Je pense que mon plus vieux souvenir concernant le Power Metal, c’est lorsqu’il ne s’appelait pas encore comme ça. Et bien qu’il soit toujours difficile de les associer aux origines du genre, ma première expérience fut en compagnie d’HELLOWEEN, lors de la sortie du volume 1 de leur Keeper of the Seven Keys. A cette époque - et MAIDEN ne me contredira pas - un groupe attendait la fin d’un album pour nous assommer d’un chapitre phare et progressif, à l’image de « Halloween », qui en plus de treize minutes nous entraînait dans un monde fantasmagorique et merveilleux, peuplé de créatures étranges, de citrouilles maléfiques, et de personnages inquiétants. Ces histoires se posaient en acmé d’un album qui voulait plus ou moins en raconter une plus globale, et offraient au public un épilogue digne de ce nom, lui laissant un souvenir de grandeur inoubliable qui peuplait ses rêves d’adolescent. Mais en termes de Power Metal, la logique et la grandeur ont évolué, et la construction d’un disque ne répond plus aux mêmes critères. Et c’est sans doute pourquoi les danois de MANTICORA nous cueillent à froid sur leur dernier LP avec une énorme composition de quatorze minutes. Certes, j’admets que To Live to Kill to Live est la suite logique de To Kill to Live to Kill paru il y a maintenant deux ans, et qui fut accueilli comme le grand œuvre des originaires de Hvidovre. Alors, en plaçant les deux albums bout à bout, on peut considérer « Katana - the Moths and the Dragonflies_Katana - Mud » et ses quatorze minutes bien tassées non comme une entame, mais comme un prolongement de « The Farmer's Tale Pt. 2 - Annihilation at the Graves » qui refermait les pages de To Kill to Live to Kill. Néanmoins, entamer un retour avec une telle chanson est preuve d’une confiance aveugle en son répertoire, les néophytes pouvant être rebutés par la longueur rédhibitoire de cette piste qui ne répond pas aux normes d’une entame raisonnable. Sauf que MANTICORA n’a jamais été un groupe raisonnable, et qu’il incarne depuis le début de sa carrière une certaine forme de démesure instrumentale que peu d’autres groupes peuvent atteindre. Et ce neuvième album, bien que légèrement plus humble que sa première partie ne donne encore une fois pas dans la demi-mesure…
MANTICORA, c’est un label déposé au Danemark, mais aussi en Europe. Le groupe (Kristian H. Larsen - guitare, Lars F. Larsen - chant, les deux membres originaux restant, Kasper Gram revenu à la basse depuis l’année dernière, Stefan Johansson - guitare et le nouveau batteur de 2020 Lawrence Dinamarca, membre d’AVUND, CARNAL FORGE, LOCH VOSTOK, et ex-ASTRAL CARNEVAL, ex-BLEEDING UTOPIA, ex-NIGHTRAGE) n’a jamais cherché l’intégration par la normalité, et multiplie les concepts depuis des années, nous laissant en héritage non l’amour, mais les deux volets de The Black Circus, et aujourd’hui, les deux tomes To Kill to Live to Kill/To Live to Kill to Live. Je ne reprendrai pas en ces lignes les grandes du concept qui lie les deux chapitres, mais autant admettre que cette suite représente ce que les danois ont proposé de plus sombre et violent depuis le début de leur carrière, et si le timing de cette suite n’atteint pas les sommets de son aînée, il n’en garde pas moins plus d’une heure pour imposer son propos, ce qui est assez conséquent quand on joue une musique aussi intense. Il est d’ailleurs difficile de croire qu’un organisme normal puisse supporter une telle agression des sens pendant plus de soixante minutes. Les morceaux sont si compacts, remplis d’idées, animés par une rythmique puissante et des lignes de chant lyriques qu’on hésite au moment d’en accepter l’intégralité. D’autant que le groupe n’a pas lésiné sur la violence, se souvenant sans doute de ses jeunes années passées dans FEAR ITSELF, et l’on retrouve cette pugnacité Thrash à intervalles réguliers, notamment sur le surpuissant « Slaughter in the Desert Room », apte à faire passer les PRIMAL FEAR et autres WASTEFALL pour de gentils groupes de bal tout juste bons à reprendre des tubes du répertoire Pop. Mais c’est aussi ce qui fâche sur cet album, cette propension à augmenter tous les volumes et pousser les choses à leur paroxysme, rendant cette suite incroyablement roborative. Mais cela étant dit, rien ne vous empêche de l’aborder pour ce qu’elle est, livre pour les oreilles dont on peut feuilleter quelques pages avant de s’endormir. Mais croyez-moi, vous aurez beaucoup de mal à vous endormir…
Une fois encore, la production de l’objet est tout à fait moderne, et compresse, délie, élargit le spectre, tout en concentrant le propos en quelques fréquences très dynamiques. Choix qui ne fait qu’augmenter la pression que l’on sent dès les premières mesures. Le nouveau batteur Lawrence Dinamarca a justement pris celle des enjeux, et multiplie les contretemps, les fills diaboliques, les enchainements fluides, et les accélérations meurtrières, indispensables au bon déroulement du concept. Je parlais de « Slaughter in the Desert Room» tellement ce morceau m’a impressionné, mais j’y ai retrouvé l’influence d’un STRAPPING YOUNG LAD, celui des premières années et de City, et l’ajout de voix féminines n’est pas sans rappeler les interventions magiques d’Anneke van Giersbergen sur les disques du lutin spatial Devin. Evidemment, un concept ne s’arrête pas à l’importance cruciale de deux morceaux, et « Goodbye Tina », en imposant le calme et la délicatesse, nous permet de reprendre notre souffle avec son tempo bancal et ses harmonies typiquement eighties. D’un autre côté, « Tasered/Removal » évoque une union DREAM THEATER/SYMPHONY X, et nous retrouvons avec joie ce fameux katana mortel sur « Katana - Death of the Meaning of Life » qui tâte du Thrash avec flair et panache, poussant le potentiel d’agressivité de To Live to Kill to Live à son maximum. Tous les fans le savent, MANTICORA est unique dans son créneau, et totalement isolé dans sa tour d’ivoire. Peu de groupes peuvent rivaliser avec lui sans tomber dans le ridicule et le grotesque, et les danois sont bien les seuls à pouvoir oser tant de grandiloquence sans paraître risibles. Et il faut du talent pour ne pas franchir la frontière séparant l’excès absolu de la pantalonnade achevée, et du savoir-faire pour abuser non-stop de cette double grosse caisse et de ces arrangements de blockbuster sans déclencher l’ennui et la saturation, et To Live to Kill to Live remporte une fois encore le pari, avec une magie indéniable.
Cet album, comme tous les autres, ne s’adresse pas à tout le monde. Ceux qui aiment leur Metal direct et sans fioritures ne comprendront pas un traître mot musical employé par les danois, mais cette démesure a quelque chose d’admirable dans sa franchise. Et près de vingt-cinq ans après leurs débuts, les musiciens de MANTICORA prouvent que leurs ambitions n’ont pas été soldées sur la table de l’expérience, nous offrant une seconde partie d’œuvre à la hauteur de la première, et encore un sommet dans leur parcours. Admirable, pour le moins, éreintant, mais jubilatoire comme un feu d’artifices.
Titres de l’album:
01. Katana - the Moths and the Dragonflies_Katana - Mud
02. To Nanjing
03. The Farmer's Tale, Pt. 3 - Eaten by the Beasts
04. Slaughter in the Desert Room
05. Through the Eyes of the Killer - Filing Teeth
06. Katana - Death of the Meaning of Life
07. Tasered_Ice Cage
08. Goodbye Tina
09. Tasered_Removal
10. Stalin Strikes
11. Ten Thousand Cold Nights
12. Katana - Beheaded
Un album généreux ! Seigneur Fred - METAL OBS
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22