Lorsque Les Acteurs de L’Ombre Productions vous avertissent de nouvelles signatures, votre attention est immédiatement optimale. On sait le label très exigeant sur ses productions, que ce soit en termes de packaging toujours très soigné, mais surtout en termes de contenu musical. Le célèbre label underground dont la réputation grandit de sortie en sortie ne s’abaisse pas à considérer le tout-venant, et exige l’exception. Et c’est donc avec une fascination indéniable qu’on se penche à chaque fois sur les nouveautés proposées, ce qui est encore une fois le cas avec le one-man band national TIME LURKER, dont le premier album disponible dès le mois de juin n’en est pas vraiment un.
Mais avant d’aller plus loin dans les précisions, parlons donc du background et de la genèse de ce projet somme toute à part, même sur notre scène française pourtant si fertile.
TIME LURKER est donc centré sur la figure créative de Mick, qui selon la légende (relayée par le CEO des Acteurs Gérald Milani lui-même) aurait assisté à son premier concert à l’âge très précoce de six ans (EMPEROR, ce qui pour un bambin n’est pas une expérience commune). Au-delà de cette anecdote ludique, Mick depuis 2014 répand ses vues sur un Black empreint de Post Black dit « atmosphérique », aux confluents de références telles que ALTAR OF PLAGUES, WEAKLING, YELLOW EYES, KRALLICE ou encore LEVIATHAN. Ces quelques influences, uniquement énoncées pour placer le contexte, ne sont pas restrictives, et la musique du strasbourgeois va beaucoup plus loin qu’une simple somme de références, et s’inscrit dans le renouveau de la scène BM nationale au même titre que les NIGHT, DELUGE, PENITENCE ONIRIQUE ou autres CREATURES.
Selon la bio prodiguée par le label, « Le concept de TIME LURKER repose sur un long voyage introspectif confronté à la nature humaine et au bout duquel nous affrontons nos démons matérialisés par nos doutes, nos angoisses et nos peurs. ». Si la thématique est d’usage, sa concrétisation musicale est bien moins prévisible. Se sevrant de sonorités typiquement BM (les blasts sont bien présents, ainsi que le chant acide et écorché), pour les transcender de mélodies venues d’un ailleurs Post Metal froid et rigide comme un vent de mort, Time Lurker se conçoit en effet comme un voyage aux confins de la douleur morale et physique, et de la quête d’identité formelle. S’inspirant autant de la littérature de conte scientifique de Jules Verne que des fantasmagories occultes de H.P Lovecraft, Mick brosse un portrait thématique de l’humanité telle qu’il la perçoit, pleine de contradictions, et vouée à un destin inéluctable pour peu que la race humaine ne change pas la donne.
Plus concrètement, ce premier album qui comme je le précisais n’en est pas un, est un collage très habile des deux premiers EP sortis par le projet, I et II, qui trouvent ici un point d’orgue de cohérence assez troublant. La cohérence dans la continuité des deux premiers formats courts est telle qu’on penserait ce premier album pensé comme tel, et non comme résumé exhaustif d’une jeune carrière. Mais loin de sombrer dans la monotonie de jeu, ce que cette juxtaposition pourrait laisser à penser, je préfère parler d’unité de personnalité qui permet à son auteur d’aller de l’avant tout en regardant en arrière.
Et du coup, ces deux premiers EP via ce premier jet éponyme se voient éclairés d’une lumière nouvelle leur donnant un corps et un sens différent.
Pour autant, Time Lurker n’est pas à jeter en pâture à toutes les oreilles. Il faut une certaine discipline d’écoute pour en apprécier les méandres, et surtout, une patience indéniable pour en découvrir tous les desseins et recoins sombres, décrits par trois compositions d’entame très longues et progressives.
De « Rupture » et ses presque douze minutes d’introduction à « Ethereal Hands » et ses huit minutes trente de BM apocalyptique et cryptique, le chemin est long, et semé d’embuches mélodiques et rythmiques.
Les guitares, aux riffs acerbes et fourbes se muent soudain en fontaines d’arpèges empoisonnés, tandis que la rythmique se meut dans un mouvement perpétuel d’avant en arrière, alternant les blasts violents avec les compressions en mid qui subissent la pression d’une double grosse caisse au mixage légèrement étouffé.
Et si les harmonies vénéneuses des guitares empruntent au vocable du BM des origines, tout autant qu’au Post BM de ces dix dernières années, si le chant reste fixé sur des obsessions nordiques héritées des 90’s, les arrangements globaux vont au-delà de toute allusion trop évidente pour friser le Post BM absolu, non contemplatif, mais agressif et puissant, ce qui différencie TIME LURKER de bon nombre de ses contemporains.
Puis, de « Reborn » a « Passage », la donne change et le temps s’écoule plus vite, mais la compréhension n’est pas plus aisée pour autant.
Mick coupe alors les ponts avec le formalisme de la première partie de l’album, pour oser un intermède mélancolique et inquiétant, tentant le pari de l’instrumental bilan, avant de pousser la véhémence et la violence dans leurs derniers retranchements via un terrifiant « No Way Out From Mankind » qui symbolise à merveille le trauma d’une espèce condamnée à rester ce qu’elle est, vestige éphémère d’un cycle de vie figé.
Ce morceau, le plus compact et abrasif du lot est une véritable déclaration d’intention, et donne corps à ce constat déprimant qui oblige l’homme à faire face à son destin, via un maelstrom BM d’une noirceur insondable, ne cherchant aucunement à édulcorer sa menace d’une quelconque litanie d’espoir Post Metal.
Aussi violent qu’un EMPEROR dénué de toute prétention orchestrale et symphonique, TIME LURKER se transforme alors en bête immonde et hideuse, acceptant son reflet peu flatteur dans le miroir d’un extrême n’admettant aucune limite de vitesse et d’intensité.
Et si « Passage » nous en offre un qui suit les pas d’un Ambient grondant à la LUSTMORD/IN SLAUGHTER NATIVES, « Whispering From Space » reprend les choses là où «Ethereal Hands » les avaient laissées, en écrasant la vélocité d’une pesanteur presque Doom majestueuse, et toujours sous perfusion mélodique soutenue. Le goutte à goutte nous maintient alors dans un coma artificiel, aux portes de la mort, fin que l’auteur se refuse à admettre comme conclusive. Lancinance, oppression, voix de plus en plus grave dans ses accents et son constat, pour une terrifiante impasse qui ouvre pourtant d’énormes perspectives pour un projet dont la finalité n’a certainement pas fini de nous surprendre.
Pour l’occasion, Mick s’est entouré de guests pour donner corps aux incarnations vocales et a convié Thibo (PARAMNESIA, JEANNE), Tony (RANCE), Cédric (END OF MANKIND, PYRECULT), et Clem (LE MAL DES ARDENTS) à partager l’office oral en sa compagnie, ce qui permet d’apprécier une variété de ton qui donne encore plus d’épaisseur à un premier album d’une complétion bluffante.
Alors, en effet, il est difficile de parler de nouveauté pour un disque qui n’est que l’association de deux EP précédemment sortis. Et pourtant, avec Time Lurker, Mick parvient à nous présenter un nouveau visage, aux traits aussi flous que l’ancien. Ce tour de force est assez révélateur des capacités d’un auteur/compositeur qui perçoit le Black Metal comme un vecteur d’expression et non comme un asile le protégeant de la réalité extérieure.
Un album à réserver à ceux comme moi qui sont persuadés que le vrai BM vivra et renaîtra tant que la vie continuera de nous harasser de ses contraintes morales et physiques.
Et Dieu ou Lucifer savent que la fin du chemin n’est pas si proche que l’on croit…
Titres de l'album:
Alors, autant j'apprécie beaucoup Wolfheart, et cette news ne va rien y changer, autant, pour moi, l'Arabie Saoudite est l'un des pires pays au monde... Alors, je ne suis pas arabophobe, mais ce pays pue terriblement ! Je plains les Saoudiens (et surtout les Saoudiennes) qui(...)
21/11/2024, 18:01
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20