Il semblerait qu’une scission soit effective dans un créneau bien particulier, celui du Death Metal technique. Elle a sans doute toujours existé, mais avec les années, elle est devenue plus patente au regard des techniques d’enregistrement toujours plus pointues, et de fait, les groupes adhérant d’eux-mêmes au propos accentuent leur différence, et pas toujours pour le meilleur des fans. D’un côté, les groupes combinant ultraviolence et démonstration instrumentale, et qui la plupart du temps offrent le triste spectacle d’un brouet indigeste couché sur une partition inextricable, et de l’autre, des artistes plus inventifs qui prennent le temps de tisser des atmosphères et de mettre leur bagage au service d’un véritable travail de création. Inévitablement, les premiers s’attirent des hordes d’admirateurs, pantois devant un tel déferlement de brutalité affinée, alors que les seconds, moins clinquants mais terriblement plus féconds composent et produisent souvent dans l’indifférence générale, les fans ayant de temps à autres la dent plus dure envers les choses qu’ils ne peuvent pas assimiler au premier coup d’oreille. Dans cette catégorie, nous pouvons évidemment ranger quelques noms connus, que je ne prendrai pas la peine de reproduire ici, mais auxquels nous pouvons ajouter celui des COSMIC ATROPHY, qui après un long silence reviennent sur le devant de la scène avec une œuvre majeure. COSMIC ATROPHY, groupe partagé entre le Mississippi et le Quebec est né en 2008 sous l’impulsion de Cory Richards, qui ne tarda d’ailleurs pas à exprimer ses vues sur un Death évolutif via l’introductif Codex Incubo, album qui laissa une trace certaine dans les mémoires. Las, après une entrée en matière si prometteuse, nous étions en droit d’attendre une suite sinon immédiate, du moins éventuelle, mais le projet se mit en hiatus en 2010, sans laisser entendre quoi que ce soit de positif ou négatif quant à son futur. Et c’est donc avec surprise et délice que nous avons découvert récemment l’existence d’une suite, sous la forme d’un nouvel album qui ne se contente pas de tenir ses promesses, mais qui explose tous les espoirs placés en lui en atteignant un niveau de qualité incroyable.
Entendons-nous bien. Les qualités déjà remarquées sur l’excellent Codex Incubo sont toujours présentes. Cette façon de triturer les sons pour leur faire épouser des formes autres, cette pratique instrumentale pointue et mise au service de la créativité et non l’inverse, et cette tendance à mettre en place des textures étranges évoquant de près ou de loin un univers fantastique issu de la science-fiction et de l’occulte littéraire. Mais avec The Void Engineers, COSMIC ATROPHY a profité d’une très longue pause pour recentrer son propos, et accentuer ses singularités, se posant aujourd’hui en une sorte d’union surnaturelle entre NOCTURNUS, MORBID ANGEL, DEMILICH et PORTAL, sans perdre de son unicité, mais en assombrissant considérablement son panorama en mettant l’accent sur un chant terriblement grave et un enchevêtrement de riffs qui laissent beaucoup de place à des soli à la PESTILENCE de l’époque Patrick Mameli. Bien sûr, les impératifs du genre sont respectés à la lettre, mais le groupe américano-canadien tend aujourd’hui vers un Death Metal progressif réellement envoutant et très particulier, dopé par une production parvenant à établir une symbiose entre cohésion générale et souci du détail, ce qui permet à chaque instrument de disposer du souffle nécessaire pour respirer. Et les morceaux, quoique méticuleusement agencés, semblent se mouvoir et se métamorphoser au gré des points de vue exprimés, d’autant plus que le groupe a pris grand soin de ne pas répéter ad nauseam les mêmes plans, et à ne pas se contenter de digresser légèrement sur des thèmes établis. Et si toutes les entrées méritent votre attention, il est certain que le triptyque final représente en quelque sorte le point d’orgue d’un travail herculéen donnant au genre de nouvelles lettres de noblesse qu’il mérite amplement. Le tout est donc relativement opaque à la première écoute, d’autant plus que la somme d’idées porteuses est extrêmement conséquente, mais après avoir laissé le temps à l’album de se révéler sous son vrai jour, le tableau général prend des allures d’œuvre en constante mutation qui grandit en vous, et qui vous permet d’appréhender son concept générique tout en vous laissant le loisir de vous attarder sur des détails incroyables.
D’abord, la rythmique. Evidemment point de focalisation de tout groupe évoluant dans ce style, et qui se montre créative, évolutive, inventive, et qui évite le piège du pilonnage systématique à des fins démonstratives. L’un des meilleurs exemples reste « Extradimensional Entity » qui se cale sur un mid-tempo solide, et qui permet à une multitude de riffs de s’imposer. Mais en étant attentif, on remarque que les plans percussifs font preuve d’une finesse hors-norme dans la brutalité, entre un jeu de cymbale ludique et de soudaines descentes de toms hallucinantes de dextérité, le tout amplifié par des interventions de guitare qui repoussent les limites du brio pour proposer des envolées aux confins d’un cosmos de talent. Et si le schéma se répète parfois de structure en structure, il bénéficie toujours de trouvailles inédites, ce qui permet à ces harmonies omniprésentes de grandir en vous et de vous faire comprendre que le but du jeu n’est décidément pas de sonner consensuel, mais bien d’affirmer son particularisme sans sacrifier l’efficacité. Et cet équilibre entre aspirations créatives et désir de bousculer est patent dès l’introduction de « Stygian Whispers » qui après une courte entame sobre mais efficace nous plonge dans les affres d’un Death glauque et poisseux. Le chant, rauque et gravissime pourra éventuellement rebuter les plus exigeants, mais il s’accorde parfaitement de la thématique choisie, et semble s’envoler d’un vieux grimoire rédigé par Lovecraft un soir de pleine lune. DEMILICH semble être la comparaison la plus valable pour situer les COSMIC ATROPHY sur la carte artistique, mais ne peut être envisagée que comme un parallèle flou qui ne permet en aucun cas de situer les américano-canadiens avec précision, puisqu’on peut aussi déceler des traces du VOÏVOD le plus récent (« Submerged in Metamorphosis Pools », breaks précis mais imprévisibles, même volonté de progresser et de ne pas stagner sur des à-coups rythmiques trop téléphonés, stridences, dissonances…), ainsi que des traces d’ADN multiples.
Et en vingt-cinq minutes, The Void Engineers propose l’une des suites terminales les plus étranges et concentriques de l’histoire du Death Metal progressif, sans jamais s’éloigner du style, mais en l’expurgeant de ses facilités les plus évidentes. « Aphotic Abnegation » joue l’ambivalence entre la mélodie et la lourdeur, et semble prendre un malin plaisir à piocher les thèmes les plus emphatiques pour les déconstruire, tandis que l’épilogue « Shackled to the Zenith of Uncreation » ignore toute barrière pour synthétiser l’avant et le projeter dans l’après. Chœurs dramatiques, riffs qui se juxtaposent à des harmonies sidérantes de pertinence et de folie, et avancée en étapes parfaitement logique, mais aussi terriblement instinctive. Et c’est à ce moment précis, après avoir confirmation de la validité de l’album entier que l’on réalise toute la distance qui sépare les vrais créatifs de la caste de COSMIC ATROPHY des simples adeptes du bourrage de crâne, et qu’on accepte de célébrer The Void Engineers comme l’épiphanie qu’il incarne vraiment. Et d’accepter que souvent, les meilleurs albums de l’année en choisissent la fin pour émerger et bousculer les bilans déjà dressés.
Titres de l’album :
1.Stygian Whispers
2.Disgorged from Within the X-Zone
3.Umbral Altar
4.Lurking Beyond the Mirror
5.Extradimensional Entity
6.The Void Engineers
7.Submerged in Metamorphosis Pools
8.Aphotic Abnegation
9.Shackled to the Zenith of Uncreation
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