Le métissage, c’est bien, c’est une valeur d’ouverture. S’ouvrir aux autres cultures, aux autres courants, aux autres langages…L’avant-garde c’est bien aussi. Essayer des techniques et des approches différentes, distordre les sons et les idées, juxtaposer des styles contraires, les associer, les fondre, ou au contraire, jouer le minimalisme. J’adore ça et je ne m’en cacherai pas, mais il en va de l’art musical comme de l’art culinaire, quand n’importe qui mélange n’importe quoi, ça peut vite donner une vague idée de l’abomination concrète. A l’inverse, entre les mains de créateurs à l’imagination proportionnelle au talent, l’exercice produit un résultat si effrayant de pertinence et de culot qu’on en reste sans voix et sans mots. C’est plus ou moins l’état dans lequel je suis après avoir écouté le troisième album des américains d’AZURE EMOTE, The Third Perspective, qui plus qu’une simple troisième voie diplomatique ouvre nos sens et notre perception à des possibilités infinies…Si dans les sixties, Timothy Leary voulait qu’on se « branche », et si la décennie précédente, Aldous Huxley voulait ouvrir les portes de la perception que Jim allait finir par débloquer avec ses propres portes, AZURE EMOTE nous ouvre un univers entier de voies à emprunter, en jouant la musique la plus extrême possible. Il est clair depuis des années que le Metal le plus sombre et sournois s’accommode fort bien d’une instrumentation hors norme. On entend du piano dans le BM, du saxo dans le Death, un peu de tout dans l’Industriel, mais là n’est pas le plus important, tout ceci tenant plus du gimmick qu’autre chose. Ce qui est important, c’est d’apporter à un style les éléments nécessaires à son évolution, sans tenir compte d’une quelconque pertinence de surface ou d’une éthique fantoche. Et avec ce troisième LP, les originaires de Philadelphie en Pennsylvanie s’affranchissent de toutes les contraintes possibles pour proposer le Death Metal technique et progressif le plus fertile et créatif du marché.
Avec seulement trois LPs en presque vingt ans d’existence, le groupe n’est pas ce que l’on peut appeler un producteur acharné. Mais les connaisseurs ayant déjà expérimenté les labyrinthes qu’étaient Chronicles of an Aging Mammal en 2007 et The Gravity of Impermanence en 2013 savent très bien qu’on n’atteint pas un tel niveau en lâchant un album par an. C’est pour cette raison qu’il aura fallu attendre sept ans pour connaître enfin la suite des aventures artistiques d’AZURE EMOTE et autant jouer la franchise : l’attente était largement inférieure au résultat. Et si autant d’années séparent ces œuvres, c’est aussi parce que ses auteurs ne chôment pas entre-temps, et fricotent avec un nombre conséquent d’autres formations. C’est ainsi que Mike Hrubovcak (chant, flûte, maracas, harmonica, claviers, samples, programmation) se retrouve aussi dans les rangs d’HYPOXIA, J.J. HRUBOVCAK, MONSTROSITY, VILE, NADER SADEK (live), et DIVINE RAPTURE, que Ryan Moll (guitare, basse) complète le line-up d’IN THE FIRE, OLD HEAD, RUMPELSTILTSKIN GRINDER, TOTAL FUCKING DESTRUCTION, et DIVINE RAPTURE aussi, tandis que Mike Heller (batterie) s’amuse de concert dans CASTROFATE, CONTROL/RESIST, CRUELTY EXALTED, EXCOMMUNICATED, GOREPUNCH, MALIGNANCY, RAVEN, WRETCHEDPAIN ou FEAR FACTORY. Voilà donc de quoi occuper trois musiciens qui ne sont pas seuls sur le coup, puisque quelques autres sont aussi venus donner un coup de main ou apporter leur contribution à l’affaire. Ainsi, on retrouve des lignes de basse de Kelly Conlon (DEATH, PESSIMIST, MONSTROSITY) qui joue aussi de la trompette sur le morceau « Three Six Nine, », des parties vocales de Melissa Ferlaak (THERION, PLAGUE OF STARS, ECHOTERRA, AESMA DAEVA), du violon de Pete Johansen (SINS OF THY BELOVED, TRISTANIA, MORGUL, SIRENA), et des claviers joués par Jonah Weingarten (PYRAMAZE, WE ARE SENTINELS, TERAMAZE). Ajoutez quelques guitares sur « Loss » par Mark English (MONSTROSITY, DEICIDE), ainsi que sur « Dark Realms » et « Solitary Striving » par Bob Davodian (DIVINE RAPTURE, RANDALL FLAGG). Casting de luxe pour chef d’œuvre en devenir, rien d’étonnant à ce que l’ensemble sonne aussi gigantesque.
On peut légitimement se dire avant d’avoir écouté une seule note que l’accumulation de participants et leur pedigree ne garantit en rien une qualité sonore. C’est la vérité, mais après quelques secondes de « Loss », l’évidence saute aux tympans ; l’album est un monstre. Son concepteur principal, Mike Hrubovcak l’a voulu aussi extrême que possible, mais aussi le plus varié, pour que chaque chanson possède son identité propre, ce qui est immanquablement le cas. D’emblée, on remarque la durée de certains titres, qui dépassent allègrement les dix minutes, à l’instar de « Dark Realms ». Mais loin de jouer le roboratif ou le complaisant ces morceaux sont des monstres d’évolution, qui parviennent à synthétiser des décennies d’expérimentation, sans même aller parler de Metal uniquement. On retrouve des influences évidemment, celles de NOCTURNUS, de SHINING, THY CATAFALQUE, EDGE OF SANITY ou même ARCTURUS et STRAPPING YOUNG LAD, mais il y a dans cette musique une vraie profondeur derrière les ambitions artistiques, qui crève les yeux sur le monumental « Negative Polarity », que le Tom Warrior des années 2000 aurait pu composer pour Anneke. Si The Third Perspective est le plus sombre de la carrière erratique d’AZURE EMOTE, il est aussi le plus bouillonnant, le plus effrayant, le plus massif, et pourtant celui dont les détails se remarquent le plus. On note avec délice des soli mélodiques dans le plus pur esprit de Chuck Schuldiner ou James Murphy, des ambiances BM que le grand EMPEROR avait imposé en son temps, des superpositions de clavier et de violons avant une cavalcade impitoyable sur l’intro de « Three Six Nine », et surtout, une façon de piétiner les frontières entre les genres extrêmes, réconciliant l’Indus avec le Black, le Death avec l’opératique, sans tomber dans le piège du fourre-tout inextricable et incompréhensible.
Vu de loin, on pense à un lien ténu entre ATHEIST, PESTILENCE et ARCTURUS, et le parallèle est loin d’être incongru. Les américains ont pérennisé la complexité des premiers (certaines parties de batterie donnent mal au solfège), fait fructifier la crudité élitiste des seconds (les riffs laissent souvent la place à des lignes de basse dignes d’UZEB), et emballé le tout dans une humeur globale spatiale héritée des derniers. Aussi efficace qu’il n’est intelligent, aussi précis et pugnace qu’il n’est élaboré, The Third Perspective ridiculise la concurrence et la laisse à des kilomètres en arrière, hébétée d’avoir autant de retard. Inclinaisons médiévales, penchants orientaux, percussions, arrangements luxurieux, la beauté se met à la hauteur de la brutalité, et on termine le trip halluciné sur « Solitary Strivin », qui met quatre minutes d’intro avant de lâcher les watts. Sommet de contre-culture qui conchie la nostalgie et la substitue par l’envie des compositeurs à l’aise dans leur époque et leur vision, ce troisième LP d’AZURE EMOTE fera dans les années à venir figure de pierre de rosette du Death Metal progressif et expérimental, au même titre qu’Elements d’ATHEIST ou Oscura de GORGUTS. Et ces mots sont pesés, souvenez-vous en au moment de le réécouter.
Titres de l’album :
01. Loss
02. Curse Of Life
03. Dark Realms
04. Negative Polarity
05. Three Six Nine
06. Solitary Strivin
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