Thorax Hallways

Gorlock

31/10/2019

Autoproduction

Quand on choisit ses albums de façon aléatoire, en fonction d’une inclinaison passagère ou de la séduction graphique d’une pochette plus aguicheuse que les autres, on prend le risque de se retrouver à écouter n’importe quoi. C’est une attitude qu’il faut assumer, mais qui entraîne parfois des découvertes sinon fondamentales, du moins intéressantes. Et c’est en regardant la cover du dernier LP des américains de GORLOCK que je me suis décidé à leur laisser une chance et leur offrir une tribune. Je l’avoue, je ne connaissais rien d’eux avant d’écouter leur musique sur ce troisième longue-durée, qui mérite parfaitement cette appellation. Constatant assez rapidement que le trio avait à ce point bourré les sillons numériques de son œuvre au point de lui faire atteindre la durée plus qu’excessive d’une heure et quarante minutes, je me posais alors cette question avant d’en avoir entendu la moindre note. Etait-ce bien utile de nous inonder de quatre-vingt-dix-neuf minutes de sons tournoyants pour faire passer leur message, déjà bien exposé sur les deux LP précédents ? Car l’approche de GORLOCK n’est pas des plus faciles d’accès, et leur style n’est pas des plus simples à définir. Si les auteurs se rangent dans la catégorie vaste et floue de l’Horror Metal, et si The Metal Archives se contente de les caser dans un créneau Black/Death, la réalité est plus complexe que les étiquettes. Tout au plus pouvons-nous affirmer que le trio US produit une musique étrange, parfois envoutante, souvent répétitive, presque en forme de mantra ou de Drone, une musique qui refuse toute contrainte ou contexte restrictif, et qui s’appréhende plus en forme de tout que de parties. Un rapide coup d’œil à la bio du groupe suffit à comprendre qu’ils ne sont pas adeptes de la concision et de la synthèse. Chacun de leur chapitre est long, très long, et Thorax Hallways se pose même en acmé de cette philosophie, avec ses treize titres dont deux dépassent les dix minutes, deux autres les neufs, le reste s’étalant entre cinq et huit, histoire de bien boucher les trous…Mais en définitive, tout ceci est-il utile ? Créatif ? Convaincant ? Pas totalement, même si l’ensemble à des airs de messe noire célébrée du plus profond des enfers.

Inutile de jouer les comparaisons, même si certains aspects de cette musique évoquent une sorte de Black atmosphérique, de Dark Ambient compressé, voire les deux à la fois lorsque les paramètres s’alignent parfaitement. Cette convergence ne se manifeste que par épisodes, notamment sur le pénétrant et mystique « Left in Years », qui se libère enfin du carcan bruitiste et grondant de quelques mélodies de chant bienvenues. Formé par les frères Adam et Eric Moore en 2006, GORLOCK est devenue une entité encore plus étrange dès l’adjonction de Buer aux textes et au chant. Depuis, le trio n’a eu de cesse de prôner un minimalisme créatif paradoxalement incarné par une densité temporelle, qui propose au public une idée fixe ou très peu modulable étirée à l’infinie. On pense à d’autres groupes du cru, qu’il est inutile de nommer, et qui eux aussi ont tenté de repousser les limites de l’abstraction, mais on se demande parfois si toute la problématique n’aurait pas pu être quelque peu résumée et ramenée à des proportions plus modestes. Car en effet, malgré les atmosphères travaillées, malgré l’envie d’utiliser le temps comme facteur de pression, la tactique ne marche que par intermittence, la plupart des morceaux étant beaucoup trop longs par eux-mêmes, et de facto, encore plus longs une fois assemblés et collés les uns aux autres. Individuellement, certains segments ne manquent pas de charme. La superposition de textures graves et ambiantes et d’un chant éthéré sortant de nulle part est plutôt une bonne idée, même si peu pérenne sur la distance. Thorax Hallways finalement, a de faux airs d’expérience ultime, de disque que l’on met en arrière-plan pour instaurer un climat de paranoïa et d’oppression, mais pas d’album stricto sensu dont chaque chanson peut s’apprécier individuellement. On songe parfois à un mélange d’ABRUPTUM et ENCOFFINATION, avec des strates d’arrangements atmosphériques à la ARCTURUS, mais on se demande sincèrement où veut en venir le groupe en étirant déraisonnablement ses titres au point de les rendre irritants et pénibles. Même les collaborations avec des participants extérieurs ne garantissent pas une ouverture de fond, sauf en termes d’exagération, ce que démontre le caverneux « The Roots of Woe », au-delà de la limite d’un Raw-Black extrême. Sauf que huit minutes pour laisser expirer le même riff dans un linceul de mélodies désincarnées d’arrière-plan n’est pas le meilleur moyen de convaincre les profanes du caractère artistique du concept. Mais cet aspect Black underground nuancé d’harmonies d’outre-tombe est certainement plus séduisant que les longues litanies inamovibles qui constellent ce troisième longue-durée, et qui sont beaucoup trop linéaires et interchangeables pour vraiment séduire…

On trouve sur Thorax Hallways des implications plus dodues, puisque le beau Phil Anselmo vient prêter main forte sur le titre « Lurking Birds Were Sparse, But Sored », l’un des plus intéressants du lot. Sortant un peu de leur zone d’inconfort, les trois musiciens osent enfin s’aventurer plus en avant sur les terres d’un BM âpre et méchamment bourrin, ce qui a le mérite de réveiller notre attention. Difficile alors de ne pas penser à une version encore plus alourdie d’un enfant illégitime entre INCANTATION et ENCOFFINATION, mais cette lourdeur oppressante est de loin le centre d’intérêt d’un album qui a la fâcheuse tendance à répéter les mêmes réflexes à outrance. Sauf qu’une fois passé ce morceau plus vif que les autres, il vous faudra encore encaisser une demi-heure de musique, demi-heure comblée par dix minutes d’Ambient vraiment glauque (« Beyond All Darkness », mais il y a de la beauté dans la laideur obscure), de lenteur processionnelle poussée à son paroxysme (« Ritual Ash », une redite sympathique au demeurant), et de treize minutes de conclusion cryptiques, multipliant les bourdonnements, les cassures atmosphériques, les chœurs sentencieux, pour un mantra infernal pas forcément susceptible de vous faire accéder à un stade de compréhension supérieur. Trop long, trop répétitif, ce troisième album des américains de GORLOCK est plus à prendre comme une curiosité pour amateurs d’extrême se voulant arty et glauque, ou comme une expérience qui aurait pu être fascinante en étant subtilement resserrée.                

                          

Titres de l’album :

                         01. Magister Dimensions

                         02. Withering Lines

                         03. Red August for Touch

                         04. Beyond the Hexagram Body

                         05. Nightmares a River of Cancer

                         06. Without Form in Color (Featuring Skidgore)

                         07. Left in Years

                         08. Funerals in Sound

                         09. The Roots of Woe (Featuring Zodiac)

                         10. Lurking Birds Were Sparse, But Sored (Featuring Philip Anselmo)

                         11. Beyond All Darkness

                         12. Ritual Ash

                         13. Throax Hallways

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 04/01/2022 à 15:20
50 %    597
Derniers articles

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report

Datcha Mandala

mortne2001 22/03/2025

Live Report

Wishbone Ash

mortne2001 18/03/2025

Live Report

Peter Hook and the Light

RBD 14/03/2025

Live Report

Fanzinat - Projection du Documentaire

mortne2001 23/02/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : HOLY RECORDS

Jus de cadavre 23/02/2025

Vidéos

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
NecroKosmos

Concert complet à Nantes. Pas pu y aller. Crotte...

30/03/2025, 07:45

Simony

        

29/03/2025, 07:56

Simony

Je n'avais pas été vraiment convaincu par l'album précédent, trop gonflé aux hormones inutilement, là ça respire, ça pue le old-school à plein nez, ça sent l'achat !

29/03/2025, 07:54

Simony

On va peut-être vous ouvrir un sujet "La Géopolitique vue de ma fenêtre" dans le forum, ça pourrait vous être utile parce que je ne suis pas certain que ça passionne tout le monde tout cela....En tout cas, étant donné qu'il y(...)

28/03/2025, 17:07

Zoubida

28/03/2025, 09:03

Humungus

Metalnews = RMC "Les grandes gueules"... ... ...

28/03/2025, 07:04

Zgueg

"Oui, comme nous en France en 1914 quand nous voulions récupérer l'Alsace et la Lorraine. Rien de choquant pour moi."Ouais, rien de choquant. Cet idiot utile de Zelensky avait juste faite sa campagne en faveur de la paix. 

27/03/2025, 20:46

Jus de cadavre

"Poutine ne s'est pas levé un matin en se demandant ce qu'il pouvait faire ce jour-là, puis a décidé que d'envahir l'Ukraine, ce serait marrant"Ça c'est une certitude, pour Poutine l'Ukraine c'est la Russie. Po(...)

27/03/2025, 20:18

MorbidPSG

Et l'Ukraine n'a pas respecté les accords de Minsk, Zelensky déclarant même vouloir récupérer le Dombass par n'importe quel moyen.C'est un peu plus compliqué que les Russes ont envahi l'Ukraine (Poutine ne s'est pas lev(...)

27/03/2025, 19:36

Jus de cadavre

Génocide ou pas, il y a un pays qui en a envahit un autre (du moins il essai hu hu). Point barre. C'est pas plus compliqué que ça. Si on cherche à justifier ou excuser ça, le monde va devenir un enfer total (plus qu'il ne l&apos(...)

27/03/2025, 16:49

CHUCK MAURICE

Je ne vois pas pourquoi les fans Russes du groupe devraient pâtir de la politique de POUTINE et être privés de les voir en live.  La prochaine étape c'est quoi ? obliger tous les groupes à arborer un drapeau ukrainien ?

27/03/2025, 15:53

DL100

Ce que tu fais MorbidOM, c'est une généralité pour tout un peuple. Marrant, quand on fait ça avec un pays d'Afrique ou du Moyen-Orient, on est aussitôt taxé de "fachos"...

27/03/2025, 10:22

MorbidPSG

27/03/2025, 06:02

MorbidOM

Il me semble que lorsqu'on parle de “désukrainiser” l'Ukraine on est pas loin d'une logique génocidaire.Après mon jugement est peut-être influencé par les massacres de Boutcha ou la déportation de dizaines de milliers d&ap(...)

26/03/2025, 20:47

Invité

La milf est de retour !

26/03/2025, 19:16

Satan

J'aime beaucoup Céleste mais il était en effet d'une bêtise incommensurable que de faire telle tournée. Après, il ne faut pas se plaindre des conséquences, assez cohérentes avec les vives tensions géopolitiques actuelles.Apr&egr(...)

26/03/2025, 16:53

DL100

MorbidOM qui critique ( à juste titre ) les donneurs de leçons... mais tout en endossant lui aussi le rôle de donneur de leçons !!

26/03/2025, 14:33

Ivan Grozny

La Russie organise un génocide ? Il faut faire attention aux mots qu'on écrit parfois.

26/03/2025, 13:42

Ivan Grozny

Merci oui c'était bien eux. J'avais beaucoup aimé leur prestation sans donner suite, c'est l'occasion de se rattraper.@Buck Dancer : sur Reign of infinite je trouve également.

26/03/2025, 13:37

MorbidOM

Pour une fois je soutiens complètement les festivals qui ont autre chose à faire que de se farcir ce genre de polémique. Ça n'a rien à voir avec exhumer des paroles volontairement provocantes écrites il y a 20 ans. Et puis on parle quand (...)

26/03/2025, 11:24