Time Burner

Philm

19/02/2021

Metalville

Perdre un membre essentiel et reconnu peut signifier un arrêt de mort pour un groupe, ou tout du moins un handicap terriblement difficile à surmonter. Je ne parle pas forcément de groupes mondialement connus ayant perdu leur figure centrale (AC/DC, IRON MAIDEN, JUDAS PRIEST), mais aussi d’autres ensemble ayant vu l’un des leurs les quitter, et ainsi, les obliger à changer de son, voire d’identité. Dans le cas très précis de PHILM, le départ en 2016 de Dave Lombardo semblait assombrir l’avenir du duo formé par les incroyablement doués Gerry Nestler (guitare/chant, CIVIL DEFIANCE) et Pancho Tomaselli (basse, WAR, ULTRAPHONIX). Après tout, la frappe unique de l’américano-cubain étant tellement symptomatique, que l’empreinte musicale du groupe devait obligatoirement en pâtir, et s’éloigner du monde du Metal si familier à l’ancien percussionniste de SLAYER. C’est sans doute pour réfléchir à une solution viable (et aussi pour des raisons d’emploi du temps) que les deux membres restant de PHILM se sont autorisé un hiatus de cinq ans depuis la sortie de Fire From The Evening Sun, histoire de bien poser la problématique sur le tableau des équations et trouver une solution fiable. Et en 2021, avec la soudaine apparition du troisième album de la bande, la réponse à toutes les questions devient évidente. Non seulement le départ de Lombardo n’a pas handicapé le projet, mais il lui a rendu sa véritable identité.        

Et en écoutant ce fabuleux Time Burner, l’ironie d’une signature sur le très Metal label allemand Metalville n’en est que plus criante. Et alors que le groupe se félicite de ce partenariat, l’auditeur ne pourra réprimer un sourire évident tant ce troisième tome des californiens du sud est le plus éloigné du Metal de leur carrière. Il faut dire que la frappe du bon Dave était sans doute le seul lien avec la famille Metal la plus traditionnelle, et en intronisant sur le siège de batteur le vénézuélien Anderson Quintero, Pancho et Gerry ont fait le meilleur choix possible.

Pas uniquement à cause du CV bien chargé du musicien en question, détenteur d’un Grammy award, mais surtout à cause de son approche bien plus Jazz et latino des percussions. Enfin libéré du fardeau Lombardo qui attachait trop d’importance à la puissance de la frappe (et aussi fondamentaux restent Harmonic et Fire From The Evening Sun), PHILM s’offre une seconde naissance, joue sur la finesse et les nuances, et propose enfin l’album digne de son talent incontestable.

Dès « Cries Of The Century », la rupture est évidente. La rudesse du son créant un paradoxe avec la fluidité de l’interprétation, la musique s’en trouve enrichie, et la direction plus floue. A l’image d’un VIRUS sinuant entre les styles pour se forger le sien, PHILM puise dans l’Alternatif des nineties et le Post Punk des 80’s son inspiration, proposant une des entames les plus marquantes de cette année 2021. On pense à du P.I.L moins narquois, mais on respire surtout l’air de liberté sauvage qui flotte au-dessus d’un album qui s’annonce surprenant. La voix toujours aussi unique de Gerry domine les débats, mais c’est le jeu incroyable de dextérité d’Anderson Quintero qui marque les esprits, avec ses fills déments et son habileté à jongler entre les mouvances, tâtant du Jazz pour mieux imposer la fermeté du Rock alternatif d’il y a deux décennies. L’ambiance est donc étrange - pour le moins - mais l’emprise sur l’auditeur immédiate. Les fans eux-mêmes seront comblés de sentir leur groupe aussi libre, et comprendront immédiatement que le départ de Lombardo, inévitable au vu de ses implications, était nécessaire au bon équilibre de leur groupe fétiche.

Toujours en convergence d’un Rock affranchi de toute contrainte et d’un Progressif humble mais inextricable, PHILM relègue ses deux premiers et estimables efforts au rang de souvenirs mineurs, et nous délivre une prestation tout bonnement hallucinante. Lorsque les trois musiciens rentrent en osmose pour renouveler le Dark Rock le plus sombre (« Steamroller »), ils le font avec la fermeté d’un BLACK SABBATH et la facilité d’un TOOL. Lorsqu’ils décident de s’aventurer en terre Post, ils développent des mélodies cristallines et des arrangements ciselés (« Spanish Flowers », qui peut même évoquer LEPROUS au réveil). Lorsque le Stoner se sent pousser des ailes, on survole le Desert Rock sur un ULM de fortune pour admirer la sécheresse ambiante (« 1942 »). Lorsque le trio propose une transition, elle est tout sauf gratuite et nous ramène aux grandes heures enfumées des clubs de Jazz de New-York (« Wade Through Water »). En gros comme en détail, le voyage est riche, plein, passionnant, et diversifié à outrance, sans que le concept ne perde en homogénéité.

Soudainement libéré de la caution « side-project de Dave », PHILM affiche toutes les audaces, même celles d’un Funk Metal équilibriste et propulsé par le tandem Pancho/Anderson qui s’en donne à cœur joie dans les boucles, les arabesques et les déliés. « Wonka Vision » s’amuse avec l’imagerie de Willy Wonka, et nous transporte dans un monde ou les restrictions de l’imagination n’ont plus lieu d’être.

Vu de l’extérieur, et avec le peu de recul disponible, Time Burner peut sonner étrange, parfois un peu forcé dans son désir de s’éloigner des années fastes. Pourtant, il reprend les qualités des deux albums précédents, et les met en relief par une nouvelle interprétation au cordeau, comme si l’équilibre instable était le leitmotiv du trio. Un peu de FNM dilué dans du MELVINS (« The Seventh Sun »), mais surtout, une recherche permanente de nouveaux sons, concentriques (« Like Gold », hypnose de cinq bonnes minutes), ou au contraire si multiples qu’on se perd dans cette nouvelle dimension.

Par facilité, nous dirons que les neuf premiers morceaux constituent la première partie de l’œuvre, et que le final énorme de « Time Burner » en représente la seconde. Sur cet épilogue long de onze minutes, le trio lâche tout, brouille encore plus les pistes, détourne le Jazz de ses codes, et injecte la puissance du classique dans les chromatismes. Du grand art, et quelque chose de plus riche que les textures empilées de TOOL. Alors, désolé Dave, mais malgré l’amour que je te porte depuis 1983, tu aurais été plus avisé de fermer ta bouche il y a quelques années en déclarant que ton départ signifiait la fin de PHILM. Car non seulement le groupe est toujours là, mais il est plus vivant que jamais.

        

                                                                                              

Titres de l’album:

01. Cries Of The Century

02. Steamroller

03. Spanish Flowers

04. 1942

05. Wade Through Water

06. Wonka Vision

07. The Seventh Sun

08. Evening Star

09. Like Gold

10. Time Burner


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par mortne2001 le 18/03/2021 à 15:22
90 %    817

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Buck Dancer
@186.141.133.171
18/03/2021, 18:25:57

J'avais apprécié les albums précédents, grâce a la présence de Lombardo et j'écouterai celui-ci dès que possible. Au delà de Lombardo, la musique avait une vraie personnalitée, qui ne s'est certainement pas perdue avec le départ de leur emblématique batteur. 


RBD
membre enregistré
18/03/2021, 20:16:15

Intéressant. Si vous voulez, il y a un report de concert de Philm avec Lombardo en 2015 dans la section idoine, que je vous ai ressorti il y a quelques semaines.

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