L’aventure commence avec une sorte de petite ballade psychotique aux relents gospel, qui rappelle la lancinante phase de séduction mortelle de Mallory dans le film d’Oliver Stone, Natural Born Killers. On sent la sensualité couler sous la lame d’une langue/couteau, prête à embrasser avant de déchirer les chairs…Une intro pareille plante le climat, mais exige aussi une suite à la hauteur des présentations. C’est ainsi que les anglais de BIRDEATSBABY prennent de gros risques en commençant leur cinquième album, laissant le fan se douter que tout ça cache quelque part un retour en fanfare. Mais avant d’aller plus loin et de vous dévoiler partiellement ce qui vous attend au détour de ce nouveau-né, plantons le décor. Le groupe, unique en son genre, et issu d’une scène bien particulière, celle du cabaret, agite l’underground depuis plus d’une décennie, et fête aujourd’hui son cinquième longue-durée, mais pas des moindres…Cet anniversaire permet d’oublier de nombreux problèmes de line-up qui ont émaillé le parcours des musiciens, mais aujourd’hui, la stabilité est de mise. Articulé autour des personnalités riches et complexes de Mishkin Fitzgerald (piano/chant), Hana Maria (violon/violoncelle/chant), Garry Mitchell (basse/guitare) et Anna Mylee (batterie/percussions), le quatuor de Brighton est presque un cas d’école à lui tout seul. Un cas à part, résolument unique, qui nous oppose la transgression et l’évolution comme méthodes de progression, et il est évident que BIRDEATSBABY a eu envie de frapper un grand coup et de prendre un nouveau départ avec ce The World Conspires. Bien loin de l’entame de carrière de Here she Comes a Tumblin, premier chapitre paru en 2009, à compte d’auteur, cette grosse heure de musique très peu conventionnelle, est une bouffée d’air frais dans le petit monde du Metal alternatif et baroque actuel. Loin du barnum trimballé par des formations plus établies, loin des gimmicks gratuits destinés à masquer la fatuité d’une musique toute en vacuité, le tour de piste du décorum anglais donne le vertige de sa créativité, et se propose de synthétiser en quinze morceaux d’anciennes tendances remises au goût du jour.
Toujours aussi ténébreux, le groupe n’en est pas moins conscient qu’une image se travaille, et qu’une musique aussi. Celle de ce nouvel album est aussi riche que variée, aussi belle qu’inquiétante, aussi abordable qu’élitiste dans un sens. Elle nous rappelle à son contact l’univers d’artistes passés à la postérité, ou toujours cachés dans l’ombre, et cite sans le vouloir Nick CAVE, DIABLO SWING ORCHESTRA, CHELSEA WOLFE, BAUHAUS, Devin TOWNSEND, PINK FLOYD et la scène de Canterburry, Kate BUSH, KING CRIMSON, STOLEN BABIES, Anna VON HAUSSWOLFF, le BOWIE de la période berlinoise, le Glam torturé par Brian ENO, soit un spectre de références qui donne des ouvertures incroyables à la créativité, possibilité que le groupe ne manque pas d’exploiter. Cette fois-ci semble-t-il, les anglais ont tout lâché. Ils résument leur histoire et s’ouvrent des perspectives étonnantes pour leur avenir, parvenant par je ne sais quel tour de magie à réconcilier la scène burlesque allemande et le Progressif anglais d’il y a quarante ans, sans passer pour de vilains freaks. Freaks musicaux, ils sont pourtant, et le resteront. Mais des freaks attachants, sociables, pas ceux qui vous regardent de haut lors de soirée londoniennes, non, ceux que vous croiserez dans un bar un soir de concert et avec qui vous aurez d’étonnantes conversations sur Bram Stoker, Ryan Murphy, Tori Amos…Et leur cabaret est à leur image, ambitieux, aux velours doux et brillants, mais aux couloirs propres et éclairés à la bougie. Pas le genre de bouge où l’on vient pour reluquer la faune interlope, ni écluser une fausse absinthe cheap importée de Bohn. Et la BO de cette nouvelle aventure mélange les humeurs justement, les montées d’adrénaline qui vous prennent lorsque la vedette du numéro monte sur scène, dans son costume de soie et latex, mais aussi de l’aftershow, lorsque les artistes regagnent leur loge, un peu tristes que la soirée soit terminée et que la solitude remplace les applaudissements. On aime cette alternance, lorsque le mélancolique « How do I » lâche ses notes de piano dans la fin d’une nuit brumeuse…Mais cette alternance s’articule aussi dans un contexte plus vaste, à l’occasion des titres les plus longs, comme ce « Box of Razorblades » qui réveille la silhouette floue des BIRTHDAY MASSACRE tout en caressant la peau d’Anni-Frid Lyngstad. On imagine très bien une vielle platine passant du RADIOHEAD, étonnamment trouvé en 78 tours aux puces de Brighton, mais on sait par expérience qu’avec les anglais, rien n’est toujours vraiment évident…
C’est d’ailleurs le bizarre et arabisant « Painkiller » qui introduit l’aventure, de ses cordes orientales et de sa basse serpentine. Le chant doublé adopte d’étranges arabesques, et on se plaît à rêver à un voyage dans le temps, lorsque le Progressif des années 70 n’avait pas peur de sonner étrange, ou trop décalé. « ZeroFortyThree », qui aurait très bien trouvé sa place sur la tétralogie de Devin Townsend, nous renvoie à un futur à la Dark City, avec ses façades changeantes, ses humeurs sombres, avant que les harmonies ne transpercent la morosité ambiante pour laisser passer un soleil de nuit. Admettons immédiatement un immense travail sur les arrangements, qu’ils soient de piano, de violon, mais surtout de chant, avec encore une fois, une prestation extraordinaire de Mishkin Fitzgerald, poupée de porcelaine vénéneuse aux cheveux de feu. La frontwoman a encore progressé sur le terrain de la narration chantée, et endosse tous les costumes, menant le ballet des numéros comme une madame loyale pas dupe, mais certaine de sa séduction. Le reste des musiciens n’est évidemment pas en reste, et entre les licks de guitare qui clignent de l’œil vers David Gilmour, cette basse qui ondule comme un oscilloscope, et ces percussions qui suivent le rythme au lieu de l’imposer, le bilan est assez époustouflant. Alors que la plupart de leurs collègues se contentent souvent de gimmicks horrifiques d’un côté ou de pesantes démonstrations techniques de l’autre, BIRDEATSBABY préfère travailler ses ambiances, et ose lâcher ses morceaux les plus conséquents sur le premier tiers de l’album. « Esmeralda », césure parfaite, joue le Jazz un peu Soul qui temporise, et laisse transpirer les sentiments les plus sincères, sous une épaisse couche de nuages en chœurs spatiaux et désincarnés. De là, la suite se veut plus brève, et les morceaux plus concentrés. Plus simples aussi la plupart du temps, car adeptes d’un thème unique, qu’il soit Dark Pop (« Whisper »), nostalgique des plus grands de Broadway et de Andrew Lloyd Weber (« Ropes »), d’un opéra de Berlin d’après-guerre (« Dido’s Lament »), ou d’une échappée trainspotting like dans les rues de Londres sur un rythme Punk (« Kill no One »).
Éclectisme, maniérisme, perfection dans la démesure, cohésion, pour un ultime mélange des genres. Un fourre-tout génial, un sac à main plein de malices et d’adresses utiles, mais plus prosaïquement, une façon d’envisager le Progressif de façon très personnelle, lui adjoignant les services d’un univers gothique charmant. BIRDEATSBABY avec The World Conspires offre un libretto à la hauteur de la beauté du graphisme de sa pochette (l’une des plus belles de cette année 2019) et se singularise encore plus. Une liberté artistique totale, et un exercice de style convaincant. Bienvenue au cabaret de l’amour et de la mort.
Titres de l'album :
1. Hold your Breath
2. Painkiller
3. ZeroFortyThree
4. The World Conspires
5. Lady Grey
6. How do I
7. Box of Razorblades
8. Esmerelda
9. Hurricane
10. Whisper
11. Ropes
12. Dido’s Lament
13. Kill no One
14. Bad Blood
15. Look Away
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