The Things We Can't Stop

Cold As Life

13/09/2019

Napalm Records

Certains groupes sont intimement liés à la destinée d’un de leurs membres. Ainsi, PINK FLOYD connut trois incarnations, trois orientations, celle de Syd Barrett, celle de Roger Waters, et celle plus tranquille de David Gilmour. Chacune des trois personnifications s’est accompagnée d’un changement de style, souvent progressif, mais toujours en adéquation avec la mutation du leader indiscutable. W.A.S.P a toujours été le véhicule des idées et des attitudes de Blackie Lawless. MARILYN MANSON n’est rien d’autre que le clone musical et artistique de Brian Warner. Et les exemples pourraient remplir une encyclopédie tant ils sont légion. Dans le cas de COLD, la problématique qui n’en est pas une est la même. COLD est intimement lié aux humeurs et à la personnalité de Scooter Ward, fondateur du groupe dans les années 80 avec Sam McCandless, et qui n’a jamais caché ses difficultés d’adaptation, ni ses addictions, allant jusqu’à fumer plusieurs paquets de cigarettes par jour, endommageant considérablement sa voix. Et COLD depuis son premier album éponyme publié en 1998 -  via un sacré coup de main de Fred Durst, observateur attentif de la scène de Jacksonville - n’a pas cessé de changer de visage, caméléon ultime du Rock alternatif américain, de sa création à son premier split, en passant par sa résurrection, et sa réémergence actuelle, sous une forme beaucoup plus floue et sombre que n’importe quel cliché issu de son passé. Aujourd’hui quasiment seul aux commandes, Ward fait ce qu’il veut de sa créature, et l’entraîne dans une virée nocturne aux confins de la solitude et de la dérive, en proposant le disque le plus noir et déprimé de sa longue carrière, ce The Things We Can't Stop qui se pose en constat lucide mais résigné d’un siècle qui sera peut-être le dernier d’une humanité enchaînée à son sort funeste…

Bien sûr, la musique du groupe ne ressemble plus aux cris primaux et anonymes noyés dans un océan de riffs passe-partout de 13 Ways to Bleed on Stage ou Year of the Spider. Mais plus de quinze ans ont passé depuis ces premiers jets, qui témoignaient encore d’une colère juvénile et d’une adaptation aux standards de l’époque. Il est donc inutile en 2019 d’attendre du groupe une ire qui n’a plus lieu d’être, et qu’on laisse aux souvenirs d’une adolescence révolue. C’est ainsi que The Things We Can't Stop se présente sous un jour incroyablement apaisé, dominé d’une ambiance cotonneuse et cathartique, mouchoir à portée de main et paquet de cigarettes posé sur la table de nuit. On y sent de l’acoustique prépondérante malgré les décharges d’électricité toujours aussi déchirantes, et surtout, une gigantesque mélancolie qui le confine au spleen le plus profond, pour une œuvre que les critiques jugeront « mature ». Ward est depuis longtemps devenu un homme, avec le fardeau que cela implique, cette impossibilité de remplir le cahier des charges de rêves remisés depuis longtemps, et cette tristesse de voir le monde se déchirer sur les réseaux sociaux et aux informations. Ces choses qu’on ne peut pas empêcher, et dont on prend acte, la voix rauque qui refuse de crier, et l’œil un peu humide, malgré la lucidité. En douze chansons dont une reprise, COLD se montre plus chaleureux que jamais, plus humain, plus fragile, comme accusant le poids d’années qui deviennent de plus en plus difficiles à porter. Et si l’album garde la trace de McCandless sur deux titres composés bien avant la conception de ce sixième tome, c’est véritablement la voix traînante de Ward qui domine les débats, et ce, dès « Shine », qui dénonce les abus du harcèlement scolaire plus efficacement que trois saisons de 13 Reasons Why. Mais alors, comment aborder ce disque qui rompt avec huit ans de silence, et un Superfiction franchement approximatif lâché en 2011 à la surprise générale ? En oubliant ce que COLD a été, pour essayer de comprendre ce qu’il est.

Pour composer et enregistrer ce disque, Ward a vraiment dû faire équipe et corps avec son comparse Nick Coyle, présent depuis 2017. Les deux hommes se sont partagé l’instrumentation, mais la vraie responsabilité de l’orientation revient évidemment à Ward, qui lâche quand même le micro sur « We All Love » pour laisser le lead à son copilote. Mais avant d’en arriver à un lacher-prise pareil, Ward a préféré mettre les guitares de côté, pour permettre à la basse et sa voix de jouer upfront, sur « Snowblind » qui donne la dominante. Beat qui traîne, caisse claire qui hésite à se laisser frapper, avant un refrain à la ALICE IN CHAINS dépité, mélodique, mais authentiquement amer. On comprend à ce moment-là que les choses ne vont pas être faciles, que l’approche va s’avérer fragile, et que The Things We Can't Stop ne sera jamais la mine de hits que furent ses aînés. « The Devil We Know » ne change pas la donne, malgré une guitare carillonnante en pont d’accroche, et si Ward a accepté l’ironie de devenir une gorge et non un chanteur (ce qui est indiqué dans les crédits de l'album), sa musique ne fait qu’y gagner en profondeur, en textures, en tristesse, gardant une beauté diffuse d’adieux qu’on pleure seul dans un métro de nuit. Mais il n’y a pas que de la fixation sur cet album, il n’y a pas non plus que du déchirement, car dans les ténèbres, quelques rayons de lumière passent, comme ce chant enfantin sur le sublime « Better Human », avec cette petite fille rieuse qui chante le refrain d’une voix enchantée. De son côté, « Without You » essaie de renouer avec le faste des années platine, et s’offre une rythmique enfin pulsée, alors que le riff peine à cacher la nuance ambiante. Le piano, véritable maître d’œuvre d’une bonne partie du nouveau répertoire, se montre sous un jour minimaliste, simple accompagnement de mots qui portent, et qui pour une fois ne sont pas de simples prétextes. « Quiet Now » renvoie à Seattle, mais aussi à Athens, avant de déchirer le ciel encombré de son riff harmonique. La tristesse à beau noircir l’avenir, elle n’en sublime pas moins le présent…

Il y a un peu de la vague Néo Alternative sur « The One That Got Away ». Des percussions plus tribales et des motifs concentriques sur « Systems Fail ». Mais pas d’opportunisme, juste de la lassitude transformée en créativité. On sait que Ward s’est frotté à la frustration de la page blanche pendant quelques années, mais il a enfin trouvé moyen de la remplir avec des choses vraies, des sentiments purs, et pas de simples obligations contractuelles en rimes faussées. Ce qui donne lieu à des moments de grâce cristalline, sur « Beautiful Life » et « We All Love », qui laissent quand même un petit interstice à l’espoir. D’une beauté étrange, The Things We Can't Stop est peut-être, quelque part, le plus beau témoignage que COLD nous a offert sur les traumas de sa génération. Un cœur qui bat encore sous une épaisse couche de glace. Une musique de l’âme.

 

Titres de l’album :

                             01. Intro

                             02. Shine

                             03. Snowblind

                             04. The Devil We Know

                             05. Run (Snow Patrol cover)

                             06. Better Human

                             07. Without You

                             08. Quiet Now

                             09. The One That Got Away

                             10. Systems Fail

                             11. Beautiful Life

                             12. We All Love

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par mortne2001 le 15/12/2019 à 17:32
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Et va te faire foutre avec ton histoire de masque à la con, comme si je cachais quelque chose.

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DPD

J'en ai juste marre des nostalgiques à la con qui sont incapables de tourner la page. Tu aurait une reformation avec tout les membres de ton groupe que tu aimais ado en fauteuil roulant que tu aurais un public pour dépenser 500 balle le ticket. Oui c'est à charge..

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Tu as des mecs qui déboursent une fortune pour aller voir les vieillards de Black Sabbath jouer péniblement, à un moment il faut tourner la page désoler, pareil pour Maiden et compagnie.

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DPD

Oh mais si ça ne tenait qu'à moi tout ce qui est heavy ou thrash speed et compagnie c'est poubelle. On a poussé le metal plus en avant, ces reculs nostalgique d'adulescent c'est pas pour moi.

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