Through The Mirror

Endon

08/03/2017

Daymare Recordings

Je crois (sans pouvoir l’affirmer), que les Japonais fans d’extrême se sont trouvé un groupe à la hauteur de leur excentricité notable. Un groupe capable de transcender les influences et de faire chuter les cloisons de style, mais en gardant cette cohérence bruitiste typique des courants du soleil levant.

Certes, l’exercice dans la douleur n’atteint pas encore les sommets traumatiques d’un MERZBOW, la gloire locale depuis des décennies, mais dans un créneau de crossover sans pitié et bruitiste assumé, les ENDON n’ont pas grands rivaux dans leur contrée, et très peu à une échelle plus agrandie.

Depuis ses débuts, le quintette n’a eu de cesse de brouiller les frontières entre Black, Indus, Ambient, Drone, Noise, Post Grind et tout autre balise de bruit, et il atteint aujourd’hui une sorte d’apogée dans l’horreur de déconstruction d’un Metal qui n’en est pas vraiment, pour flirter avec les limites de la perception et de la tolérance.

Pour autant, leur dernière œuvre est tout sauf du grand n’importe quoi. Through The Mirror est en effet un sacré trip de l’autre côté du miroir, avec une Alice en train de se taillader les veines à côté du Chapelier hilare. Une version traumatique et Manga de Lewis Carroll, version nipponne mais pas vraiment friponne, qui serpente, adopte une posture de biais, et regarde le monde à l’envers voir si les choses ne sont pas encore plus absurdes en refusant le stoïcisme et la logique.

Mais le pire, c’est que ça marche.

Alors, si Acme Apathy Amok en 2011 avait mis le feu aux barils de poudre, si ces derniers avaient explosé à l’occasion de la détonation Mama en 2014, gageons que la terre désolée ayant survécu aux séances de désherbage façon agent orange ne sera plus qu’un amas de décombres fumants lorsque la méthode radicale et définitive de ce second effort sera appliquée.

Les ENDON ne sont pas seuls sur ce coup-là, et se sont vus épaulés par l’incontournable et sadique Kurt Ballou dans leur entreprise de démolition générale.

Flairant toujours le bon coup avant qu’il ne s’ébruite, monsieur CONVERGE a offert aux Japonais traumatisés et traumatisants une production à la hauteur de leur déflagration, les rapprochant d’ailleurs parfois de ses œuvres personnelles, lorsque les délires se recentrent et que le Hardcore chaotique se fraie un chemin entre les rangs serrés du Post Black infesté.

Mais est-il pour autant possible de situer avec plus de facilité les méthodes désorganisées étalées sans complexe sur ce second effort, encore plus disparate et décontenançant que le premier ? La réponse est clairement non, et les ENDON viennent avec Through The Mirror de donner un nouveau sens au terme « Crossover », en l’élargissant, et en refusant d’occulter des influences a priori contraires, mais finalement assez cohérentes dans leur désir de repousser les limites du chaos une fois associées.

En gros, une assemblée de bourrins aussi accros à la fureur des FULL OF HELL qu’à celle de CONVERGE, tout en gardant l’indépendance de pensée des expérimentateurs de l’extrême qui ouvrent des portes qu’on aurait préféré garder fermées.

Entre des traces de Jazzcore palpables, une désorganisation du Hardcore pour le radicaliser d’un Ambient avant-gardiste sublime de ridicule (dans le bon sens du terme), quelques pas sur les plates-bandes de Post Rock affranchi de toute obligation musicale, et des accès de rage Grind absolument terrifiante, ce second album des Japonais risque fort de se retrouver coincé sur les étagères de l’inclassable, entre une version atroce et gore de l’enfer de Dante vu par les RESIDENTS, et les exactions littéraires et musicales abominables de BORIS.

Si vous avez de vous-même saisi la terreur qui vous tétanisera à l’écoute de ces huit nouvelles pistes qui n’en sont pas vraiment, attendez-vous à leur écoute à vous perdre l’esprit dans la forêt des suicides d’Aokigahara, encerclé par des esprits malins ancestraux, vous poussant à nouer un peu plus fort la corde qui vous reliera à jamais à un arbre de tristesse…

Pour beaucoup, voire la plupart d’entre vous, tout ceci tiendra du bruit exagéré et à peine organisé, et le débat sera clos avant les premiers arguments avancés.

Pour les autres, rompus et repus de figures de styles extrêmes, ce second album tiendra d’une épiphanie de violence sourde et sans compromis, et deviendra de fait leur nouvel album de chevet, reléguant presque les postulats Suicide et The Downward Spiral au rang de comptines pour endormir les bambins revenus de la cantine de la joie.

En route pour la joie, justement ?

Pas vraiment, mais pour faire court, tâtez du cauchemar « Perversion ‘Till Death », qui relègue toutes les images les plus barbares du Post Sludge à tendance Black au rang de simples vignettes de bonne conduite à l’usage des gens polis et éduqués.

Artistiquement, le pari relevé par Through The Mirror est gagné haut le moignon. Sonder les abysses de l’horreur musicale tout en restant un tantinet musical. D’ailleurs, tout commence par un plongeon au purgatoire des illusions avec un terrifiant « Nerve Rain », sorte de mantra diabolique pour atteindre un niveau de conscience inférieur, via une itération rythmique dronique assourdissante d’Industriel.

Et si « Your Ghost Is Dead » joue la carte du Post BM tendance Core, c’est pour mieux adapter les règles du Mathcore à celles de l’expérimental bruitiste qui vous trompe de quelques mélodies fourbes.

D’ailleurs, « Born In Limbo » ne fait même plus semblant de se raccrocher à la corde de la musicalité, et mélange des plans Post Rock, des inflexions Indus, des sudations Ambient, pour une sorte de Rock Japonais traumatique et légèrement Psycho Surf.

« Postsex », c’est la cigarette écrasée sur la peau après l’amour, celle qui vous fait hurler du FULL OF HELL dans les oreilles de votre dulcinée calcinée.

Quant à « Torch Your House », c’est un peu le trou noir après une nuit de déviance totale. On ne sait plus où on en est, et finalement, on pourrait bien être en enfer pour le peu que ça nous concerne.

Quand les cerisiers sont en fleur du côté d’Osaka, le spectacle est magnifique. Mais ici, on n’est pas à Osaka, et rien n’est beau. Et rien ne sent bon.

Tout sent la mort en fait. Mais une mort sale, douloureuse. Pas vraiment en musique d’ailleurs. ENDON, ou la mise en terre de la logique agressive dans une optique de sadisme radical.

Ou l’ultime chute dans les entrailles de la terre, le petit doigt coupé pour avoir voulu révéler au monde qu’il existait un monstre encore plus terrifiant que la mort elle-même.


Titres de l'album:

  1. Nerve Rain
  2. Your Ghost Is Dead
  3. Born In Limbo
  4. Penseum
  5. Postsex
  6. Perversion ‘Till Death
  7. Through The Mirror
  8. Torch Your House

Site officiel



par mortne2001 le 02/04/2017 à 16:31
85 %    1098

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chazz

Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)

17/01/2025, 22:44

Bill BAroud

Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !

17/01/2025, 17:03

Humungus

Le coup de la goutte de résine, ça va me faire la soirée...

17/01/2025, 16:52

senior canardo

2 sisters 1 cup ! haha joli pochette

17/01/2025, 10:02

Seb

J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.

16/01/2025, 18:21

MorbidOM

Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

16/01/2025, 12:15

Jus de cadavre

Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.

16/01/2025, 10:22

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Styx

Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)

15/01/2025, 12:58

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49