Si ma mémoire ne me joue pas de tours, je crois me souvenir que l’évocation d’une scène Thrash chrétienne avait bien fait rire les amateurs d’extrême à la fin des années 80…Il est vrai que la religion catholique semblait fort mal s’accommoder de la violence inhérente au genre (sans parler de ses obsessions pour la guerre thermonucléaire et autres diableries exotiques), et plus encline à déverser ses psaumes dans un contexte Country, Pop, ou légèrement Rock sur les bords. Sauf qu’après avoir porté leurs oreilles sur quelques combos symptomatiques du mouvement, les thrasheurs ont moins rigolé…Il faut dire qu’après s’être envoyé les premiers albums de TOURNIQUET, VENGEANCE RISING, BELIEVER ou DELIVERANCE, la situation n’avait plus rien de cocasse, et révélait un underground pétri de foi, mais dissimulant aussi des musiciens méchamment à l’aise avec les rythmiques fracassées et les riffs syncopés. De cette engeance bénie furent donc issus les DELIVERANCE, qui dès 1989 sortirent leur premier LP éponyme, depuis devenu une sacrée référence. D’autant plus que les soldats de Dieu ne se sont pas arrêtés en si bon chemin de croix, puisqu’ils ont enchaîné assez vite avec un foudroyant Weapons Of Our Warfare, toujours aussi teigneux, puis un fatal What A Joke, subtilement plus fusionnel…Et si quelques témoignages ont par la suite légèrement entaché la conviction du discours initial, la qualité du groupe ne s’est jamais démentie jusqu’à leur split de 2002. Fraîchement réunis en 2007, le groupe a recommencé à psalmodier avec fougue, via le comeback As Above - So Below, puis Hear What I Say ! six ans plus tard, avant qu’une fois de plus la chaire ne se vide pendant quelque temps…C’est donc après quatre longues années de silence que le quatuor nous revient, et force est de constater qu’il ne s’est pas assagi avec le temps, puisque ce onzième LP fait sans conteste partie du haut de leur propre panier, eux qui lavent toujours leur linge en famille…
Et en mettant vos objections de côté (puisque vous avez tout à fait le droit de ne pas être d’accord avec leur message), ce The Subversive Kind a justement la subversion efficace et convaincante, et se présente comme une heureuse surprise dans un moule qui pourtant ne façonne pas les créations les plus malléables. Car loin de se contenter d’un Thrash éculé sentant le faisandé, les Californiens (la terre du diable…) ont toujours privilégié le mi-chemin, se sentant terriblement à l’aise dans une moyenne Heavy/Thrash d’excellente facture, ce que ces huit nouvelles compositions prouvent avec une énergie incroyable. Axé autour des membres fondateurs Jimmy Brown (chant/guitare) et Glenn Rogers (guitare), mais aussi de l’ami Victor Macias ex-TOURNIQUET (basse) et du compère Jim Chaffin, ex-CRUCIFIED (batterie), le DELIVERANCE cru 2018 est donc une affaire de grande famille, aux membres se rendant la politesse et allant et venant d’un combo à l’autre, ce qui n’est point gênant puisqu’ils partagent tous le même point de vue, religieux et musical. Et autant dire que la formation actuelle dépote sévère, et qu’elle envoie du bois, sans pour autant changer formellement l’orientation que les américains ont toujours prônée. On retrouve donc plus ou moins les mêmes pistes qui nous entraînaient sur celle d’un Thrash fortement mâtiné de Heavy baston, celui-là même qui enflammait les morceaux des deux albums post-reformation, mais le regain de puissance que semble avoir connu le groupe lui permet de signer ses chansons les plus radicales depuis ses débuts. Et que les fans du SLAYER le plus contemporain ne m’en veuillent pas de comparer leur créature cornue à ces évangélistes têtus, mais autant dire que les œuvres période post 2K de la bande à Tom, Kerry et Jeff ressemblent parfois beaucoup au nouveau missel des Los Angelinos…
C’en est parfois tellement troublant qu’on en vient à regarder les crédits de plus près pour tenter d’y voir la signature d’un King, particulièrement sur l’ouverture tonitruante de « Bring ‘Em Down », mais aussi sur l’emphatique « Epilogue », et encore plus sur le bombardé « Listen Closely », qui s’échine à reproduire les sensations éprouvées à la période charnière des massacreurs, celle de South Of Heaven/Seasons In The Abyss. On retrouve la même inclinaison à varier les tempi, cette voix de foi un peu trainante mais ferme dans les énoncés, et ces guitares aussi précises qu’un crucifix affuté. Mais au vu de l’histoire passée des DELIVERANCE, il serait complètement hors contexte de parler de plagiat, mais plutôt d’une fidélité sans borne à un style qu’ils pratiquent depuis leur plus tendre jeunesse. Et croyez-moi, malgré l’ombre des aubes et des chapelets, ces quatre-là n’en sont pas pour autant des enfants de chœur, à tel point que certains soli semblent tout droit sortis de la BC Rich de notre vieil ami Kerry, tandis que de nombreux breaks résonnent de la même basse frappée bas de la main de Saint Araya. Et bien évidemment, d’incitation en complicité, et de références en clins d’œil appuyés, le résultat ne laisse planer aucun doute, ce The Subversive Kind est évidemment l’un des meilleurs LP de Thrash modéré de cette année, laissant la concurrence dans le confessionnal pour avouer ses péchés de facilité. On se prend à headbanguer comme un prêtre après l’office, et lorsque l’ingéniosité le dispute à l’efficacité, le tableau est admirable, comme celui d’une Cène mémorable, mélangeant le psychédélisme des années fusion au radicalisme de la période carton (« The Subversive Kind »).
DELIVERANCE n’a rien perdu de son art à mélanger la franchise et la roublardise, et se montre toujours aussi à l’aise dans le louvoiement, sans rien perdre de son impact. Et en optant pour un format temporel très proche de la référence ultime Reign In Blood (SLAYER, encore, mais…what else ?), ils ont pris la meilleure option possible et nous laissent exsangues, prêts à recevoir le corps du Christ sous la forme d’un vinyle d’époque. Chaque verset est une bible à lui seul, et aucun ne sert de remplissage pour avoir le nombre suffisant de pages, piochant allègrement dans les nouveaux et anciens testaments sans évoquer TESTAMENT (elle est facile, j’en conviens), et accumule les riffs d’acier, les accélérations pulsées, les breaks futés, et les lignes de chant exhortées. Véritable festival de maitrise, ce nouvel album est une révélation, et presque l’annonce d’une seconde résurrection, comme si ces chevaliers chrétiens anticipaient le retour de l’antéchrist sur terre en tenant fermement leur glaive en main. Main qui ne tremble jamais d’ailleurs, et qui massacre les hérétiques qui croiraient encore que Dieu et le Thrash n’ont rien en commun et qu’ils ne devraient d’ailleurs même pas se fréquenter. On ressort donc de l’écoute comme on sort d’une église Metal, le cœur pur et le cheveu vaillant, et prêt à convertir tous les mécréants de la cause qui auraient l’outrecuidance de douter de la pertinence de la démarche. On a beau se dire que ces mecs-là parcourent le monde en prêchant la bonne parole depuis trente ans, on a toujours du mal à croire qu’ils puissent sonner aussi frais que de jeunes communiants. Mais le fait est, et je ne pouvais décemment pas terminer cette chronique sans un ultime cri tonique :
Hallelujah !!!
Titres de l'album:
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30