A voir leurs têtes sur les photos promo, on se dit qu’on a affaire à un groupe méchamment Indie, de ceux qu’on croise dans les pages « espoirs » des Inrocks ou Gonzaï. Couleurs automnales, tronches impassibles, blousons anonymes, barbes méchamment velues, et pourtant, ce groupe de Grenoble est tout sauf le chouchou d’une élite qui se masturbe régulièrement sur des artistes aussi underground que leur musique est insipide et digne des galeries d’art les plus condescendantes et trash. On pourrait même croire que ce pseudo de SATAN n’est qu’une provocation cheap destinée à donner la chair de poule aux minettes qui se pâment d’Electro minimaliste, et pourtant, il est un aveu, et l’assomption d’une plongée dans les abysses les plus insondables de l’âme humaine. Pris dans un autre contexte, plus Metal, on pourrait penser que les SATAN s’affilient à la mode des combos estampillés Acteurs de l’Ombre, précurseurs arty, défricheurs Post, mais lorsqu’on se souvient de leurs œuvres passées, on sait. On sait qu’on ne sait pas grand-chose, à part que les grenoblois ont toujours repoussé les limites du chaos pour dessiner leurs propres frontières. Accusant plus de dix ans d’existence, le quatuor composé de Frédéric (batterie), Hugo (Guitares), Michael (Basse) & Léo (chant) se lance donc dans le grand bain du troisième LP, cinq ans après l’initial L’Odeur du Sang, et trois après le séminal Un Deuil Indien. Mais avant d’avoir abordé la production sous son angle le plus étendu, SATAN a tâté du split, et beaucoup d’ailleurs, partageant son temps avec les SORDIDE, SETE STAR SEPT, WHORESNATION ou GRINDING, histoire de mieux créer des liens et asseoir leur réputation. Au début de l’aventure, le quatuor n’était que Grind traité façon Black, une puissance assourdissante, un poème morbide à l’attention des dépravés toujours lucides. Aujourd’hui, l’orientation à légèrement dévié, même si l’instinct bruitiste est toujours là. Mais il est aussi difficile de classer Toutes Ces Horreurs dans un style précis que d’affirmer que Richard Kern n’était rien d’autre qu’un provocateur porn n’cheap. Et pourtant, la comparaison n’est pas vaine.
SATAN provoque, de son nom évidemment, mais surtout de son attitude artistique. Plus de dix ans après leur émergence, les grenoblois sont toujours à cheval entre les genres, et décollent les étiquettes comme un dégriffeur au noir dans son atelier de fortune. Est-ce du Black, est-ce du Grind, est-ce du Blackened je-ne-sais-quoi ? La question n’a aucune importance, puisque la musique n’a jamais déçu, pas plus aujourd’hui qu’hier. Toujours conscients de leur unicité, les mecs avancent à bon rythme, torchent des longue-durée à l’amplitude de EP’s, réconcilient la scène Boucherie des eighties, la vague des légions noires, le catalogue Throatruiner, la No-Wave new-yorkaise, l’Indus anglais et celui de Brooklyn, tentent de faire rougir de honte le spectre de Lemmy avec une basse plus distordue que son poireau, et finalement, restent bien seuls sur leur montagne automnale qui peine à cacher leur singularité. Ne rien faire comme tout le monde, sans le faire exprès mais en restant soi-même, tel est le leitmotiv de Toutes Ces Horreurs qui en est une assurément, et qui se vautre dans la fange canadienne pour mieux hurler des textes en français qui résonnent d’un Punk pas tout à fait assumé, mais intégré à la culture personnelle (« Peinture Au Plomb »). Avec cet album, le groupe sonne toujours aussi sale, comme si ses morceaux émanaient d’une vieille cave aux murs suintants, d’un immeuble à la façade décatie, amplifiant ce son si crade qui condamne les guitares à geindre et la batterie à se contenter d’une prise live avec un vieux micro usé jusqu’à la membrane. Oui, mais la laideur a valeur de beauté dans une époque immonde, et ce troisième LP est une preuve de plus à charge de créativité pour SATAN, qui n’a aucun équivalent sur la scène actuelle. On repense aux premières démos de NAPALM, à ces échos de la scène Anarcho-Core, mais aussi aux GARCONS BOUCHERS, au Hardcore allemand le plus nihiliste, lorsque le propos se veut humaniste et les mots plein de rage (« Le Sang Des Bêtes »). Impitoyable, Toutes Ces Horreurs s’échine à justifier son titre à chaque riff, à chaque rythmique, avec toujours au premier plan la voix fielleuse de Léo qui ne crie pas, mais exhorte, et oblige les consciences à se réveiller.
SATAN ne s’adresse pas à tout le monde, loin de là, et ne concerne qu’une poignée de fans avertis, mais totalement dévoués. Il faut pour les apprécier s’accorder d’une production roots, compacte, d’ambiances délétères, de métissage extrême, de Metal salement dilué dans le Punk, mais le Punk français, pas son homologue anglais ou son rival américain, même si le spectre de DISCHARGE et CRASS plane parfois bas au-dessus des titres (« Toutes Ces Horreurs »). En s’éloignant de ses racines purement Grind, le groupe n’en est pas pour autant rentré dans le rang, même si on trouve toujours une excuse pour affoler le tempo comme à la grande époque de Scum (« Le Sang Du Poète »). Pas plus de trois minutes, toujours cette propension au malaise, aux sons qui choquent, à la gravité acide et aux textes déclamés d’une voix déshumanisée (« Caveau Familial »), avec des riffs froids comme le BM nordique, et une basse concentrique et hypnotique. Avec un tempo qui rivalise avec les plus grands noms de la scène norvégienne, une froideur qui le confine à la rigor mortis (« Faux-Amis »), SATAN signe le manifeste d’abomination idoine pour une époque de fracas, de fureur et d’incivisme, nous forçant à la réflexion avant de passer à l’action. Pas grand-chose de très gai à se mettre sous la dent, d’autant que le quatuor a tout fait pour instaurer l’inconfort en concept principal (« Triste Sœur », qui rappelle un peu nos historiques MORSÜRE), et qu’il l’avoue même sur fond de Hardcore noir et chaotique (« Zone D’Inconfort »). L’un dans l’autre, Toutes Ces Horreurs est un catalogue de sévices infligé aux tympans, qui souffrent d’intermède bruitistes et Ambient (« L’Ennemi Déclaré », aux cymbales insupportables), mais qui au final, s’extirpent d’une torpeur que la musique moderne aime à instaurer. Personne ne saurait s’y retrouver complètement sous peine d’avouer ses tendances psychotiques, mais il y a quelque chose de rassurant dans ce malaise ambiant qui refuse la facilité, s’aliène les masses, pour mieux se présenter sous un jour présentable, mais réellement roublard.
L’habit ne fait pas le moine, mais le moine défroqué retire les habits. N’attendez pas de ces enfants de cœur la moindre complaisance. Ils ne passeront jamais à confesse.
Titres de l’album :
01. Confiture Pour Cochons
02. La Guerre Lente
03. Le Sang Du Poète
04. Caveau Familial
05. Faux-Amis
06. Triste Soeur
07. Zone D’Inconfort
08. L’Ennemi Déclaré
09. Peinture Au Plomb
10. Le Sang Des Bêtes
11. Toutes Ces Horreurs
12. Lève-Toi Et Rampe
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