Tout est parti d’un petit warning lancé par Li Meng d’Awakening Records, m’avertissant de la sortie proche du premier album des polonais de SPECIES. Au fait des connaissances Thrash de ce label chinois incontournable, j’ai immédiatement été intrigué par cette sortie, spécialement en lisant le paragraphe des comparaisons établies par la maison de disques qui recommande cette œuvre aux fans de CORONER, TOXIK, et XENTRIX mais aussi aux adorateurs des icônes Prog KING CRIMSON, RUSH, et YES. Etant évidemment fan absolu de Techno-Thrash depuis mon premier cri de bébé en fa dièse, l’affaire ne pouvait que m’intriguer, et en me plongeant dans l’écoute de cet introductif To Find Deliverance, j’ai immédiatement réalisé la pertinence des parallèles établis par Awakening Records, auquel j’aurais pu ajouter quelques références tout aussi justifiées : THOUGHT INDUSTRY, PSYCHOTIC WALTZ, SIEGES EVEN, ANACRUSIS et une partie de l’œuvre de Ron Jarzombek.
Comme vous le voyez, avant même d’être connus, les polonais de SPECIES font déjà partie de l’élite, avec un seul album à leur compteur, album encore en gestation dans les cartons de son label avant lancement mondial. Pour revenir un peu sur le parcours de ce trio (Piotr Drobina - basse/chant, Michał Kępka - guitare, et Przemysław Hampelski - batterie) fondé en 2018 du côté de Varsovie, précisons l’existence d’un premier EP en 2019 (The Monument of Envy), ainsi qu’une sacrée dose de talent d’instrumentistes et de compositeurs.
En 2022, To Find Deliverance se permet de synthétiser l’approche technique et jazzy américaine et la technique brute et avant-gardiste allemande, rappelant des œuvres séminales comme No More Color, Control and Resistance, Think This, The New Machine Of Lichtenstein, Deception Ignored, Life Cycles, et autres digressions intellectuelles sur un propos brutal. Mais là où nombre des modèles de SPECIES sacrifiaient souvent la brutalité sur l’autel de l’ambition instrumentale démonstrative ou l’inverse, les polonais trouvent le juste milieu entre la puissance et la finesse, ce qui nous permet d’apprécier un cocktail enivrant et stimulant, qui ne donne aucune céphalée, mais qui fait travailler les neurones à plein régime provocant aussi un sérieux headbanging.
En gros, du Thrash rapide, efficace, saccadé, mais agencé, pensé, évolutif et complexe. Le parfait compromis entre le Contradictions Collapse de MESHUGGAH et le Punishment For Decadence de CORONER, avec une petite touche du DOOM nippon le moins psychédélique. Dès lors, le recensement des figures imposées aboutit à un résultat exhaustif. Les allusions jazzy, les contretemps, les mesures impaires, l’accumulation de breaks comme autant de propositions relatives, les soli inventifs, dissonants et fluides, soulignés par une énorme basse distordue et carrée, mais aussi les riffs qui s’incrustent et une vitesse de croisière conséquente.
Le meilleur des deux mondes donc, et un album miraculeux dans le marasme de convenance de la vague old-school actuelle. Nous sommes donc à des lieues de la simple copie de KREATOR ou SLAYER, même si les compositions se placent d’elles-mêmes sous l’égide d’un parrainage célèbre. Et dès l’intro tout sauf dispensable de « Rare Signals », très Pomp-Synth-Pop, l’hypnose régressive fonctionne à merveille, et on se retrouve dans un monde ancien, éveillant la bestialité à des capacités moins réduites et sommaires. Je ne vous mentirai pas, j’ai écouté cet album de façon intensive pendant de longues heures, trop heureux de retrouver les sensations éprouvées à la fin des années 80. Et en tombant sur le pavé « Malfunction », j’ai compris que l’équilibre très instable entre agression et persuasion pouvait être obtenu par des musiciens plus fins que la moyenne, et capables d’empiler les plans sans écoeurer ou se montrer arrogants, imposant même des inserts Jazz/Funk du plus bel effet.
Mais je serais bien incapable de mettre tel ou tel titre en avant, tant chacun à ses qualités énormes. On pourra évidemment occulter la jolie transition Folk « Deus », mais ce serait priver la longue suite « Ex Machina » de son intro indispensable. Plus de onze minutes de délire total, avec une absence de retenue presque indécente, et une envie d’enterrer la concurrence sous une bonne couche de doubles croches, de riffs en soli, et de dégoulinage rythmique à écœurer les cadors Lombardo ou Hunting. Il est même parfois possible de se souvenir avec émotion des premiers albums du DESPAIR de Waldemar Sorychta, mais en fin de compte, et malgré toutes ces balises, To Find Deliverance trouve sa propre délivrance en quarante-quatre minutes, et nous la livre sur un plateau d’argent et sous une magnifique pochette d’Aleksandra Pawłowska.
Un premier album qui flirte méchamment avec la perfection dans le style, et qui laisse augurer d’une carrière brillante. Fulgurant mais réfléchi, agressif mais poli, élitiste mais sachant se montrer assez populaire, travaillant les ambiances aussi sérieusement que le fond, To Find Deliverance est un petit bijou made in Varsovie, qui enchantera les accros au Techno-Thrash le plus relevé. A retrouver sans doute en fin d’année, dans les fameux tops 10, 20 ou 50. Et en bonne place.
Titres de l’album :
01. Rare Signals
02. Parasite
03. Falls The Tower
04. The Monument Of Envy
05. Malfunction
06. Thy Name Is Slaughter
07. Deus
08. Ex Machina
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