« Toc toc »
« C’est qui ? »
« Metal »
« Metal quoi ? »
« Metalcore dans ta face ».
Bruits de verrous à triple tour, de volets roulants blindés qui descendent, et d’aboiements de dogues aux dents acérées coincés derrière des barbelés.
Je crois que cette petite intro a mis les choses au point. Oui, le Metalcore est en quelque sorte ma Némésis comme le Metal Symphonique, et pour cause. Entre des riffs génériques au possible, des hurlements qui ne font même plus peur au petit Jéremy, huit ans et énurésique, et un beatdown par morceau aussi prévisible qu’un twist de Shyamalan, le style se mord la queue depuis sa naissance, et ne parvient pas à s’extirper de son carcan de cousin bâtard et autiste du Hardcore, genre Ô combien plus sincère et violent.
Alors, allons-y. Guitares accordées le plus grave possible, chanteur alternant le clair et l’obscur, section rythmique au biseau, et chansons passe-partout pour flatter la jeunesse américaine la plus complaisante. Heureusement, de temps à autres, comme dans tout créneau restrictif, des musiciens s’extirpent de leur condition de soldats de l’impossible pour livrer une guerre sans merci contre les convenances et la prévisibilité. Ne m’en voulez pas pour cet excès de chauvinisme, mais autant admettre qu’ils sont la plupart du temps européens, les seuls à être capables d’un métissage intéressant transcendant tous les codes du genre. Ainsi, depuis quelques années, le nom précieux d’ITHACA est sur toutes les lèvres et dans toutes les colonnes. La preuve, ce deuxième album a déjà été chroniqué par un paquet de webzines, qui sont tous arrivés à la même conclusion : ça tue.
ITHACA est un cas intéressant, presque autant que celui de ROLO TOMASSI, auquel il emprunte quelques astuces bien senties. Et trois ans après la sortie de The Language Of Injury, premier effort de cette bande de londoniens pur jus, They Fear Us remet le couvert dans des assiettes de porcelaine, et échange les serviettes en papier contre du coton. Alors, les craint-on ces cinq-là ? Non, du tout, on les adore, et leur musique intelligente aussi.
Sam Chetan-Walsh et Will Sweet (guitares), Dom Moss (basse), James Lewis (batterie) et Djamila Boden Azzouz (chant), sont tous des pointures dans leur domaine, et connaissent par coeur le bréviaire Metalcore, pour mieux le détourner à des fins créatives. Si évidemment, le chant de Djamila retient l’attention, il serait malvenu de négliger les petites trouvailles du duo Sam Chetan-Walsh et Will Sweet, qui de leur guitare sous-accordée balancent des riffs à ruiner une récré, alors que les arrangements distillent quelques trucs pas très nets, mais incroyablement ludiques. On trouve pêle-mêle des bruits de sirène, des touches de claviers fugaces, et plus intéressant, un sample capturé par Chetan-Walsh en Inde alors qu’il pleurait la mort de sa grand-mère. Sample qui nous présente la cérémonie de Ganga Aarti, près du Gange, et qui apporte une touche de vécu à cet album incroyable, qui se partage entre Metalcore pur, Post-Metal de droit, et plus généralement, de Hardcore moderne et décomplexé furieusement accrocheur.
Toutes les facilités sont mises de côté pour proposer les chansons les plus incroyables, à l’image de « In the Way », single dansant et teigneux comme un facteur accroché à la cuisse d’un pitbull. On prend immédiatement connaissance de la rancœur éprouvée et de cette colère qui exulte au travers de motifs saccadés et d’un chant incroyablement bien dosé, le tout enrobé dans une production à rendre fou les membres de SLIPKNOT, auxquels quelques tics sont empruntés d’ailleurs, tout comme aux DEFTONES et à ROLO TOMASSI, comme déjà précisé plus en amont. .
Il n’y a que du bon sur ce deuxième album, et il est important de le souligner. Les morceaux ont tous leur raison d’être et leur place sur ce disque détonnant, qui utilise la violence à bon escient sans jamais tomber dans les travers putassiers de la haine déversée gratuitement. « You Should Have Gone Back » joue sur tous les tableaux, et permet à Djamila Boden Azzouz d’aller chercher les cris les plus arrachés de sa gorge, alors même que l’entame du morceau est aussi apaisé qu’une prière tibétaine.
Et sans tergiverser parce que le temps, c’est de l’argent, nommons aussi le title-track incroyable « They Fear Us » qui peut ressembler de loin à du CONVERGE en pleine transition, et puis ce massacre calibré qu‘est « Cremation Party », qui brûle le cadavre et brûle les cendres, pour brûler ensuite ce qui a déjà été brûlé deux fois. Une attitude frondeuse, mais les arguments de ses moyens, pour un gigantesque pas en avant et la perfection en ligne de mire.
Alors, j’ai finalement laissé le Metalcore entrer par la fenêtre. Grand bien m’en a pris, puisque je me suis mangé une claque énorme en guise de rancune. ITHACA était en passe de devenir une référence, et voici le bon moment arrivé. De quoi vous réconcilier avec ce genre tête à claque pour un bon moment. Quelques mois voire une année pleine avant que les concerts ne vous achèvent dans le pit surchauffé.
Titres de l’album :
01. In the Way
02. The Future Says Thank You
03. They Fear Us
04. Camera Eats First
05. Cremation Party
06. Number Five
07. Fluorescent
08. You Should Have Gone Back
09. Hold, Be Held
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