The Will of Hate

Teeth

30/08/2024

Translation Loss Records

Voilà un groupe que j’avais complètement oublié, alors même que sa musique laisse de sales traces dans la mémoire. Mais visiblement, cinq années suffisent à occulter les pires outrages sonores, qui reviennent très rapidement à la surface avec le bon coup de pouce. En l’occurrence, ce coup de pouce, c’est celui donné par ce troisième album, encore plus chaotique, encore plus dense et encore plus bordélique que les deux premiers, ce qui n’est pas peut dire. Ce qui n’est pas peu dire aussi, c’est que nous étions sur les dents…

…en sachant que TEETH opérait son comeback discographique.

The Curse of Entropy avait suffisamment impressionné les cadres de Translation Loss Records pour qu’ils conservent dans leur écurie ce bourrin mal dégrossi. De fait, Peter King (basse), Erol Ulug (guitare/chant), Justin Moore (guitare/chant) et Alejandro Aranda (batterie) ont pu se remettre au travail en toute concentration, livrant onze morceaux des plus crus et agressifs. L’humeur est toujours aussi sombre, les réflexes immédiats, et les effets terrifiants. TEETH s’est définitivement éloigné de ses racines pour se concentrer à fond sur ce Death technique et sourd que les esthètes apprécient tant. Et comme une formule n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle atteint un point d’équilibre, The Will of Hate s’avance déjà comme le dauphin le plus logique au trône.

Hâtivement et peut-être un peu facilement adressé aux fans de GORGUTS, ULCERATE, CRYPTOPSY, PORTAL, WORMED ou SUFFOCATION, The Will of Hate n’est ni plus ni moins qu’une moyenne de brutalité obtenue en ajoutant toutes ces références avant de les diviser. On retrouve bien sûr ces riffs prétextes qui permettent de caler une rythmique acrobatique et imprévisible, ce chant sournois et gravissime qui s’insinue dans tous les interstices, et cette puissance globale à décorner les victimes d’adultère.

Mais l’aspect compact de la chose est vraiment impressionnant. Car outre ces attaques incessantes des sens, le quatuor californien a ajouté une bonne dose de mélodies dans son infusion, imitant en cela les pionniers qui ne souhaitaient pas encore verser dans le noisy pur et dur. Ceci étant précisé, TEETH fait toujours énormément de boucan, et partage avec PORTAL cette inflexion sadique pour les discordances les plus dérangeantes. On en prend acte sur le gargantuesque « Shiver », qui comme son titre l’indique donne de bons gros frissons, et évidemment sur l’ouverture « Blight », qui se devait de replacer les choses dans le contexte.

Structuré comme une accumulation de plans logiques, ce troisième longue-durée est un effort de groupe. Chacun contribue à rendre l’édifice imposant, sans craquelure ni fêlure. Avec un background solide et des implications dans divers autres orchestres, le quatuor sait maintenant ce qu’il veut, et l’impose sans équivoque. Provoquer l’harmonie pour la souiller, amplifier son attaque avec quelques arrangements bien glauques, et surtout, placer la technique en avant sans qu’elle ne bouffe l’efficacité de sa morgue. Car techniquement parlant, TEETH reste largement au-dessus de la mêlée, et colle des bouffes aux mioches pensant encore que le Djent et le Deathcore sont les summums de créativité bestiale et clinique. Ici, tout est traditionnel, même si certaines idées paraissent surnaturelles. Comme celle qui introduit le mastard « Apparition », spectre féroce aux licks léchés et à l’attitude décomplexée.

Si le PESTILENCE des nineties avait trempé ses orteils bataves dans l’eau californienne de l’époque moderne, le résultat eu été le même. On sent ce respect des aînés, et cette volonté de leur rendre hommage en évitant de les copier à la noire près. Plus caverneux que SUFFOCATION, moins alambiqué que les canadiens de GORGUTS, TEETH conjugue la fougue underground à l’énergie plus populaire du Death floridien de la grand époque, et joue une partition certes complexe, mais décryptable par les initiés.

On soulignera si besoin que les musiciens n’ont pas oublié de partager équitablement vitesse et lourdeur, et qu’ils se montrent à l’aise dans les deux secteurs. Une petite préférence personnelle pour les segments les plus oppressants, nous rappelant que les américains ont un jour livré leurs propres théories Sludge dans un contexte plus large.

« Seethe » en donne une belle illustration, coupant le sifflet de blasts acharnés par une pause Heavy et insistante, amère et consistante.

S’il est difficile de tenir le choc sur quarante minutes, il est au contraire très facile de faire son marché dans le lot de titres proposés. « Churn », classique mais bien troussé, « Prison », traumatique et réfrigéré, ou « Devour », conclusion rêvée avec ses harmonies cauchemardesques et ses embardées spontanées, il y en a pour tous les (dé)goûts, et TEETH prouve qu’il louche sévère vers une perfection qu’il n’est pas très loin d’avoir atteinte.

Je pense que cette fois-ci, je ne commettrai pas le même impair deux fois. The Will of Hate est suffisamment vil et teigneux pour qu’on ne l’oublie pas en quelques années. J’en ai encore les oreilles qui saignent et le cœur qui baigne.           

          

Titres de l’album:

01. Blight

02. Loathe

03. Prison

04. Pray

05. Shiver

06. Apparition

07. Writhe

08. Seethe

09. Churn

10. Realm

11. Devour


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par mortne2001 le 15/11/2024 à 17:05
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