On a toujours tendance à se méfier des groupes gravitant dans la sphère du BM atmosphérique (ou plutôt, « j’ai tendance »), spécialement lorsqu’on n’est pas fan hardcore du genre. Le terme, tout comme celui de « Post », peut évoquer des facilités, des excuses, des poncifs, et il convient de prendre des gants avant de traiter du cas d’un premier LP se revendiquant du mouvement. Déjà abondamment déçu par des formations et albums nous ayant promis monts et merveilles, je suis circonspect lorsqu’un groupe accepte l’étiquette et le lot d’idées préconçues qu’elle colle avec elle. Pourtant, ce matin, je n’ai pas hésité au moment de glisser le premier LP de KHÔRA dans mes oreilles. Est-ce à cause du magnifique artwork de Sergey Shenderovsky ? De l’implication d’intervenants extérieures de la trempe de Vicotnik (DØDHEIMSGARD), Henri Sorvali (FINNTROLL), ou A. Simonen (AND OCEANS) ? Est-ce à cause du format de l’album en question, concis et à des lieux des interminables bavardages des combos du cru ? Peut-être un peu tout ça, mais en se plongeant dans la musique développée sur Timaeus, je dois admettre que je n’ai pas regretté mon choix. Pour laisser place à l’histoire d’une bio, précisons que le projet KHÔRA a été initié en 2012/2013 par Oleg I, musicien ukrainien aux multiples implications. L’’artiste affiche ainsi un palmarès touffu (ex-Liminal, ex-AUTOKRATOR, ex-DAGOR DAGORATH, ex-DEATHSTRUCK, ex-LYCANTHROPY, ex-MIRRORS OF OBSIDIAN, ex-NÚMENOR, ex-TERRAWAVE, ex-THE KONSTELLATION, ex-NIBURTA (live), ex-CRYPTIC FOREST, ex-DEADEYEHUNT, ex-GOAT STALKER), et visiblement, un amour sans bornes pour le Black Metal emphatique et orchestré. Rapidement rejoint par Kranos au chant (ARKHANGELSK, SAVAOTH, WORD OF LIFE) et L.E. Måløy à la basse (DØDHEIMSGARD, INI), Oleg a pu s’appuyer sur un line-up complet pour commencer son travail de création, mais c’est pourtant en 2016 que la première démo du concept fut lâchée. Quatre ans plus tard, la créature revient sur le devant de l’apocalypse avec un première longue-durée sous les griffes, et sans vraiment charcuter la peau du BM atmosphérique au point de lui laisser des cicatrices persistantes, autant dire que ce premier jet intrigue, fascine, et fait ce qu’il peut pour s’écarter des sentiers les plus rebattus.
Comme je le précisais en amont, c’est la durée très raisonnable de Timaeus qui m’a fortement intrigué. J’aurais pu le croire comme le veut la tradition constitué de trois ou quatre morceaux interminables, mais en fait, il semblerait que son ou ses auteurs a/ont fait preuve d’une certaine concision avant de coucher leur inspiration sur bande, ce qui fait que l’intervention la plus longue excède à peine les cinq minutes. Toutefois, il n’y a pas à craindre une quelconque concession ou un désir de séduction des masses. Malgré des morceaux très concentrés de trois ou quatre minutes, le projet ne cache pas ses ambitions démesurées, et la musique, très travaillée et ciselée excuse cette brièveté presque trop modeste pour être honnête. Et en supprimant les shunts et autres blancs entre les titres, KHÔRA aurait pu jouer le jeu d’un concept global, d’ambiance générique, ce qui au final ressort quand même de cette première tentative. L’approche du collectif international est simple et complexe à la fois. S’affranchir des contraintes, ne pas forcément respecter les figures imposées, mais rester dans le cadre pour ne pas trahir l’appellation. C’est ainsi que le contexte général adopte une posture BM de base, très violente, avec des arrangements grandiloquents et surtout très denses, sur laquelle viennent se greffer des gestuelles expérimentales, des mouvements avant-gardistes, sans que la cohésion d’ensemble n’en pâtisse. Et c’est après une courte intro que les choses prennent place, et que le projet dévoile ses directions. Instruments qui occupent tout l’espace, rythmique polyvalente et plurielle, chant modulable et modulé, oscillant entre rauque graveleux et graves profonds, pour une narration non linéaire. On note dès les premiers instants une propension des guitares à combiner les riffs puissants aux dissonances presque psychédéliques. On note aussi une prépondérance de la basse dans le mix lorsque l’intensité baisse d’un cran, mais on est immédiatement sidéré par le volume sonore dégagé et l‘ampleur des arrangements qui n’est pas sans rappeler les modèles d’EMPEROR évidemment. Les noms d’ARCTURUS et de DØDHEIMSGARD servent aussi de balise, et plus biaisé, celui de NOCTURNUS pour le côté sci-fi de l’entreprise et des astuces synthétiques assez futuristes.
Autre balise intéressante, celle de STRAPPING YOUNG LAD, celui de City bien sûr. Bien que les deux groupes n’évoluent pas en parallèle, artistiquement parlant, on note chez les deux ensembles la même propension à occuper tout l’espace, sans souffler ni aérer, comme pour prendre l’auditeur à la gorge. Malgré quelques traces de Melodeath suédois qui permettent de différencier les deux groupes (manifestes sur « l'Annihilateur », chanté en français s’il vous plaît, et grosse surprise de l’album), on ressent cette même sensation d’intensité et de violence omniprésente, même si le parti-pris parfois VOÏVOD de KHÔRA lui garantit une aura unique. Les expérimentations bancales de DODECAHEDRON peuvent aussi servir de garde-fou au moment d’enjamber le pont des comparaisons, mais le background riche d’Oleg I lui permet de se reposer uniquement sur ses acquis au moment de composer, sans avoir besoin de piocher dans les coffres de la tradition. Nous voilà donc à mi-chemin d’un BM atmosphérique et d’un BM avant-gardiste, mais l’empreinte mélodique globale permet d’éviter l’écueil de l’expérimentation hasardeuse et souvent creuse. Les titres sont culottés, mais tiennent debout en tant que tels, et s’ils assurent collectivement une osmose globale, ils peuvent être appréciés individuellement. Composé entre 2017 et 2019, Timaeus se veut aventure, sinuant entre le Black et le Death, entre le Symphonique et le Progressif, et concentré sur le concept de la création de l’univers, et des fameux dialogues de Platon. Une œuvre qui se place donc sous des auspices philosophiques et humanistes, mais qui évite intelligemment l’élitisme par des choix accrocheurs, comme ce chant étrange sur « Harvesting Stars » ou cette violence exacerbée sur « The Purge » qui combine l’équilibre du PESTILENCE des 90’s et la préciosité d’ARCTURUS.
Tous les pièges ne sont pas évités, et parfois, les plans semblent se répercuter d’un titre à l’autre. Mais avec un panache indéniable dans la moiteur et la déviance (« The Occultation of Time ») et une conclusion apaisante de pureté (« Void »), Timaeus propose un développement cohérent et fascinant, qui nous éloigne des poncifs les plus éculés du genre. Inclassable tout en assumant ses passions/influences, KHÔRA brise donc pas mal de schémas, et s’impose comme une vision très personnelle d’un genre qui ne supporte pas l’investissement partiel.
Titres de l’album :
01. Aether
02. Noceo
03. l'Annihilateur
04. Harvesting Stars
05. De Vetus Ad Novum
06. Roe Too Noo (Flow Of The Mind)
07. Sempiternal
08. Existence
09. The Purge
10. The Occultation of Time
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