L’ambition. La recherche d’évolution, le refus du surplace, l’envie de densifier, de diversifier, sans perdre de sa substance initiale. Rappelez-vous, NAPALM DEATH a commencé sous un maquillage Anarcho-Core avant d’incarner le Grind avec un G majuscule, puis de traîner ses guêtres du coté de l’Indus, avant d’élire domicile près du squat Crust/D-beat. La progression. Voilà ce qui rend un artiste fascinant, lorsqu’il décide que son œuvre accomplie peut encore diverger, et emprunter des chemins moins évidents. En gros, s’améliorer sans cesse, changer d’univers, repeindre le décor, et enfiler un autre costume que celui porté, bien taillé près du corps mais usé aux coudes. Et même si le trois pièces/queue de pie de WAKE était encore tout à fait présentable, il a depuis quelques années laissé la place à un smoking impeccable.
WAKE, je connais bien, et vous aussi. Depuis plus de dix ans, le combo canadien nous a agressés à de nombreuses reprises, aidé en cela il y a deux ans par le confinement, l’obligeant à donner une suite à Devouring Ruin pour cause d’impossibilité de tourner. Alors, live, on pleurait un peu du manque, mais en studio, on se réjouissait de la brutalité à venir.
Cinq albums pour un groupe aussi extrême, voilà de quoi rassurer les plus sauvages. Cinq albums, un cheminement moins prévisible qu’il n’y semblait au départ, et en 2022, le quintet revient animé des plus mauvaises intentions pour nous faire sombrer dans sa dépression musicale de plus en plus ambitieuse. Et qui souhaiterait guérir d’un tel mal ? Certainement ni moi, ni les amateurs d’un Grind devenu autre chose, mais toujours aussi inventif et radical.
Radical, le terme est lâché, mais il revêt ici bien des nuances, car la violence ne se manifeste pas uniquement au travers de riffs tronçonnés façon bucheron épileptique et blasts ininterrompus. Si au début de sa carrière, WAKE n’était encore qu’un trublion Grind malpoli, si en traversant l’adolescence, il a injecté par mal de Death Metal dans ses veines, il est aujourd’hui adulte, la trentaine bien entamée, et ses plans sont subtilement plus amples qu’ils ne l’étaient lorsque nous l’avons connu. Certes, Devouring Ruin était déjà méchamment abouti, et certes encore, il trouve ici un écho certain, à peine amélioré de la sortie en EP de Confluence, il y a un peu moins de deux ans. Mais à l’image de PRIMITIVE MAN, NAILS et FULL OF HELL, WAKE a compris que l’ouverture, l’utilisation de mélodies, de ralentissements purement Post-Rock pouvaient rendre sa musique encore plus dangereuse, dont acte. Et dire que Thought Form Descent est dangereux et effrayant est d’une lénifiante évidence.
Metal Blade a donc fait une bonne opération, et le groupe aussi en laissant aux manettes le gourou Dave Otero (ARCHSPIRE, ALLEGAEON, CATTLE DECAPITATION, TETRARCH). Le son, épais mais sec, précis mais vague à la fois met admirablement bien en valeur ces nouvelles compositions, qui vont de la crise de colère au cauchemar le plus ignoble. Et en parlant de cauchemar atroce, « Venerate (The Undoing of All) » se pose là, avec ses créatures rampantes, ses monstres de l’ombre qui soudainement hâtent le pas pour mieux vous croquer, et cette couleur apocalyptique de fin du monde programmée.
Un groupe de Death/Grind, quel qu’il soit, aussi carriériste soit-il ne se lance pas dans une entreprise comme Thought Form Descent. Il ne compose surement pas des morceaux de six à huit minutes, agencés comme des progressions vers un enfer inévitable. Non, il reste humble, sous la barre raisonnable des quatre minutes, voire beaucoup moins, et agresse avant de repartir, soulagé d’un travail bien fait. WAKE au contraire, se vautre dans la luxure évolutive comme un nabab dans son bain de feuilles d’or. Mais un nabab déviant, aux mœurs contestables, qui reluque ce qu’il ne devrait même pas apercevoir, et qui se satisfait très bien de sa richesse mal acquise. Sauf que la nouvelle richesse des canadiens a été acquise à la force du poignet, et la réussite méritée amplement.
Je parlais plus en amont des trois références absolues du génie bruitiste, PRIMITIVE MAN, NAILS et FULL OF HELL. WAKE sur ce cinquième album ressemble justement à une hybridation de ces trois concepts inimitables, et pourtant surpassés en cette occasion. Le constat semble surement subjectif, mais après écoutes répétées de cet album sans aucune limite, je pense que vous vous rangerez à mon opinion.
Car nous atteignons ici les sommets de l’intelligence brutale. « Observer to Master » par exemple, aménage en son centre un espace négatif de partitions et de guitares en son clair avant de reprendre sa marche en avant en mode Panzer. Loin de se contenter d’empiler les plans pour paraître occupé, WAKE opte parfois pour l’économie d’idées, et le silence, bien dosé, anticipant presque à chaque fois une embardée à donner la nausée aux pilotes d’essai les plus aguerris. De là, comment vous aiguiller dans le dédale de styles qu’aborde le géant australien ?
Simplement en précisant qu’il joue la forme de Metal la plus extrême d’un marché déjà saturé par les bêtes sauvages.
Du Death, du Sludge, du Black, du Grind, du Hardcore, du Post-Hardcore, tout y est mélangé, et parfaitement amalgamé. Le goût est très relevé, parfois salement corsé, et lorsque le phénoménal « Bleeding Eyes of the Watcher » heurte votre palais, puis votre gorge, puis glisse dans votre estomac, les flammes amères vous donnent un méchant ulcère dont vous n’êtes pas certain de pouvoir vous remettre.
Je pense, sincèrement, que ce Thought Form Descent est l’un des albums les plus agressifs et malsains de cette année 2022, pourtant déjà bien chargée en exactions néfastes. Mais il est aussi la preuve que WAKE continue sa mutation, et qu’il dispose encore d’une marge de manœuvre conséquente. Je me prends donc à rêver d’un sixième album encore plus laid.
Et je ne suis pas sûr de pouvoir affronter ça.
Titres de l’album :
01. Infinite Inward
02. Swallow the Light
03. Mourning Dirge (Repose of the Dead)
04. Pareidolia
05. Venerate (The Undoing of All)
06. Observer to Master
07. Bleeding Eyes of the Watcher
08. The Translation of Deaths
L'évolution de Wake (de la province d'Alberta et non de quelque part en Australie) est l'une des plus passionnantes des dernières années. Dire qu'on les aperçoit même, jeunes, dans le documentaire "Slave to the Grind" !
Ce nouvel album amène vers un territoire plus policé, plus Black propre que le marquant "Devouring Ruin". Ce n'est pas aussi lisse qu'une boule de billard ou qu'un disque de Deafheaven quand même, on s'approche du Blackgaze sans tout à fait y tomber. Comme le précédent, c'est assez facile d'accès derrière cette jaquette de film d'épouvante série Z des années 70. Il faut pourtant que j'insiste pour voir à quel point il est solide, s'il peut durer.
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21/11/2024, 08:46
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11/11/2024, 10:09