Pour me faire fuir et refuser tout de go une chronique, il suffit d’accoler à un groupe l’étiquette « symphonique ». Ça fonctionne à peu près aussi bien que de me demander de traverser un champ d’orties en short, ou d’assister à un mariage avec le sourire. D’abord, parce que ça ne veut rien dire, et que les combos du cru confondent joyeusement arrangements cheap aux synthés sur voix de Castafiore et réel travail de fond emphatique et dramatique. Ensuite, parce que le Metal dit « symphonique » est probablement l’un des plus faux qui puisse exister sur le marché, même si je ne suis pas contre une supercherie rondement menée. Alors en tombant sur les ibères de XERIA, je me suis immédiatement dit que j’avais affaire à une cible parfaite à ma mauvaise humeur ambiante, mais que dans un désir de ne pas parler pour ne rien dire, j’allais laisser les fichiers dans un coin pour ne pas m’y attarder plus tard. Pensez-donc, entre des laïus promotionnels alléchants de niaiserie grandiloquente, des photos promo avec diva en corset et quintet posant dans un décor d’opéra retouché numériquement, inutile d’espérer une épiphanie de violence ou un acmé de créativité, sauf qu’une fois encore, ma conscience professionnelle me poussa à tendre une oreille distante, ne serait-ce que pour valider mes craintes. Et justement, ces mêmes oreilles ont bien fait de se montrer perméables aux volutes proposées par les espagnols, qui sont finalement tout sauf un groupe Sympho de Prisunic, mais bien un réel combo de Hard Rock à tendance Heavy méchamment mélodique, et étrangement addictif.
Formé il y a peu, ce quintet composé de Marina Sweet (chant), Víctor Herrera (claviers), Félix Gacho (basse), César Manjarrés (batterie) et Carlos Zeta (guitare) nous en vient de Valladolid, et propose donc son premier LP sobrement intitulé Tierra, et symptomatique d’une démarche de classicisme moderne teinté d’ambitions personnelles. Produit par Dani G. (LAST DAYS OF EDEN) aux Estudios Dynamita, ce premier jet fait montre d’une maîtrise assez bluffante des codes du Heavy mélodique moderne, ce qui finalement n’est pas si surprenant que ça au vu du parcours des musiciens. Avec quelques featurings fameux dont ceux de Lady Ani (LAST DAYS OF EDEN) et Isra Ramos (AVALANCH, AMADEÜS) au chant et d’Alberto Rionda (AVALANCH) à la guitare, Tierra, sans provoquer l’admiration ou décontenancer de son originalité, fédère de ses mélodies, et de ses structures évolutives, mais assez simples pour être assimilées. Porté par un son énorme mais qui refuse les travers synthétiques des productions du genre, il offre des compositions variées, allant d’un Heavy mené tambour battant à un Hard Rock punchy et rockant, sans refuser les nuances de la mélancolie et de la tendresse à intervalles plus ou moins réguliers. S’appuyant sur une osmose patente entre les musiciens, ce longue-durée est de ceux qui sont plaisants à écouter de bout en bout, qui ne révolutionneront pas la musique, mais qui laisseront les fans passer un bon moment sans qu’ils aient l’impression qu’on les prend pour des prunes.
Car il est truffé de riffs plutôt efficaces, et surtout, porté par la voix caressante de Marina Sweet, qui a en outre l’intelligence de s’exprimer dans sa langue natale, l’une des plus sexy au monde. Loin de s’envoler vers les cimes de l’insupportable en confondant puissance et démonstration de force, la vocaliste module, varie, reste souvent dans des médiums efficaces hérités de la scène alternative contemporaine, et survole les débats, rendant les up-tempi encore plus efficaces (« Mil Flores »), et les morceaux les plus pesants et lourds plus digestes (« Morir en tu Boca »). Dans un registre plus intimiste et dominé par les claviers, la chanteuse se fait plus fragile, mais ne se laisse jamais aller à l’émotion facile (« Terciopelo »), utilisant plus volontiers les astuces caressantes de la Pop que les figures de style irritantes de l’Opéra-Metal. Ses collègues en arrière-plan abattent un boulot conséquent, proposant des instrumentaux durs et sombres de temps à autres, ce qui permet à l’album de débuter sous des auspices agressifs très accrocheurs (« Mi Reina »). Sans se cantonner à répéter la même formule jusqu’à la nausée, Tierra cherche au contraire la diversité, et accumule les pistes, les possibilités, se frottant parfois à l’ouverture vers des poses moins figées, tout en gardant sa prestance virile (« Dosis », hymne en puissance). Et alors que les chansons filent comme les nuages et que la bonne impression de départ se confirme, on finit par réaliser que les XERIA sont plus qu’une nouveauté exotique et charmante, et peut-être un groupe sur lequel il faudra compter à l’avenir. L’aisance dont fait preuve ce quintet pour échapper à tout label trop restrictif est admirable, et la plupart de leurs morceaux contiennent au moins une idée accrocheuse, qu’elle se cache dans les arrangements vocaux (« En ti »), ou dans une énergie collégiale contagieuse qui permet à Tierra de s’achever dans un bain de jouvence bouillonnant et euphorisant (« Red de Perdición »).
Et on a beau chercher le petit point faible qui fera vaciller l’entreprise, on a beau faire preuve de mauvaise foi, nul détail ne vient gâcher la fête, et les cinquante minutes passent très vite, que le ton soit formel et de circonstance (« Tienes Miedo », archétype de Metal des nineties remis au goût du jour), ou plus agressif et plus fondamentalement Hard Rock (« Resurgir »). Encore une fois, point de louange à adresser à un groupe qui ne chamboule absolument rien, mais qui a le mérite de jouer les cartes de l’honnêteté et du talent sans forcer. Un nom à retenir, et surtout, à remarquer sur des affiches pour peu qu’ils passent près de chez vous. Et si c’est le cas, oubliez ce corset ridicule et ces photos publicitaires un peu trop connotées. Les XERIA valent bien plus que ça.
Titres de l’album :
1- Mi Reina
2-Tienes Miedo
3-Tierra
4-Morir en tu Boca
5-Terciopelo
6-Prohibido Renunciar
7-Mil Flores
8-Resurgir
9-Dosis
10-En ti
11-Red de Perdición
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