gosses.
Bon, en même temps, les one-man-band, c’est d’usage depuis la nuit des temps. L’expérimentation sonore aussi, et le manque d’empathie musicale de même. Mais admettons que la vision d’Oculus Tod soit un poil plus déviante que celle de ses contemporains tritureurs de boutons et de cordes, et que sa musique soit un poil plus abrasive et dérangeante.
Cela en fait-il notre héros de l’Ontario, pourfendeur de timidité extrême, et porte-drapeau d’un individualisme artistique admirable ?
Oui, non, peut-être, mais à la rigueur, on s’en cogne.
Le principal est d’écouter son premier véritable album sous la bannière RAMPANCY, The Sublime Conquest Of Nothing, qui quelque part cache plutôt très bien son jeu sous un titre révélateur au premier degré.
RAMPANCY/ Oculus Tod n’a pas commencé ses expérimentations hier ou la semaine dernière, malgré une discographie entamée en 2017 selon la bible Encyclopedia Metallum. Certes, l’artiste n’a publié que deux splits sous ce nom, mais sa carrière a débuté en 2009 sous le nom d’ANTI-FREEZE, avant d’opter pour un baptême différent une fois le changement de cap adopté. Nous avons donc affaire à un musicien décidé, au concept précis, qui sait exactement quel type de bruit utiliser pour malmener nos oreilles déjà salement blessées par les assauts répétés d’un underground qui décidément, ne nous veut pas que du bien.
L’homme a du mal à définir le créneau qu’il occupe, et à juste titre puisque sa musique empreinte les accents de divers courants. Il évoque volontiers un mélange de Death, de Black, et de Grind, le tout traité à la sauce épicée Harsh, et saupoudré d’une fine couche d’Ambient et d’expérimental un peu vague.
En gros, RAMPANCY est un joli fourre-tout qui ne conçoit l’expression artistique que sous son angle le plus abrasif et anti-commercial, un peu comme si GNAW THEIR TONGUES, REVENGE, MERZBOW, THORNS et OOZING WOUND se partageaient le boulot sur plusieurs faces pour annihiler toute velléité harmonique à la musique la plus foncièrement bordélique.
Range ta chambre, déroule moi tous ces câbles, va faire un tour dehors et rentre à l’heure pour manger, avec des amis si possible, ça changera ? C’est le genre d’invectives que Preston Lobzun a dû entendre depuis ses débuts, de sa mère ou des quelques amis qui ont eu la chance de partager son aventure musicale. Il faut dire que le canadien n’a pas traîné en route, et s’est dispersé dans nombre de projets. On le retrouve au casting de formations comme THE TRAJECTORY, du groupe Post Hardcore AURELIA, de l’ensemble Stoner Doom/Garage Punk WEIRDONIA et à la basse au sein de LAPSARIA, entité Blackened Crust assez sévère. Il est en outre résident du Satan’s Cove à London, Ontario, structure qui lui a permis d’organiser pas mal de shows et d’enregistrements, et son propre chef au sein de l’organisation Why Gang Records, ce qui lui permet d’être son propre ingénieur du son/producteur.
Comme vous le constatez, l’homme se débrouille comme un chef depuis des années pour parvenir à sortir ses albums, et multiplie les collaborations, de façon hétéroclite, puisqu’il n’est pas du genre à se cantonner à un style particulier.
Certains diront qu’il est instable et se disperse, je pense qu’il est plutôt capable de mener de front plusieurs projets, et cette capacité est flagrante sur ce premier LP de sa nouvelle créature, qui lui aussi démontre par A+B+C que Preston a un esprit très ouvert et des capacités créatives assez notables.
C’est sans doute pour cela que The Sublime Conquest Of Nothing se montre aussi ouvert qu’opaque, et aussi croyant que nihiliste. Au travers des onze pistes, le musicien ne cherche surtout pas à prouver quoi que ce soit, ou à s’affilier à un mouvement fédérateur quelconque.
Pour autant, il fait preuve de discipline, et construit ses morceaux et son LP de façon plus ordonnée que les premiers morceaux n’en donnent l’impression, et ne fonce pas dans le mur à force de refuser de le voir.
Sa musique est certes hautement bruyante, parfois dérangeante, mais elle est agencée, logique, et permet parfois d’apprécier un crossover assez pertinent entre plusieurs sous-courants extrêmes qui s’accordent très bien ensemble.
Il suffit pour s’en convaincre de tendre l’oreille sur le long et presque progressif « Thy Kingdom », qui pendant son temps imparti multiplie les clins d’œil au BM, à l’Indus, sans pour autant se départir d’un bel instinct mélodique, parfois ruiné par des arrangements aux aspérités irritantes. Nous sommes loin des pires caprices du Harsh et du BM noisy qui se complaisent dans la négation musicale, et si les chansons atteignent parfois des sommets dans l’assourdissement, elles gardent toujours une prise avec la logique, ce qui permet de les apprécier en tant que telles.
Alors, multiplication des rythmes, chant traité qui geigne ses harangues d’une voix éraillée, et pics de violence tutoyés comme à la grande époque de l’émergence de la scène BM canadienne (« Solitary March »).
Bien évidemment, tout ça n’est pas à mettre entre les oreilles de n’importe qui, mais l’entame « Blood For Blood » et ses samples horripilants sur fond de BM lo-fi déstructuré feront le tri bien mieux que n’importe quel avertissement.
Nous nous voyons même gratifiés de choses beaucoup plus raisonnables de temps à autres, comme ce très mélodique « Choose Your Side », qui opte pour un BM modéré, mais au traitement sonore décadent absolument délicieux. Preston sait aussi maintenir le cap sur un mid tempo bizarroïde et maladif, lardé de riffs basiques et dégénérant en mid sautillant (« Extremist », presque un tube), tout en terminant son premier effort officiel sous la bannière RAMPANCY d’un dernier baroud effrayant de violence, dénaturant un BATHORY enragé de Noisecore nippon (« A.F.D.T.D. »).
The Sublime Conquest Of Nothing a donc les défauts de ses qualités, et se montre parfois un peu trop versatile. Il est de plus un poil trop long, ce qui le handicape parfois en l’obligeant à répéter des idées déjà énoncées. Mais l’effort accompli par Oculus Tod/Preston Lobzun pour varier les climats et les monochromes est notable, et fort respectable.
Il a beau être tout seul dans son coin, sa tête déborde d’idées et d’envie. Et il est finalement plus accueillant qu’il ne veut bien l’admettre.
Ah, ces canadiens…
Titres de l'album:
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