Je vais être totalement franc avec vous, j’ai abordé cette chronique avec la candeur d’un jeune chroniqueur de son temps. Et pour cause. En tant que Metal kid des années 80, ayant connu en temps et en heure le sacro-saint triptyque Balls to the Wall/Metal Heart/Russian Roulette, je suis fan de la sidérurgie allemande ACCEPT depuis fort longtemps, mais je n’ai JAMAIS, au grand JAMAIS, écouté une seule note produite par le groupe depuis sa reformation en 2009 après l’intronisation de Mark Tornillo au poste de chanteur. J’ai écouté à l’époque le pas-si-naufragé que ça Eat the Heat, premier album sans Udo, j’ai aussi tendu une oreille sur Objection Overruled et Death Row, mais ma connaissance ACCEPTienne s’est arrêté là. J’ai jugé en effet en 1995 que j’en avais assez entendu, et que le groupe ne pouvait plus rien proposer qui me concerne. Peut-être était-ce une grossière erreur, peut-être avais-je raison, mais dans les années 90, j’avais autre chose à faire que me sevrer de resucées de Metal tiède des années 80 alors que la scène connaissait l’une de ses plus grosses mutations depuis la NWOBHM. Ma dernière rencontre auditive avec le groupe de Solingen date donc des mid-nineties, et ni Blood of the Nations, ni Blind Rage, ni The Rise of Chaos il y a quatre ans ne m’ont fait changer d’avis. Je serai donc bien incapable de comparer cet album avec tous ses prédécesseurs de l’ère Tornillo, ce qui ne m’empêchera pas de donner mon avis sur ce seizième album de la bande à Hoffmann, seul témoin restant de la naissance de la bête dans les seventies.
Et en écoutant ce massacre (dans le bon sens du terme) qu’est Too Mean to Die, je m’interroge sur le processus de vieillissement du guitariste chauve, qui semble ne pas connaître les affres de la sénilité, ni les problèmes d’arthrite. Alors justement que Wolf doit affronter pour la première fois depuis longtemps le fait d’être le seul garant de la légende, après le départ de son comparse Peter Baltes en 2019, il semble avoir bandé les muscles, et balancé les derniers prospectus sur les maisons de retraite pour régler son compte au Heavy Metal à l’allemande, dont il est le plus grand dépositaire actuel. ACCEPT rejoint donc dans l’histoire IRON MAIDEN en tant que sextet à trois guitaristes depuis 2019 et l’arrivée de Philip Shouse dans la bande, sauf que l’ensemble germain a beaucoup plus d’allure et d’énergie en 2021 que son homologue anglais. Là où MAIDEN se perd depuis des années dans des considérations de redite molle et peu imaginative, Wolf prend le contrepied, et accepte son statut de chevalier Metal for life, et nous sert encore bouillant l’album nostalgique le plus crédible de la production actuelle.
Et bien que fidèle à un héritage clouté et patché qui ne laissera pas insensibles les amateurs de Heavy à l’ancienne, Too Mean to Die n’est pas qu’une charge graveleuse renvoyant les évolutions dans les cordes. Il se présente comme une œuvre variée, de celles qu’on appréciait lorsqu’ACCEPT était encore au sommet de sa jeunesse, et fait plus que donner aux fans hardcore leur pitance habituelle. Jouant avec les codes, franchissant les frontières et les distances, Too Mean to Die est l’archétype d’album intelligent et roublard qui nous renvoie aux meilleures heures de Metal Heart, lorsque le groupe commençait à dévier de sa trajectoire inoxydable un peu trop rectiligne. On y trouve évidemment des serments d’allégeance musclés, mais aussi des digressions plus Rock, des moments de tension progressive rappelant les magiques « Teach us To Survive » et « Dogs on Leads », et les sempiternelles obsessions classiques que le sieur Hoffman a largement développées en solo. Et à la limite, en faisant preuve d’un peu de subjectivité, on pourrait affirmer que ce seizième album de la troupe est son meilleur boulot de la fin des années 80 qui ne soit pas sorti à la fin des années 80.
A la barre, les six musiciens (Wolf Hoffmann - guitare, Mark Tornillo - chant, Christopher Williams - batterie, Uwe Lulis - guitare, Martin Motnik - basse et Philip Shouse - guitare) sont une fois de plus secondés par le capitaine Andy Sneap, leur timonier des consoles depuis dix ans, et Too Mean to Die prouve que le gourou du son est bien plus efficace en terrain Heavy qu’en champ de bataille Thrash. Alors que les productions les plus extrêmes d’Andy révèlent rapidement ses limites en termes d’aération et d’originalité, le son de ce nouvel album est d’une pureté incroyable, servant tout aussi bien la cause Heavy que le combat Metal, et lorsqu’on pose enfin ses oreilles sur le mid tempo catchy de « Sucks To Be You », on se rend compte que Sneap est capable de recréer la magie des années 80 sans avoir à abuser d’artifices de studio. La basse est ronde, la batterie intelligible et naturelle, le chant mixé avec élégance, et les guitares suffisamment hargneuses pour ne pas avoir à s’en remettre à du gonflage de distorsion excessif. Et il fallait un travail de précision de cette qualité pour enrober le magnifique cadeau qu’est Too Mean to Die, qui passe en revue et avec brio tout ce qu’ACCEPT a toujours prôné comme valeurs musicales.
Que l’on aborde le problème dans le bon sens ou de façon aléatoire, Too Mean to Die est un plaidoyer pour la vie et le plaisir de jouer, faisant fi de son élaboration erratique due au confinement pour paraitre plus uni que n’importe quel autre album du groupe. Lorsque Wolf montre les dents et que Mark serre le gosier, le résultat est crédible et saignant (« Zombie Apocalypse », « Too Mean To Die »), lorsque les deux compères lâchent du lest et se déhanchent au son d’un Hard Rock passéiste, on swingue avec eux des cheveux devant la glace (« Overnight Sensation », morceau qu’on aurait pu trouver sur le décrié Eat the Heat), et lorsque Wolf s’en remet à son talent naturel de riffeur et son génie de soliste inspiré classique, la donne est écrasante et la mise raflée (le solo extraordinaire de « Symphony Of Pain »).
Entre autres plaisirs variés, puisque c’est bien de ça dont il s’agit, ACCEPT ose à peu près tout sur ce LP, de la ballade amère aux cordes rappelant SCORPIONS (« The Undertaker », poème écrit par Tornillo et mis en musique par Hoffmann, et qui hume bon le Dirkschneider le plus mythique avec ses cœurs d’arrière-plan en clin d‘œil du passé), à la bombe Hard limite sleazy qui explose comme un pétard lâché par les SWEET en pleine crise boogie (« Not My Problem »), jusqu’à la pièce de choix en mode instrumental qui tire son inspiration de Camille Saint-Saëns en insérant des extraits de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák (« Samson And Delilah »).
Voilà donc l’analyse d’un homme qui n’a pas écouté une seule note de l’ACCEPT post 2009 et qui se demande aujourd’hui pourquoi. Mais peut-être fallait-il en passer par là pour en prendre plein les oreilles aujourd’hui, et me réjouir de la forme d’un des groupes qui a forgé mon éducation musicale. Et si l’ACCEPT de 85/86 était l’un de mes héros, l’ACCEPT 2021 a des airs d’ami perdu de vue il y a longtemps, mais qui n’a pas changé. Too Mean to Die prouve donc que le groupe est loin d’être trop vieux pour rendre les armes, lui qui combat encore comme une jeune recrue, avec l’expérience des vieux loups à qui on ne la fait plus.
Titres de l’album:
01. Zombie Apocalypse
02. Too Mean To Die
03. Overnight Sensation
04. No Ones Master
05. The Undertaker
06. Sucks To Be You
07. Symphony Of Pain
08. The Best Is Yet To Come
09. How Do We Sleep
10. Not My Problem
11. Samson And Delilah
Et bien mortne2001, je t'invite très fortement à te pencher sur la fameuse ère Tornillo.
Car si cet album est bon, je trouve ses prédécesseur encore bien mieux.
A bon entendeur... ... ...
J’avais entendu quelques extraits de Blood of the Nation et Stalingrad qui ne m’avaient pas déplu... puis j’ai écouté intégralement Stampede l’an dernier (malgré sa pochette repoussoir) et là, BAM ! La surprise était si bonne que je me suis promis d’acheter tous ces skeuds pour une écoute hyper attentive. J’y ai entendu des morceaux bien meilleurs que sur certains albums de l’ère UDO comme Death Row ou Predator. Accept assure encore et a fait un très bon recrutement avec Tornillo. Wolf a encore le chic pour pondre des riffs typiques ! Alors OK, l’effet de surprise ne joue plus vraiment et ses heures glorieuses sont certainement derrières lui, mais Accept a encore de beaux restes.
Sans surprise, album en roue libre, c'est... correct. Sauf que pour un groupe avec ce pédigré, taper dans le juste "correct" ça n'est pas suffisant pour faire vibrer l'auditeur. Il va falloir que le père Hoffmann bosse un peu plus ses compos au lieu de pointer à l'usine.
"Correct" ?
Si tous les groupes Heavy de cette période là était de ce "bête" niveau de "correction", j'en serai fort aise...
On n'en retient malheureusement pas grand chose. Un bon 65%
@ Humungus :
Bah si tu préfères, c'est du Accept sans la moindre surprise, un peu comme un Slayer des mauvais jours. Tu es en terrain connu, c'est pas franchement mal troussé mais ça ne supporte pas la comparaison avec le back-catalogue. C'est comme le boudin, fait au mètre.
En grand fan d'Accept depuis 1987 je suis un peu déçu parce que j'attendais une plus value avec ce line-up à 3 gratteux. Au final il n'en ressort rien, on ne fait pas la différence. Et les compos sont trop plates pour un groupe de ce niveau.
"C'est du Accept sans la moindre surprise, un peu comme un Slayer des mauvais jours"
Hé hé hé !
Exemple qui corrobore totalement ce que je disais au préalable cher Bones :
Cet ACCEPT ou "un SLAYER des mauvais jours" me vont bien plus que 9/10ème de tout ce qui peut-être pondu actuellement.
Bon allez...
J'avoue...
Je fais ici mon Humungus pur jus hein...
Vous me connaissais assez bien désormais...
Il est bien sûr plus qu'évident que ce "Too mean to die" est loin d'être ultra transcendant.
Ouaip, sauf que les SLAYER des mauvais jours (World Painted Blood, Diabolus in Musica...), prennent la poussière sur mes étagères depuis des années. Ce Too Mean To Die prendra le même chemin tandis que j'écouterai toujours Russian Roulette, Balls ou Restless avec plaisir. :-(
J'avoue bis.
Pas là pour relancer la guerre éternelle hein, mais écoutez moi le steel factory d'UDO (son dernier album de heavy), c'est quand même d'un autre calibre...
La periode Tornillo c'est, selon moi, un Stalingrad qui fait illusion puis des albums interchangeables, en pilote automatique, qui sortent a intervalle régulier.
Merci pour le conseil, Goughy ! j'y jetterai une oreille.
C'est marrant, j'écoute Accept depuis 1986 ou 87 et je n'ai pas UN album d'UDO dans ma CDthèque. Nada ! Que dalle ! Jamais eu confiance en ses albums... bien que des titres m'aient bien fait tripper, comme "Holy" que j'avais trouvé juste superbe sur un sampler. Je pense qu'un bon best-of me suffirait en guise de rattrapage (ça doit bien exister).
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09