Premier album pour un groupe qui n’est pas un nouveau venu, et dont le premier vol n’a pas échappé au radar des sites spécialisés. Les canadiens de HEYOKA'S MIRROR étaient donc plus ou moins attendus au tournant, et livrent avec ce premier album toute la richesse qu’on était en droit d’attendre d’eux. Quatre ans après son premier EP, Loss of Contact with Reality, le duo de base Omar Sultan (guitare) et Andrew Balboa (claviers, chant et guitare) se dévoile intégralement via The Uninvited King, qui à n’en point douter confirmera toutes les bonnes impressions dégagées par son premier témoignage. Soutenus dans l’expérience par la section rythmique Brendan Rottweil (basse)/Johnny Kerr (batterie), les deux concepteurs du projet font donc montre d’un sens de l’à-propos en termes de compositions alambiquées et épiques, qui ne sont pas sans rappeler l’époque nineties de la référence DREAM THEATER, le tout teinté d’un lyrisme déviant à la FATES WARNING. C’est donc à l’élite que le duo de Calgary se réfère musicalement, en empruntant de longs chemins de traverse pour illustrer sa thématique.
Il y a aussi du QUEENSRYCHE dans ce son, du CRIMSON GLORY, du PERIPHERY dans la dextérité, mais l’avantage du duo est de ne jamais perdre de vue la puissance inhérente à tout bon concept Metal progressif qui se respecte. Produit par le duo lui-même, mixé et masterisé par Casey Lewis, affichant quelques featurings (Bayan Sharafi, Casey Lewis, Ethan "Shorty" Askey, Renan Weignater, Jim Martin et Tamara Eaker), The Uninvited King se montre solide, aventureux, parfois culotté, solaire mais aussi sombre quand il le faut, collant de près à l’optique nominative du duo. En effet, terme Amérindien, les Heyokas sont des miroirs émotionnels vivants pour ceux qui les entourent. Le terme signifie « clown sacré » ou « fou ». Ils révèlent nos lacunes et nos faiblesses. Ils nous montrent nos défauts et ajoutent un moyen de développer ces défauts. Un propos assez spirituel et mystique donc, qui se traduit en musique par des structures mouvantes, des évolutions riches, et une instrumentation ferme et prolixe. Les deux musiciens maîtrisent leur sujet individuellement, et font preuve d’une belle osmose une fois ensemble, et dès « Heavy Rain », le ton est donné, et le Heavy corsé.
Beaucoup plus proche du Metal que du Rock, HEYOKA'S MIRROR ne cache rien de son amour pour une musique puissante, parfois à la lisière d’un Néo-Thrash vraiment efficace. Les riffs se succèdent à un rythme soutenu, parfois renforcés par des blasts tout à fait opportuns (« The Darkness Within »), tandis que la voix emprunte les inflexions de certains groupes de Death progressifs, à l’instar de l’OPETH de début de carrière. Rien à craindre donc en termes d’intensité, puisque le groupe garde la pression tout du long, tout en aménageant des espaces plus aérés et mélodiques. Mais lorsque la température monte de quelques crans, les canadiens ne craignent personne en matière de violence, domaine qu’ils maîtrisent à la perfection. Inutile donc de craindre des atermoiements précieux ni des dérives synthétiques à la Steven Wilson, ici, le Metal est roi, et la violence sa reine.
En tant que frontman, Andrew Balboa fait preuve d’une assurance assez bluffante. Et même si le groupe nous avait dévoilé une partie de son répertoire sous forme de singles depuis 2019, on reste surpris de cette démonstration toute en emphase, mais qui ne tombe jamais dans le ridicule de claviers seventies ou d’inflexions champêtres. On ne peut s‘empêcher de penser parfois à une forme de Death progressif modulé pour ne pas s’empêtrer dans la bestialité clinique et démonstrative, et à ce titre, le long pamphlet « The Darkness Within » se pose en acmé de plus de dix minutes qui prouve tout le savoir-faire des deux créatifs. Les ambiances sont travaillées, le son exceptionnel de pureté, même dans les moments les plus intenses, et le travail vocal de Balboa est tout bonnement sidérant de versatilité. L’ajout de voix narrées, et d’interludes Ambient ne fait qu’ajouter à la mystique collective, et plus qu’à un voyage, c’est à une introspection que le groupe nous invite, à la recherche de notre moi profond, qu’il soit bon ou mauvais.
Malgré ses cinquante minutes de jeu bien tapées, The Uninvited King reste passionnant de bout en bout. Le duo a le don de trouver une approche différente pour chaque morceau, s’aventurant sur les terres de la polyrythmie à l’occasion du trépidant « Asylum », déjà lâché en single l’année dernière. On se rappelle alors à son écoute du DREAM THEATER le plus percutant et inspiré de la fin des années 90, lorsque John, Mike et les autres nous lâchaient leur pamphlet définitif, Metropolis 2000. Mais l’art des canadiens est justement de s’inspirer sans copier, et il est assez marquant de constater qu’ils sont capables de fondre la précision du Progressif du nouveau siècle et l’efficacité rythmique élastique de la Fusion du début de la même décennie. Le mélange est donc explosif, et les compositions jouissives, et Dieu sait pourtant si les instrumentaux peuvent rapidement être pénibles. En se ressourçant à la rivière RUSH tout en conservant sa philosophie brutale, HEYOKA'S MIRROR agit en point de convergence de toutes les écoles progressives depuis sa naissance, tout en laissant de côté les casse-tête dramatiques de Canterburry loin derrière lui.
Superbes parties de claviers qui sonnent comme un grand piano, soli inventifs et sensibles, enchaînements diaboliques, tout y passe, et avec un brio inouï. Grosse basse pour efficacité immédiate et groove poisseux (« Deal with the Devil », que MASTODON aurait pu embourber avec panache), subtilité des thèmes que TOOL affectionne pour les diluer sur de longues minutes, mais ici résumés à leur essentiel, rapport avec le passé et certaines images déjà développées par SAVATAGE (« King of Deception »), dualité à la KING DIAMOND pour ajouter une touche occulte à l’ensemble, ce premier album est un modèle du genre, et atteint déjà une perfection que l’on sent reclassable par le groupe lui-même. Impossible de rester de marbre face à cette démonstration, qui exacerbe les sentiments, et qui force le respect. Et tout en utilisant un vocable d’usage, HEYOKA'S MIRROR reflète une autre vérité, celle qui montre le visage d’un progressif moderne et totalement décomplexé de ses influences.
The Uninvited King est d’ores et déjà un chef d’œuvre, il ne tient qu’à vous qu’il parvienne à acquérir ce statut culte qu’il mérite amplement. Du sur mesure pour le prix du prêt-à-porter. Une occasion à ne pas manquer.
Titres de l’album:
01. The Light Within
02. Heavy Rain
03. Shadow Man
04. The Darkness Within
05. Asylum
06. Deal with the Devil
07. King of Deception
08. Celebration of Light
En même temps, pour Swansong, ils ont raison, ce disque est tout simplement excellent ! Il n'y a pas un morceau à jeter. "Keep On Rotting In A free World", "Reek The Vote", "Tomorrow Belongs To Nobody", "Polarized", "Go To Hell",(...)
29/01/2025, 16:45
Carrément des morceaux de Swansong ?!? Je suis étonné, pour Carcass. Ils assument bien tous leurs disques.
29/01/2025, 16:38
@ Arioch91 : ouais, on serait d'accord sur ce point, avec un bémol pour Kreator qui maintient pour moi le meilleur niveau possible. OK ils ne se réinventent pas mais la qualité reste quand même super élevée comparée à la concurrence. D&a(...)
29/01/2025, 16:37
Merci monsieur Gargan! Faut vraiment être fan pour ne pas se "contenter" du t shirt en plus du disque....
29/01/2025, 13:30
Pas présent pour cette date. Trop vu Carcass ces dernières années (l'excuse de bourgeois...). Mais j'avoue que Rotten Sound ça me tentais tout de même. Une autre fois...
28/01/2025, 23:44
+1J'en dirai autant de Testament, Kreator ou Exodus.Leur musique ne me fait plus autant vibrer qu'avant.
28/01/2025, 19:43
Pardon mais pour les "vétérans", les édentés qui ont connu la sortie de "Reign In Blood", c'est quoi " Quill" et "Coasters"?
28/01/2025, 13:48
Plus d'éditions que de tracks; s'il y a une chose que Dani n'a pas perdue au fil des ans, c'est bien le sens du business.
28/01/2025, 13:24
Le milieu de metal aura poncé le truc des années 80 jusqu'au bout - j'en peut plus de voir des néons rose partout.
28/01/2025, 13:15
Testé y'a quelque temps et en effet c'est pas mal. Cela démonte un peu les clichés sur la faible qualité de la scène Russe (contexte géopolitique mis à part).
27/01/2025, 11:35
Merci pour ces tops et les suggestions d'albums.6 albums qui m'ont beaucoup plus en 2024 :Black Curse – Burning in Celestial PoisonBlood Incantation – Absolute ElsewhereChat Pile – Cool WorldKanonenfieber – Die UrkatastropheSpectral Wou(...)
25/01/2025, 14:23
Le grand drame du metal est de mal se marier à l'audiovisuel généralement. C'est très vite too much. Hâte de découvrir la 3e partie de ce passionnant dossier néanmoins. Merci mortne2001.
25/01/2025, 14:18
Vu à Rennes à L'Étage mardi dernier, il y avait un concert de Clara Luciani au Liberté juste à côté. 2 salles 2 ambiances :)Le concert ayant pris un peu de retard, j'ai trouvé Carcass un peu expéditif mais l'ex&ea(...)
25/01/2025, 14:15
Même affiche à Audincourt samedi passé, même tarte dans la gueule, les 3 groupes ont vraiment assuré ! Love !
24/01/2025, 15:54