L’Indonésie, nouvel Eldorado de l’extrême ? A en croire la production locale, le postulat n’a rien d’improbable…Le Black, le Death, le Grind et le Thrash se taillent la part du lion et les combos agités multiplient les interventions, au point de faire parfois jeu égal avec l’Amérique du Sud.
Mais autant séparer le grain de l’ivraie et ne pas se laisser aveugler par la quantité, en gardant pour objectif une certaine qualité d’agression que les représentants locaux ne pratiquent pas forcément à armes égales.
Mais en tout cas, il eut été difficile dans les années 80 de prédire l’explosion de cette scène, à la pertinence pourtant incontestable au vingt-et-unième siècle…
Alors, aujourd’hui, prenons les devants et laissons-nous introduire à la nouvelle sensation asiatique, qui nous présente son premier LP, enrobé une fois de plus dans une pochette au vert fluo prédominant, ce qui devient une constante chez les groupes de Thrash contemporains…
Car oui, en effet, les TRITURANS jouent du Thrash, mais un Thrash un peu bizarre et légèrement passéiste, et tout autant influencé par les légendes du genre que par les grandes figures du Heavy des 80’s.
Ne comprenant pas l’idiome local, je serais bien à mal de vous offrir une bio complète de ce quintette. Tout au plus puis-je vous dire que les TRITURANS ont vu le jour sous leur forme actuelle en 2014, après deux années passées à évoluer sous la bannière TRAITOR.
Ils nous en viennent d’Indramayu, sont en axe quintette (Challus Riyadi – chant, Engkong Furqon & Anyoenk Ajat – guitares, Torry Ayex – batterie et Ade Guru – basse), et semblent avoir connu quelques problèmes de stabilité si j’en juge par les formations mentionnées sur leur page Facebook.
Mis à part ces quelques renseignements épars, pas grand-chose à dire, si ce ne sont quelques influences lâchées au hasard ou presque, où les noms de SEPULTURA, KREATOR, SLAYER, PANTERA, METALLICA, TESTAMENT, MEGADETH, Max Cavalera et Yngwie Malmsteen s’entremêlent avec plus ou moins de bonheur et de justification.
Mais pour être franc, le Thrash des Indonésiens, vraiment étrange dans le fond et la forme, ressemblerait plus à un mélange entre les débuts de la scène extrême Sud-Américaine et le Heavy en vogue en Europe au début des années 80, aboutissant à une osmose étrange entre la violence radicale du premier style, et des velléités mélodiques mordantes du second. Un peu comme un album enregistré en Angleterre en 84/85 et tenant autant de la brutalité des SODOM que de l’harmonie Heavy des TRESPASS et MAIDEN.
Pas foncièrement désagréable, Threat of Life sonne pour le moins étrange et amateur dans un certain sens, même si le niveau technique des musiciens n’est pas à remettre en cause. Mais si la production nous ramène vraiment trente ans en arrière, le style ne nous garde pas plus en prise avec la réalité extrême actuelle, et ose parfois des associations assez peu heureuses, sans non plus tomber dans le grotesque ou le pathétique. L’agencement de l’album, offrant une variété de ton indéniable est assez biscornu, avec sa succession de franches attaques Thrash sans complaisance et de digressions harmoniques un peu bancales qui confère à l’ensemble un parfum assez déviant, qui souvent à tendance à sombrer dans l’enivrement mièvre un peu excessif.
Ainsi, si des pistes comme « Tumpur Ajur » ou « Fuck The System » se focalisent sur un Thrash à connotation Death furieux et subtilement hystérique, d’autres au contraire comme «Salam Metal Head Nusantara » privilégient un Heavy Metal tiède, comme MAIDEN ou MANOWAR pouvaient le servir au milieu des années 80, avec ses harmonies un peu puériles et ses lignes de basse serpentine aux mélodies faciles.
Equilibre instable donc, handicapé de plus par un son pas franchement propre, qui se place dans une moyenne hésitante entre la démo élaborée et le premier album enregistré à compte d’auteur. Guitare hargneuses mais finalement assez dociles, chant sourd qui grogne un peu face au portail qui grince, souvent à la limite de la fausseté totale, mais section rythmique impeccable, aux plans simples mais parfaitement exécutés.
L’apothéose de l’approximation est atteinte lors des interventions en solo des guitaristes, qui pâtissent d’une production franchement faiblarde….Mais c’est aussi ce qui séduit sur ce premier LP, qui finalement propose plusieurs pistes se regroupant dans un même élan d’ambivalence agression/mélodie.
Mais tout ça est encore un peu tendre, comme un Heavy Thrash joué par des Punks pas encore trop sûrs d’eux. On pense même parfois à une jonction entre un ANNIHILATOR local et un MOTORHEAD pas vraiment fixé sur son sort (« Patriot Peluit », ni Thrash, ni NWOBHM, ni Hardcore, mais un peu des trois quand même), à une confrontation TANK/AT WAR/BLIND GUARDIAN pas vraiment maîtrisée et encore balbutiante (« Plagiat Busuk », avec toujours ces lignes de chant un peu BM sur les bords), mais c’est finalement dans leurs moments les plus francs que les Indonésiens se montrent les plus convaincants.
Ainsi, l’orgie sonore finale « Fasik », qui se focalise sur un Heavy Thrash grossièrement Hardcore est un des morceaux les plus appréciables du lot, tout comme le « Tumpur Ajur » déjà cité en amont.
En lisant cette chronique, je crois que vous aurez facilement compris que ce premier album des TRITURANS reste une affaire assez étrange. En hésitant constamment – consciemment ou pas d’ailleurs – entre un Thrash plutôt brutal, et un Heavy assez familial, en interprétant le tout avec hésitation et tergiversation, le quintette Indonésien donne le sentiment d’avoir le cul entre deux chaises, position toujours délicate pour asseoir sa stabilité. Mais ça n’est pas pour autant qu’il faut les mettre au ban de la scène extrême locale, et certains morceaux fonctionnent parfaitement bien, même s’ils sont bridés par une production encore un peu trop bon marché. Attendons un peu avant un jugement définitif, et laissons-les choisir leur optique future avant de trancher.
A vous de voir s’ils ont une chance de se placer dans le peloton de tête des combos d’Indonésie ou pas. Pour le moment, la seconde division leur convient très bien, et il n’y a rien de déshonorant à cela.
Titres de l'album:
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