La violence, toujours la violence. Elle est partout. Dans les rues, aux infos, dans les films et séries, les bouquins, à la campagne, dans les villes, en Europe, en Amérique, en Asie, chez vos voisins, à la CAF, au supermarché, sur les parkings, sur les rings, dans les clubs…partout. Que faire ? L’accepter comme donnée invariable, ou espérer qu’un jour les choses se règlent autrement qu’avec un parpaing ou une calotte ? Je ne veux pas jouer les prophètes de mauvais augure, mais autant faire avec. Ceci étant dit, lorsqu’elle est fictive et de forme, elle ne me dérange pas, au contraire. Plus la musique est brutale, plus le film est violent, et plus je souris. Parce que je sais que tout ça n’est que mise en scène.
Niveau violence, les américains d’EXTINCTION A.D. en connaissent un rayon, et pas uniquement ceux de leur vélo. Je vous avais déjà parlé d’eux à l’occasion de la sortie de la grosse torgnole Culture of Violence, qui justement, en parlait et l’abordait de front. Deux ans plus tard, les new-yorkais ne se sont pas calmés, et semblent même encore plus virils. Et avec la bombe To The Detested, personne ne risque de leur barrer la route, déjà pavée vers le succès.
To The Detested, c’est plus qu’un album, c’est une ambiance de prison. Un genre de quartier haute sécurité dans une tôle fédérale, où paradent les différents clans. L’ombre grouille de faciès patibulaires, de muscles saillants, de tatouages de diverses origines ethniques et opinions politiques, et de cette brutalité omniprésente, du matin jusqu’au soir. Une atmosphère électrique qui menace d’exploser à la moindre étincelle, que les gardiens ont toutes les peines du monde à garder sous contrôle.
Vue sur la cour. Arrivent les musiciens.
Mike Sciulara (batterie), Rick Jimenez (guitare/chant), Ian Cimaglia (guitare) et Tom Wood (basse). Les mecs ne mouftent pas, la zone de musculation se vide, et les gus prennent leurs instruments. La déflagration est telle que même les plus mastards se bouchent les oreilles de peur d’y laisser leurs tympans. Les tôlards connaissent ce son si caractéristique de la région de New-York, ce crossover grandeur nature entre Thrash, Hardcore et Groove Metal. Il a été salement popularisé dans les années 90, et est devenu un langage que les thugs parlent couramment. Un langage clair et précis, forcément hurlé, mais qui met les choses au point. Et si tu n’es pas du quartier, prépare-toi à t’en prendre un ou deux dans la tronche.
EXTINCTION A.D. est toujours aussi compact, toujours aussi franc, et toujours aussi massif. Ce quatrième long est plus qu’un album, c’est un corps taillé dans les muscles, c’est un dos entièrement décoré, ce sont des doigts qui craquent et des menaces qui hurlent dans la nuit. C’est un danger permanent, ce sont des douches que tout le monde évite, et des histoires de rue qu’on se raconte entre frères d’armes. C’est une amitié tribale qui voyage du Mexique à l’Afrique (« Burnt Sienna »), c’est une petite algarade entre deux couloirs (« Desperate Grasp »), c’est le quotidien de ceux qu’on a mis dans une cage pour protéger la société. Mais la prison EST une société à part entière. Et To The Detested est son illustration musicale sans fard.
La puissance du SEPULTURA des deux derniers albums featuring Max, le déhanché de BIOHAZARD, la fluidité de SOILWORK, et la méchanceté sudiste crasse de PANTERA. De l’huile qui coule entre les doigts. Du sang sur les mains. De la sueur qui perle des fronts. Notre époque, sans fard, sans équivoque et sans miracles, la réalité étant implacable sous ces horizons de grillage et de barbelés. Il en faut donc pour supporter cette charge mentale qui pèse sur l’espoir comme un péché sur une âme de converti. Alors, on évacue comme on peut. On se tape l’évasion dans la tête pour la énième fois (« Escape from New York »), on frappe le sac de sable de fortune de toute sa rage (« Epidemic of Mutation »), et on compte les jours qui nous séparent d’une nouvelle vie (« Apocalypse Rising »).
Il n’y a rien de joyeux là-dedans. C’est en monochrome, et lorsque les couleurs tentent de s’y glisser, elles fanent immédiatement à la chaleur de la haine. Les riffs sont cruels et agressifs, la basse est lourde et pèse sur la batterie qui elle cogne son beat avec la fureur des justes. Et lorsque tous les éléments se mettent au diapason, ça nous donne une rencontre pas si improbable entre Phil Anselmo et Tom Araya (« Shepherding Swine »), qui se transforme rapidement en affrontement global entre les clans.
Il faut avoir de l’estomac pour subir une telle agression mentale. Cette musique n’est pas faite pour être écoutée, mais pour être vécue, en live, dans l’enfer du pit, avec des coudes qui reviennent dans la gueule et des chaussures qui t’écrasent le nez. Les EXTINCTION A.D. exportent New-York dans le monde entier, et donnent un aperçu de la vie dans leur quartier.
Lui aussi sous haute sécurité.
Alors, la violence, encore une fois. Mais une violence réaliste, qui correspond à toutes les catastrophes et atrocités que les médias nous servent encore chaudes. Une violence sourde et banale, qui ne perturbe même plus les plus sensibles.
Le monde d’aujourd’hui est une gigantesque prison. A vous de trouver comment y survivre.
Titres de l’album:
01. Desperate Grasp
02. Escape from New York
03. Epidemic of Mutation
04. Apocalypse Rising
05. Impervious (Unrepentant)
06. Fill the Void
07. Burnt Sienna
08. Shepherding Swine
09. Behind the Veil of Sanctity
10. The Cure or the Cause
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